C'est une grande dame aux multiples talents qui a laissé orphelins tous les passionnés de culture basque : artiste lyrique et musicienne érudite, Maité Idirin s'est éteinte samedi 20 janvier dernier à l'âge de 80 ans.
Certains ont rappelé en priorité son engagement actif au service du Pays Basque et les débuts dans la chanson de la jeune biscaïenne établie à la fin des années soixante à Paris où elle s'inscrivit en sociologie à l'Université de Vincennes pour suivre son futur mari, l'universitaire Jokin Apalategi, ainsi que l'ami de Jokin, Paulo Iztueta, les trois ayant noué amitié autour du chanteur et guitariste argentin Atahualpa Yupanqui, né de père indien/quechua et basque par sa mère, qui s'était déjà produit à Bilbao : Maité réussit à convaincre Gabriel Aresti de traduire quelques chansons de Yupanqui qui constituèrent la base de son répertoire naissant et qu'elle interpréta, de retour au Pays Basque, lors d'un récital inoubliable à Ondarroa, en compagnie, entre autres, de Benito Lertxundi...
D'ailleurs, Jokin Apalategi et Paulo Iztueta viennent de lui consacrer un ouvrage intitulé "Maite Idirin Herrigintzan kantuz".
Mais pour ma part, je voudrais souligner particulièrement ses talents d'« actrice » remarquable de la musique dans notre pays : auteur de nombreuses recherches, critiques musicales et émissions sur les ondes basques, de Radio-Adour-Navarre à Gure Irratia, Maité Idirin avait suivi des études aux conservatoires de Bayonne et de Bordeaux avant de poursuivre une très riche carrière musicale au cours de laquelle elle avait créé des ensembles tel « Euskal Kamerata » au service des compositeurs basques : Usandizaga, Otaño, Sorozabal, Elizanburu, Aita Donostia, Eslava, Gorriti et Guridi et beaucoup d’autres.
Parmi les concerts qu'elle donna sur des scènes réputées de part et d'autre de la "muga", de sa "voix de velours", je me souviens du vif succès qu'elle avait remporté avec l’Orchestre Symphonique de Bilbao au Teatro Campos Eliseos de la capitale biscayenne.
Répertoire de la Nativité chanté par Maité Idirin
Et parmi ses enregistrements, j'apprécie particulièrement celui pris sur le vif par le label classique basque « Aus-Art records » lors d’un concert donné sur l’initiative de l’Institut culturel basque dans la chapelle du château d’Abbadia à Hendaye. Il s'agit de treize chants de Noël interprétés de la voix pure et cristalline de Maite Idirin, ainsi que trois pièces instrumentales jouées par Muriel Dupin à la harpe et Marise Graciet, flûtiste : Maité Idirin nous y fait découvrir « Oi Eguberri gaua » écrit par Joanes Etxeberri de Ciboure et « Kanta dezagun guziek » du souletin Bernard de Gasteluzar, tous du XVIIème siècle et harmonisés par le Père Donostia qui avait également recueilli « Belenen sortu zaigu Jinkoa », ainsi qu’un chant pour la Chandeleur, « Irten ezazu », composé par un des acteurs essentiels des « Lumières » au Pays Basque, François-Xavier Munibe e Idiáquez, comte de Peñaflorida. En dehors du Père Donostia, Maite Idirin citait également le musicologue Resurrección Maria de Azcue, auteur d’un très important travail de collecte de musique basque, selon lequel « ces chants de Noël étaient d’avantage destinés à la rue et à la chaumière, alors que la liturgie, à l’église, se déroulait en latin ».
A ces chants traditionnels, Maite Idirin avait ajouté des Noëls plus contemporains, tels « Polit ederra » du bilbaino Arturo Inchausti et « Hiru errege orientekoak » (les trois rois d’Orient) du donostiar Jose Maria Usandizaga, deux compositeurs du tout début du XXème siècle.
Quant aux trois courtes pièces instrumentales, leur choix contribue merveilleusement à ressusciter cette ambiance de la Nativité : aussi bien le brillant « Entracte » aux accents hispaniques composé en 1935 par Jacques Ibert, que « La flûte enchantée » de Ravel, et « Le Basque » de Marin Marais – peut-être influencé par les pas des danseurs basques célèbres au temps des noces royales luziennes de Louis XIV en 1660 -.
Par ailleurs, qui ne se souvient de l’accueil de qualité et plein de chaleur prodigué par Maité Idirin dans sa librairie bayonnaise « Zabal » de la rue Pannecau ?
Maité qui se faisait remettre en 2010 le makila et le Prix d'honneur de la culture basque attribués par la Ville de Bayonne et la Société d’Etudes Basques Eusko Ikaskuntza.
R.I.P. Goian bego.