Jean-Michel Larrasquet nous a quittés dans la nuit du dimanche 18 au lundi 19 mars. Il s’est éteint doucement après avoir lutté avec un courage incroyable pendant dix ans contre une maladie implacable.
C’est pour moi, qui étais son ami depuis de longues années, un immense chagrin et une grande peine, même si l’issue fatale depuis quelques jours paraissait inéluctable.
Mais sauf ces dernières semaines, il n’avait pas ralenti son rythme effréné de travail. Les kilomètres ne lui faisaient pas peur et, un jour on le trouvait à Bilbao, le lendemain à Bordeaux à moins que cela ne soit à Pampelune, à Vitoria, à Toulouse ou à Donostia. A moins que cela ne soit au Mexique où il était particulièrement connu et apprécié. Mais cela pouvait être aussi dans un village reculé du Gipuzkoa ou de « sa » Soule car il suivait de près les efforts de développement des zones rurales.
Il était agrégé des Universités en Economie, c'est-à-dire qu’il avait rang de professeur des Facultés même s’il n’enseigna jamais que dans les IUT de Bayonne et de Toulouse et à l’ESTIA de Bidart, en plus de ses nombreuses conférences en Pays Basque Sud, notamment à Mondragon. Il avait lancé dès 1995, les congrès annuels de Projectique, cette science du projet en Economie particulièrement tournée vers le management et l’innovation. Doué d’un contact facile et d’une véritable empathie pour ses étudiants dont beaucoup l’adulaient, il dirigea d’innombrables thèses, masters et projets de recherche en économie, environnement ou agriculture biologique. Il était en parfaite harmonie avec les présidents d’Eusko Ikaskuntza successifs, Xabier Retegui ou Iñaki Dorronsoro, tous deux issus des coopératives de Mondragon et passionnés comme lui par les thèmes de l’innovation économique.
En 2009, il m’avait succédé à la présidence d’Eusko Ikaskuntza-Iparralde dont il avait été un des fondateurs. « Je suis inquiet », me dit-il il y a peu, au téléphone, lors d’une de nos dernières conversations. Je pensais qu’il allait me parler de sa santé mais pas du tout ! Il se préoccupait de savoir comment allaient se dérouler les commémorations, cette année, du centenaire d’Eusko Ikaskuntza et du 25ème anniversaire d’Eusko Ikaskuntza-Iparralde.
Parfaitement trilingue (euskara-castillan-français), il dominait également l’anglais. La dimension transfrontalière lui était naturelle et essentielle. Il n’oubliait pas qu’il était marié à une bizkayenne, Jasone Salaberria Fuldain, docteur en Etudes Basques qui l’a accompagné admirablement jusqu’à la fin ; il était très souvent en contact professionnellement avec des gipuzkoans et, plus récemment, il s’était intéressé activement au jumelage Bayonne-Pampelune.
Mais sa passion, c’était la Soule et Barcus, où il avait toutes ses racines, même s’il était né à Paris. Chaque année, Eusko Ikaskuntza y organisait un événement : on y parlait littérature, économie, danses souletines, traditions, mais surtout de modernité, car tout ce qui était nouveau ne le laissait pas indifférent. Ayant le sens de l’amitié et de la fête, bon vivant avant que la maladie ne gagne du terrain, les moments de détente chez Lechardoy ou chez Chilo avaient tendance à se prolonger ; et une nuit où il me raccompagna chez Chilo, cet hôtel faillit bien perdre son label de « Relais du Silence ».
Partisan depuis toujours d’une Université de plein exercice à Bayonne, il suivit la campagne Batera et, secrétaire du Conseil de Développement, il marqua son vif intérêt lors de la création de la Communauté d’Agglomération Pays Basque.
Sa disparition laissera un grand vide dans les études basques, et particulièrement à Eusko Ikaskuntza. Mais, toujours à l’écoute des jeunes générations, il avait récemment fait entrer au Conseil d’Administration de cette société plusieurs jeunes qui n’ont pas encore atteint l’âge de 30 ans. Transmettre, toujours transmettre…
Jean-Claude Larronde