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Musique de la Semaine
Gershwin, Rachmaninov, Ellington : New-York, les années folles et ses trois barons du piano
Gershwin, Rachmaninov, Ellington : New-York, les années folles et ses trois barons du piano

| Yves Bouillier 960 mots

Gershwin, Rachmaninov, Ellington : New-York, les années folles et ses trois barons du piano

zMusique George Gershwin (droite) avec Maurice Ravel (au piano) en 1928.jpg
George Gershwin (droite) avec Maurice Ravel (au piano) en 1928 ©
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zMusique Serguei Rachmaninov en 1934 ©AFP.jpg
Serguei Rachmaninov en 1934 ©AFP ©
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Les récentes actualités américaines et les quatre folles années du dernier mandat présidentiel m'incitent à mettre cette semaine à l'honneur 3 géants du piano, 3 stars qui ont véritablement fait vibrer l'Amérique et particulièrement New -York, dans les années 20 ;   il s'agit de George Gershwin, Serguei Rachmaninov et Duke Ellington.

Né à New-York en 1898, Gershwin est en janvier 1921 un jeune pianiste, improvisateur et compositeur dont la musique s'inspire du Ragtime, du Blues, du jazz et de l'héritage symphonique européen. Il compose des chansons en vogue pour les spectacles de Broadway et s'entoure de son frère, parolier et de Fred Astaire.

Chaque samedi soir, entouré d'une quarantaine d'amis, il offre un précieux concert chez lui où il joue et chante. La renommée de Gershwin s 'étendra très rapidement au-delà des frontières.

 Il sera embauché par Paul Whiteman, un chef d 'orchestre qui avait fondé un orchestre de danse et de musique populaire très réputé à New- York. Connaissant les dons du jeune Gershwin, Whiteman l’avait sollicité afin qu'il compose une pièce pour piano et orchestre d’influence jazz, un moyen d'ouvrir les portes des grandes salles de concert à cette nouvelle musique que l'on appellera le Jazz symphonique.

 Gershwin compose la Rhapsodie in Blue en cinq semaines, et le 12 février 1924, elle sera créée sur la scène du Aeolian Hall, nouvelle salle de concert de New-York , avec le compositeur lui-même comme soliste. Stimulé par les rythmes d 'acier de la machine et de l'effervescence des grandes villes, Gershwin parle de sa composition comme "d'un kaleidoscope de l'Amérique, avec notre vaste mélange de cultures, notre joyeux dynamisme national, notre folie métropolitaine."

 Voici un document incroyable datant de 1931 où Gershwin interprète I Got  Rhythm.

https://www.youtube.com/watch?v=oQdeTbUDCiw

 La création de la Rhapsodie in Blue connut un formidable succès de la part du public comme des critiques. Y assiste tout ce que New-York compte de sommités de la musique classique dont Sergei Rachmaninov.

Novembre 1918, Sergei Rachmaninov débarque à New York, la veille de l'armistice, avec ses mains comme seul capital. Le pianiste russe fuit la révolution bolchévique et bénéficie des largesses de la haute société new-yorkaise. Le fabriquant de piano, Frédéric Steinway, lui offre un instrument. Un autre admirateur mélomane lui prête un appartement pour qu’il pratique son piano confortablement. Sergueï reçoit toutes sortes de conseils, des recommandations sur les pratiques du show-business à New-York. Il a tout en main pour faire une brillante carrière américaine et ce sera un succès.

Rachmaninov retrouve aussi les musiciens exilés de Russie comme Jascha Heifetz et Sergueï Prokofiev qui ont convergé comme lui vers la métropole mondiale.

La nouvelle vie américaine de Rachmaninov est chahutée par un autre événement mondial. La veille des années 20 a ceci en commun avec notre situation actuelle : la pandémie de grippe espagnole ! Peu de temps après son arrivée, Rachmaninov contracte le virus, mais sans gravité.

Il donnera de nombreux récitals, notamment au Carnegie hall.  L'artiste envoûtait son public sans aucune démonstration apparente, mais le résultat n’en était que plus saisissant. Les gens se déplaçaient pour écouter Rachmaninov sans se soucier des œuvres qu'il allait interpréter. Dans Beethoven, Chopin, Schumann ou ses propres compositions, son fluide agissait avec autant de force. 

Son succès auprès des femmes n’était pas moins considérable. Ses admiratrices lui envoyaient des bouquets de lilas blanc, l’attendaient dans sa voiture à l’issue du concert, ou lui écrivaient des lettres anonymes.

Ses concerts lui prenant la quasi-totalité de son temps, il abandonna la composition et sur quarante-trois numéros d’opus, seuls les quatre derniers furent composés dans sa période américaine.

Ecoutons le poignant et sombre prélude en do dièse mineur pour piano, composé en 1891.

https://www.youtube.com/watch?v=sCtixpIWBto

A quelques minutes à pied du Carnegie Hall, dans le quartier noir de Harlem, un nouveau lieu de divertissement et de Jazz vient d'ouvrir : le Cotton Club.

Un jeune et talentueux pianiste vient d'y être engagé ; il s 'agit de Duke Ellington, qui en créant son orchestre et en composant plus de 2000 titres dont beaucoup seront des standards, deviendra très rapidement le maître du jazz orchestral et le roi du Big band à New- York.

 Sa musique est un savant mélange entre les racines afro-américaines du jazz et des sonorités nouvelles : latines ou orientales.

Plutôt que de s’adapter aux goûts de l’époque, au jazz lisse et sautillant des cabarets, le " Duke " privilégie l’expressivité, retrouve les sonorités du blues des années précédentes et invente le Jazz jungle ; Un style à l’effet sauvage avec des effets de vrombissements, de grognements et d'imitations de gémissements. Cette ambiance de jungle urbaine musicale est obtenue par de nombreux effets sonores instrumentaux, par des déformatons et subtilités des sons et  l'utilisation des sourdines " wa-wa " et du growl ; un procédé guttural qu'utilise les trompettistes et trombonistes qui consiste à faire rouler l'air dans l'arrière gorge pour produire des sons grésillants et rugissants avec leurs instruments. Avec Duke Ellington, le jazz est devenu une musique sérieuse, au même titre que le répertoire classique.

Je vous propose d 'écouter ce standard intiluté The Mooche de Duke Ellington 

https://www.youtube.com/watch?v=m_-IpeU2Su4

Gershwin, Rachmaninov, Ellington ; trois monstres sacrés qui ont véritablement régné sur New- York dans les années 20, chacun dans leur style musical et faisant particulièrement bien évoluer leur art en dépassant largement les frontières des Etat-Unis. 

Maurice Ravel, en tournée en Amérique en 1928, put rencontrer Duke Ellington en assistant à une soirée au Cotton Club et il fêta ses cette même année ses 53 ans à New-York en présence de Gershwin qui lui joua plusieurs pièces dont la fameuse Rapsodie in Blue.

Suite à ses rencontres, le Jazz deviendra une importante source d'inspiration dans la musique du compositeur français comme chez d 'autres compositeurs de la Belle époque, une époque où la folie n'avait pas le même sens qu'aujourd'hui, une époque que l'on aurait aimé tous vivre…

zMusique Duke Ellington et son big band.jpg
Duke Ellington et son big band ©
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Lamarque | 22/01/2021 12:35

Cher collègue, Tes articles sont très intéressants. Je tiens à te féliciter pour ce beau travail!

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