Bien avant que ne débute cette soirée exceptionnelle programmée par France Bleu Pays Basque pour renouveler le concert radiodiffusé depuis le Musée Basque quatre-vingts ans plus tôt sur l’initiative du Père Donostia pour les Basques de la diaspora, le public remplissait très nombreux le théâtre bayonnais. Après une présentation de l’événement par son initiateur, Alexandre de La Cerda, le programme s’enchaînait sous la houlette du jeune animateur de la station, Andde Irosbehere : les chanteurs Erramun Marticorena - accompagné de son guitariste Mikel Markez - et Beñat Achiary, l’accordéoniste Philippe de Ezcurra, les élèves du Conservatoire Maurice Ravel et le Chœur Landarbaso, lauréat du concours de Tolosa, ainsi que le bertsulari Sustrai Colina. Il était entrecoupé des interventions en direct ou en différé d’Adélaïde Darraspe (déléguée de l’association des Basques d’Amérique (NABO), depuis Montréal, Norma Rios depuis la Maison Basque à Buenos Aires et Zoé Bray depuis le département d'études basques à l'université de Reno au Nevada. Conclue sur un « Guernikako Arbola » qu’Alexandre de La Cerda fit entonner à tout le public, la soirée avait débuté par un message de bienvenue trilingue adressé aux Basques du monde par Joxe Mari Muñoa, président de la société d’études basques Eusko Ikaskuntza et ancien « ministre des Affaires Etrangères » du Gouvernement basque.
A tous les Basques du monde bonsoir, bonjour ou bonne nuit !
Que vous vous appeliez Smith, Dupont ou Etxeberri ou Rodriguez, que vous viviez ici au Pays Basque ou à des milliers de kilomètres vous êtes tous aussi basques que le plus basque d’entre nous, car telle est votre volonté non seulement dans des déclarations mais dans les faits. Autrement dit, parce que vous aimez votre pays, Euskal Herria.
Et le fait de vous considérer basques ne vous empêche pas de vous d’être citoyens des pays qui vous accueillent. Pourquoi ne seriez-vous pas simultanément basques et argentins, basques et américains ? Pourquoi les personnes auraient-elles une seule identité ? Si on nous reconnaît notre identité basque, avec toutes les conséquences qui en découlent, pourquoi ne nous considérions pas aussi français, espagnols, brésiliens ou australiens ?
C’est pour cela qu’en tant que basques nous devons construire notre Pays. Basé sur ses racines séculaires mais adapté à notre société d’aujourd’hui, ouvert au monde entier. Tradition et modernité, aimant le travail bien réalisé, voulant vivre dans une véritable Paix, respectant tous nos voisins et exigeant d’être respectés en tant que Peuple Basque. Plaçant toujours la personne et ses valeurs les plus profondes en priorité absolue tel que nos générations précédentes nous l’a enseigné, avec l’exemple de leur Humanisme.
Voilà le Pays Basque que nous désirons aujourd’hui. Contribuons à le construire, chacun dans la mesure de nos possibilités.
Vivons notre amour responsable pour notre Pays et nous construirons une Euskal Herria chaque jour plus forte, plus juste, plus solidaire, plus libre et plus humaine.
Joxe Mari Muñoa
Ce spectacle avec de grands artistes de notre région avait été diffusé en direct le vendredi 13 janvier 2012 depuis le Théâtre de Bayonne sur l’antenne de France Bleu Pays Basque et relayé sur Internet dans le monde entier grâce à l'implication du directeur de France Bleu Pays Basque, Jean-Lou Philippe, et de ses collaborateurs.
Un conte de Noël d'Emmanuel Souberbielle, intitulé "la messe du Pays Natal", publié en 1925 dans la revue Gure-Herria pouvait l’évoquer. Il y était question d'un Manex Elissondo parti pour la Californie à 18 ans. Sa fortune faite - il était plus que sexagénaire – il se prit à rêver pour cadeau d'anniversaire, d'assister à une messe de Noël de son enfance, à l'église de Cambo. Par malchance, il tomba malade, et la traversée de l'Atlantique fut déconseillée par les médecins. Alors, son fils Mattin eut une idée pour réaliser le rêve de son père, malgré les circonstances : avec l’aide du Curé de Cambo et un chèque conséquent. Et quelques jours plus tard, si quelqu'un avait pu regarder à la fois la maison des Elissondo, là-bas en Californie, et le clocher de Cambo, il aurait vu des ouvriers grimpant sur des mâts de fer qui semblaient des paratonnerres.
En fait, vous l'aurez facilement deviné, plus facilement en tout cas que le lecteur de Gure-Herria de 1925, car la TSF était alors à peine balbutiante, le fils avait réalisé une liaison radio entre l'église de Cambo et la ferme en Californie, afin que son père alité, pût entendre la messe de Noël.
Or, la fiction devint réalité quelques années plus tard.
C’était la fin de l'année 1931, le Père Donostia, célèbre musicologue basque ami de Ravel, qui parcourut tous les villages d'Euskal Herri à la recherche de mélodies qui se perdaient, organisa depuis le Musée Basque un concert pour les Basques de la diaspora sur les ondes de la station « Radio Coloniale ».
L’émetteur assurant la retransmission avait dû être transporté par chemin de fer jusqu’au Musée Basque de Bayonne, où le Père Donostia avait rassemblé une centaine d’exécutants (chorale, orchestre et chanteurs composant le concert projeté). L’émission était relayée depuis Buenos Aires dans toute l’Argentine alors qu’à Bayonne et au Pays Basque, l'écoute était possible grâce au relais du poste Bordeaux-Lafayette.
Le concert organisé le 13 janvier 2012 avait donc renouvelé quatre-vingts ans plus tard cet événement.