Comme toutes les villes qui ont une histoire, Iruña/Pampelune est plurielle et la découverte de la capitale de l’ancien royaume de Navarre ne peut bien entendu se limiter aux San Fermines ou à quelques adresses - un minimum toutefois - pour une visite express. Il existe d’ailleurs un très sérieux et utile ouvrage sobrement intitulé « Guía de Pamplona, para visitantes y los de casa » écrit avec humour par Santiago Lesmes Zabalegui, connaisseur et amoureux de sa Navarre, pour aider à faire des choix.
Pour qui se rend à Pampelune par l’autoroute depuis Donostia/Saint-Sébastien, les changements paysagers sont notoires. Le climat et la végétation océaniques sur la plaine côtière et durant la montée de l’AP15 se modifient sensiblement après Pagozelai (694 m), en commençant la descente vers le défilé des « Deux sœurs » et Irurtzun pour laisser place à de larges étendues dédiées aux cultures céréalières. Il peut ici faire aussi froid que chaud, pas tout à fait continental et pas encore vraiment méditerranéen.
Une fois traversées les zones industrielles et les nouveaux quartiers résidentiels, apparaît enfin la vieille ville, ceinturée de verdure. Il n’est guère conseillé de s’aventurer en voiture dans le centre ancien. Au sortir du parking souterrain de la gare routière (une bonne option pour éviter de retourner recharger les horodateurs), il est intéressant de s’aventurer quelque peu à l’intérieur de l’ancienne citadelle où les bâtiments (four, salle d’armes, salle mixte, poudrière…) sont désormais dévolus à la culture.
La vieille ville est toute proche, délimitée ici par la calle de las Navas de Tolosa (victoire des armées des « trois rois » chrétiens - dont le roi navarrais Santxo Azkarra - contre les musulmans le 16 juillet 1212). Avant d’emprunter la calle Mayor que parcourent les pèlerins en route pour Compostelle, arrêt presque obligatoire dans l’église Saint-Laurent où se trouve dans une chapelle la très vénérée statue de bois recouverte d’argent de San Fermín sur un baldaquin.
A proximité se trouve le palais des rois de Navarre. Ici commence réellement la vielle ville. Calle Mayor, voie officielle du chemin de Saint-Jacques, il n’est pas rare de croiser des pèlerins qui quittent la ville, leur crédentiale une fois tamponnée (en libre-service !) à la cathédrale.
Calle Mayor ou calle San Francisco, ces deux axes se rejoignent à l’église gothique (XIIe siècle) dédiée à Saint Cernin (ou Saint Saturnin). Une plaque rappelle le lieu où selon la tradition furent baptisés les premiers Navarrais, dont le jeune romain Ferminus, futur San Fermín. Comme beaucoup d’autres, l’église n’est ouverte que rarement en dehors des offices. Sa visite est fort intéressante, à commencer par le sol en bois qui était un ancien cimetière et a conservé une grande partie des tombes. Et la chapelle latérale, partie la plus ancienne.
En empruntant la calle Mayor, quelque peu défigurée par les trop nombreux magasins « modernes », on découvrira quelques-unes des plus belles façades de demeures nobles, dont celle du palacio de Ezpeleta (XVIIe siècle). La partie arrière de ce palais est visible par la calle San Francisco. Dans le prolongement, ne pas hésiter à entrer dans l’ancienne « Cour des Comptes royaux », unique édifice gothique civil (XIVe siècle) où se cache un puits dans un petit jardin.
La casa Consistorial (hôtel de ville) et sa façade baroque n’est pas loin, à la jonction des trois anciens bourgs (San Cernin, San Nicolás et Navarrería). Un symbole de paix avec la déclaration du Privilège de l’Union (1423) après des siècles de « guéguerre » entre voisins de quartiers différents. La calle Mercaderes et la calle Estafeta menant aux arènes sont bien connues des amateurs d’encierros. Tout comme la plaza del Castillo toute proche, incontournable lieu de rendez-vous central, qui a conservé le nom du château édifié par le roi Louis le Hutin en 1310. Le château a disparu (1545), la place a servi pour les tournois de chevaliers et les premières arènes y ont trouvé place jusqu’en 1843. La place est entourée par des immeubles de taille et aspects diversifiés. Remarquables sont le palais de la Diputacíon, en direction du monumento al encierro, du monumento a los Fueros et du paseo Sarasate, à l’est de la place. A l’ouest se détache l’ancien casino dont le rez-de-chaussée est occupé par l’institution qu’est le café Iruña, voisin de l’hôtel La Perla, où séjournait Ernest Hemingway, habitué du bar voisin (et de nombreux autres, est-il rappelé malicieusement). C’est plutôt dans les rues proches du sud de la place, à partir de la calle San Nicolás que se trouvent les bonnes adresses des bars à pintxos.
Au nord de la place, endroit le plus élevé de la ville (449 mètres), se situe le quartier de la Navarrería. Là existait déjà le village vascon d’Iruña (ou Irunea) avant l’arrivée en 72 avant J.C. des Romains conduits par le général Pompée, qui y fixa le castrum. Plusieurs églises ont été édifiées au cours des âges, l’actuelle cathédrale gothique dont la façade néoclassique déplaisait (déjà à l’époque) à Victor Hugo (« quelle horrible façade surmontée de deux oreilles d’ânes que sont les campaniles »). Ont précédé l’actuelle cathédrale dédiée à Sainte Marie la Royale une première église wisigothique, détruite en 924 par l’occupant musulman Abderraman III, remplacée par une nouvelle église sous le règne de Sancho el Mayor (1004-1035), démolie et reconstruite dans le style roman entre 1100 et 1127. Elle s’écroula en 1390 et Charles III le Noble ordonna la construction d’une nouvelle cathédrale de style gothique en 1394 tout en conservant la façade romane, laquelle se trouve cachée depuis 1783 par une façade néoclassique.
Après une première impression extérieure qui peut être négative, la majesté du temple impose le respect et l’admiration. En dehors des offices célébrés tous les jours, il faut bourse délier pour visiter, individuellement ou en groupe, la cathédrale en forme de croix latine, le cloître et le musée. Trois nefs, de nombreuses chapelles latérales et des retables de tous styles, un déambulatoire permettant aux pèlerins de faire le tour du chœur et de la nef centrale - même durant les offices -, l’édifice est grandiose, mesurant 28 mètres de haut. Au milieu du chœur que ceinture une grille renaissance, sous un baldaquin gothique, une Vierge du XIIe siècle sculptée de bois et recouverte d’argent, richement parée, et son Enfant de style baroque. C’est ici qu’étaient couronnés les rois de Navarre. Le sépulcre de Charles III le Noble et de son épouse Leonor de Trastámara, en marbre et albâtre, impressionne toujours le visiteur. Des vitraux originaux, il n’en reste que quatre, les autres ayant été soufflés lors d’une explosion accidentelle dans un magasin. Le cloitre gothique attenant, en cours de restauration, est l’un des plus beaux d’Espagne. Le musée diocésain offre depuis peu « Occidens », plus qu’une exposition, une réflexion, dans l’ancien dortoir et autres salles communes, que l’on parcourt après avoir visité l’ancienne cuisine, la salle à manger, la salle capitulaire… Au fil du temps, l’évolution de l’Occident depuis la Grèce, Rome, le judaïsme, le christianisme, l’islam, les schismes, le protestantisme, réforme et contre-réforme, les révolutions, pour arriver à notre époque contemporaine. Depuis plus de 2000 ans, ceux qui nous ont précédés ont été amenés à faire des choix : quel(s) choix pour demain ? Plus qu’une exposition, une réflexion.
Des enceintes qui protégeaient la ville il ne reste que quelques fragments depuis 1915, la citadelle au sud, la muraille de la porte de France au nord, à proximité de la cathédrale et de l’Auberge du Cheval Blanc… Et les musées de Pampelune ? Trop nombreux pour une visite découverte : musée de Navarre, musée de l’université de Navarre, centre d’interprétation des murailles de Pampelune, centre de culture contemporaine, musée Pablo Sarasate, musée des arènes, musée Jorge Oteiza…
Il faudra donc revenir. Et c’est tant mieux. En voiture, en train (lignes Irun – Madrid, Irun – Barcelone), en bus depuis Bayonne (ALSA toute l’année ou excursion guidée du « Basque bondissant » durant l’été).