La romancière Françoise Bourdin, une des plus lues en France avec plus de 15 millions d’ouvrages vendus, est décédée dimanche 25 décembre dernier à l’âge de 70 ans. En octobre 2011, j'avais eu le plaisir de l'accueillir à Biarritz afin de lui faire remettre par Pierre Beaugier, directeur du Casino Barrière de Biarritz (qui était à l'époque notre partenaire) le "Prix littéraire des Trois Couronnes" pour son roman Le Testament d’Ariane, publié aux éditions Belfond.
Ce roman se déroule au sein d’une grande famille d’exploitants résiniers des Landes dont est issue Ariane : veuve et sans enfants, elle laissait à sa nièce préférée la grande propriété familiale, nichée entre pins et océan… Mais l’événement allait faire resurgir les jalousies, les rancœurs enfouies, et bouleverser la belle unité du clan familial. Quant à Anne, malgré le désaccord de son mari, elle désirait s’installer dans cette demeure qui renfermait tant de souvenirs. Et au moment même où nous lui décernions son prix, Françoise Bourdin publiait encore une suite à cette saga landaise, intitulée "Dans les pas d’Ariane" !
Voici la présentation que je fis de son prix :
Madame,
Le prix littéraire des « Trois Couronnes » avait été créé au Pays Basque à la fin des années cinquante par les membres du corps préfectoral Pierre Daguerre et Gabriel Delaunay auxquels une certaine connivence de plume adjoignit les poètes Pierre Espil et Louis Ducla, fondateur de l'Académie pyrénéenne. Il compta dans ses rangs, entre autres, Jean et Maurice Rostand, Pierre Benoît, le Professeur Delay, Pierre d'Arcangues, la princesse Galitzine, etc.
Parmi les nombreux auteurs à qui il fut attribué en près de cinquante ans d’existence, figurent Christine de Rivoyre en 1973 ou Bernardo Atxaga en 1995, sans oublier l’universitaire grand spécialiste de Pierre Loti, Yves La Prairie. Quelques années auparavant, à l’initiative du jury des Trois Couronnes, un monument en mémoire de Loti avait été inauguré à Hendaye en présence de son fils Samuel Viaud.
Quant au nom même du prix, il évoque la montagne qui servit en quelque sorte de borne frontière entre les trois Couronnes de France, de Navarre et de Castille et d’écrin pour la signature de la Paix des Pyrénées il y a 350 ans. L’ascension des « Trois Couronnes » par Maurice Ravel à l’été 1911 lui aurait inspiré sa composition jamais achevée « Zazpiak Bat ».
Peu de temps avant de disparaître, Pierre Espil, qui en avait été la pierre angulaire, m’avait demandé - j’en fus un des derniers lauréats en 1998 - de continuer ce prix.
Après une décennie de réflexion, en assurant sa présidence en 2009, j’ai donc remis au goût du jour ce prix des « Trois Couronnes » qui récompense chaque année, comme à son origine, les ouvrages ayant pour sujet le Pays Basque ou la Gascogne, de même que les auteurs originaires de ces régions.
Notre premier lauréat fut, cette année-là, Frédéric Beigbeder pour Un roman français publié chez Grasset. En 2010, c’est Sylvie Santini qui avait été récompensée pour son ouvrage Le Roman de Biarritz et du Pays Basque aux éditions du Rocher.
Le prix bénéficie d'une dotation en prix offerts par le Casino Barrière de Biarritz, la chaîne Longitude Hôtels et le Château Miller-La Cerda.
Avec un « versant policier » attribué à Jean-Pierre Alaux pour « Avis de tempête sur Cordouan » aux éditions 10/18, le Prix des Trois couronnes 2011 du « roman français » vous a été décerné pour votre ouvrage « Le Testament d’Ariane » aux éditions Belfond qui retrace l’histoire d’une famille landaise dont la vie est bouleversée par un héritage, réveillant jalousies et rancœurs au sein du clan.
Des personnages attachants que vous avouez aimer sincèrement, une terre décrite avec passion et vérité, ont valu à votre roman profondément humain une récompense que nous avons le plaisir de vous faire remettre aujourd’hui par Monsieur Pierre Beaugier, directeur du Casino Barrière de Biarritz.
Nous avons aimé, également, cette maison qui joue – en filigrane – l’un des principaux rôles : « Dans vos romans », nous avez-vous confié, « vous mettez souvent une maison au cœur de l’histoire. Vous avez eu la chance d’acquérir la maison de vos rêves (dans la vallée de la Seine, en Normandie) où vous pouvez recevoir vos enfants – vos deux filles et vos gendres-, fédérer ainsi tout le monde ». Car, insistez-vous, « à l’heure des familles éclatées, une maison reste fédératrice, un repère à une époque où tout change très vite, un point d’ancrage où vous vous sentez à l’abri ». Soit le maintien d’un certain art de vivre là où se rassemble avec bonheur la famille dispersée par la vie moderne. « Je comprends de moins en moins une société liberticide, triste, bien-pensante… Et compliquée ! », ajoutez-vous. Croyez que nous somme nombreux à partager ce cri du cœur !
Venons-en, maintenant, à la riche personnalité de notre lauréate.
Fille d’artistes lyriques, vous avez vécu, Madame, une enfance faite de coulisses et de spectacles, propice à développer un imaginaire artistique. Mais c’est la littérature qui vous ouvrit ses bras quand, à vingt ans, vous avez publié votre premier roman. Vos ouvrages successifs – des « Vendanges de juillet » au « Secret de Clara » – ont rencontré un grand succès auprès des lecteurs, et plusieurs ont été adaptés pour des téléfilms.
A ce propos, j’ai bien aimé l’article de mon confrère et ami Emmanuel Planes paru ce matin dans Sud-Ouest. Il l’a intitulé : « Auteur populaire, et fière de l'être ».
« La plupart du temps », lui avez-vous confié, « la littérature populaire est assez boudée. »
Et, qu'on utilise, à votre endroit, le terme de « littérature populaire » ne vous choque pas du tout, même si vous ressentez souvent, dans cette formule, condescendance ou mépris. « La littérature populaire n'est pas une littérature à l'eau de rose. Il faut que les gens puissent s'identifier, se reconnaître dans les personnages, même s'il faut aussi une part de rêve. Et être populaire, c'est plaire au plus grand nombre ».
En cela, vous illustrez la pensée de mon arrière-grand-oncle Léon Tolstoï qui comparait au langage, cette autre forme importante de communication sociale des hommes entre eux qu’est l’Art : «Les grandes œuvres d’art ne sont grandes que parce qu’elles sont accessibles et compréhensibles à tous », affirmait-il.
On serait tenté d’ajouter que dans le domaine littéraire, les œuvres d'Alexandre Dumas, d'Eugène Sue ou de Georges Simenon, entre autres, sont classées parmi les plus grandes réussites du roman populaire.
Or, concluez-vous dans cet entretien avec Emmanuel Planes, « que demande un auteur, sinon plaire et être lu ? »
C’est parce que vos romans ont séduit le jury des Trois Couronnes comme ils ont plu à votre nombreux public que nous vous décernons ce prix aujourd’hui.