C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès – il y a deux semaines - de Madame Paule Duhar et on ne peut que regretter un certain "éloignement" dans lequel cette remarquable personnalité du monde culturel et scientifique de la côte basque avait été maintenue dans ses dernières années...
Pendant des décennies, les Biarrots avaient fréquenté la pharmacie que Paule Duhar avait créée sur l’avenue Kennedy, non loin de l’église Saint-Martin.
Adrienne Denise Paule Duhar, née Mazic, avait passé son doctorat d'Université (mention : Pharmacie) en présentant une thèse consacrée à l’histoire de la pharmacie militaire en Italie après le Traité de Campo-Formio (signé en 1797 par Bonaparte), étude remarquable qu’elle avait soutenue publiquement en décembre 1956 devant la Faculté de pharmacie de Strasbourg.
On se doute que la jeune étudiante Paule ait éprouvé quelque appréhension avant d'entreprendre cette étude de pharmacie militaire, un tel sujet ne paraissant guère féminin. Mais selon l’appréciation de ses professeurs, « elle y avait vu une occasion d'étudier les misères des soldats du Directoire, du Consulat, puis de l'Empire, leur héroïsme ainsi que l'œuvre accomplie par les pharmaciens de ces armées en Italie. Elle avait réussi à montrer un aspect particulier de ces guerres et les raisons pour lesquelles les pharmaciens d'aujourd'hui pouvaient être fiers de leurs grands anciens : s’ils n’étaient pas tous passés à la postérité, ils avaient tous fait leur devoir et rempli les fonctions dont ils étaient chargés.
Leurs états de service montrent quelles furent les vicissitudes de presque tous : requis, puis licenciés au bout de quelques mois, rappelés après quelques années de vie civile, mis en demi-solde, rappelés à nouveau, puis licenciés ou mis à la retraite. Outre celle d'Italie, la plupart ont participé aux diverses campagnes de la République, puis de l'Empire, parfois à des expéditions hors d'Europe, comme celles d'Egypte et de Saint-Domingue ; certains même firent la campagne d'Afrique...
Et « autour » de sa pharmacie à Biarritz, Paule Duhar avait complété sa carrière professionnelle en participant à de très nombreuses œuvres, entre autres sociales, tels ces foyers de scolaires, d’adolescents, de jeunes filles, parfois consacrés à l'éducation de jeunes délinquants, ou bien encore la "Sauvegarde de l'enfance du Pays Basque" : Paul Bertrand qui en assuma la direction générale, relate dans ses mémoires combien « avait été précieuse l'aide matérielle de Paule Duhar qui aura la charge de trésorier ». Toujours le coeur sur la main, combien de fois l’avais-je vu aider financièrement un ami commun lors de sa campagne électorale aux législatives de 2007 sur la côte basque, ou tel jeune désireux de lancer son « affaire »...
Mais c’est dans le domaine culturel que Paul Duhar avait sans nul doute inscrit son empreinte dans la région. Parmi ses innombrables activités, il convient de rappeler qu’elle fut à l’origine de la création au milieu des années cinquante de l’antenne Côte Basque de l’association France Etats-Unis après le départ de Biarritz de la célèbre « Université Américaine ». Je me souviens de son portrait qu’avait réalisé Mayi Darizcuren-Verchère (1912-1997), artiste-peintre née à Ustaritz.
Et combien de conférences musicales organisées à Biarritz que Paule accompagnait elle-même au piano dont elle jouait avec une indéniable maîtrise.
Fondatrice dans les années 80 d’« Art et Musique de Biarritz » dont elle transmit la présidence à sa fille Evelyne – je me souviens en particulier d’une belle soirée avec la violoniste Geneviève Laurenceau au Salon Impérial de l’Hôtel du Palais où l’on avait soufflé les quinze bougies de l’association à l’aube de l’an 2 000 – Paule Duhar constituait un véritable « tandem » avec Pierre Espil qu’elle accompagnait souvent dans ses tournées des expositions artistiques, aux sessions du Prix littéraire des Trois Couronnes ainsi qu’aux activités des « Poètes de l'Adour », où l’on croisait alors Louis Guillaume, Marie-Thérèse d’Arcangues, Alain Lamassoure, Francine et André Rabas… Elle nous a laissé quelques poèmes, en particulier celui intitulé « Une vie » :
Tu penses être éternel.
Innocent personnage
L’avenir te sourit
Crois-le, heureux mortel.
Quand frappe le bourdon
Avec tout son cortège ;
Douleurs et déceptions,
Fini, le sortilège.
Que reste-t-il, dès lors
Pour embellir ta route
Musiques et lectures
Partir à l’aventure ?
Cultive ton jardin
De roses d’amitié
Aux parfums de l’amour
Garde-toi de l’envie.
A l’heure du passage
Vers de nouveaux rivages
Tu partiras, paisible
Retrouver l’invisible.