C'est un office funèbre de rite orthodoxe - sa confession, à laquelle elle était toujours restée fidèle - qui a été célébré jeudi dernier en mémoire de Katharina Beigbeder, née Veljkovitch, à l'église de Ciboure, en présence de son époux, Gérald Beigbeder, de ses enfants, petits-enfants, et de nombreux amis de la famille.
Katharina Beigbeder était également toujours restée fidèle à ses racines serbes, et je me souviens comment nous commentions souvent l'histoire de son pays, et combien je lui étais redevable des photographies familiales et des documents qu'elle m'avait communiqués lorsque j'écrivis ma biographie parue chez Atlantica : "Nathalie de Serbie, la reine errante".
Car sa famille eut un rôle important dans l'histoire de la Serbie, et nul doute que nombre de ses compatriotes assisteront à Belgrade à son enterrement et aux cérémonies célébrées en sa mémoire.
Le nom de famille provient de Veljko, le prince de la nahija (subdivision administrative de l'Empire ottoman occupant la Serbie) de Paračin, qui pendant le premier soulèvement serbe avait mené des négociations avec les occupants Turcs, et en 1806 avait participé à la libération de Belgrade.
Son fils Jovan œuvra à l'unification de ces provinces sous le libérateur Miloš Obrenović.
À cette époque, Jovan Veljković bénéficiait d’un poste important dans l’administration serbe naissante, envoyant son fils Stojan faire des études de droit à Heidelberg, lequel sera nommé à son retour professeur de droit romain et pénal, se mariera, et parmi ses enfants, Jovan, le grand-père de Katarina, deviendra officier de la garde du roi Milan et son ami personnel.
Son frère Voja Veljković fut un collectionneur réputé d'œuvres d'art, qui avait de qui tenir puisque son souverain n'hésitait pas, lui-même, à acquérir des toiles d'impressionnistes : Katharina relatait ainsi l'achat de "deux tableaux de Toulouse Lautrec, qu'il connaissait personnellement"...
Une petite partie de cette riche collection familiale de peinture survécut à la guerre et aux spoliations arbitraires du régime communiste qui s'établit en Yougoslavie, une vingtaine sur les quelques 250 tableaux possédés à l'origine par la famille Veljković.
Parmi les diverses propriétés possédées par les Veljković (brasserie, vignobles, etc.), Katarina avait réussi à récupérer la maison familiale de Belgrade, du milieu du XIXème siècle, où s'étaient installés des locataires "protégés" à partir du bombardement de 1941. Le dernier est parti en 2004, et Katarina put ainsi récupérer complétement et restaurer la maison familiale !
Soumis aux persécutions de l'administration communiste qui gouvernait la Yougoslavie depuis 1945, à l'occasion dénoncés comme ennemis de l'État, ses parents avaient quitté la Serbie, rejoignant - à travers la Slovénie et l'Autriche – Paris où Katarina passa son bac avant de faire une licence de russe à l’Ecole des Langues Orientales.
Mariée avec Gérald Beigbeder, d'une vieille famille béarnaise avec des alliances anglaise et américaine - son père présida le Cercle Anglais de Pau, dans lequel il m'introduisit comme jeune membre à la fin de mon service militaire ! - Katarina retourna néanmoins régulièrement à Belgrade à partir des années 90, restaurant la maison familiale et créant même une association des Vieilles Maisons de Serbie qui compte aujourd'hui une soixantaine de maisons, dont beaucoup ont été rénovées.
Parmi ses ancêtres figure également Rougea Orechkovitch, dame d'honneur de la reine Nathalie de Serbie (voyez l'ouvrage que j'ai consacré chez Atlantica à cette souveraine serbe qui vécut longtemps à Biarritz).
Katarina était considérée comme une des plus belles femmes de Belgrade, mais également faisant preuve d'une grande érudition, très accueillante et conviviale : elle comptait de nombreux amis, en particulier dans notre région !
R.I.P. - Goian bego. - Вечна памјат !