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Tradition
Fêtes de Bayonne : « ce corso qui n'a jamais fini d'exercer sa magie… »
Fêtes de Bayonne : « ce corso qui n'a jamais fini d'exercer sa magie… »

| Yves Ugalde 1262 mots

Fêtes de Bayonne : « ce corso qui n'a jamais fini d'exercer sa magie… »

Ça s'est joué à un poil de ce que vous voudrez de l'anatomie humaine, mais ce sont encore les Amis de Mouguerre qui ont remporté le corso lumineux des Fêtes de Bayonne. Il faut attendre après la virgule des notes pour que le vainqueur se détache, mais le cavalier seul se poursuit.

On se résume. Le thème de cette année était : "Les jouets et les jeux". Un sujet qui n'avait pas suscité de débat particulier chez les réalisateurs qui, par définition, sont de grands enfants. N'évoluent-ils pas dans un hangar qui n'est après tout déjà qu'un énorme coffre à jouets ?

Les Amis de Mouguerre sont entrés dans l'univers de Toys Story avec leur gigantisme habituel. Buzz l'Eclair dominait les débats grâce à une articulation mécanique qui allait tutoyer les nuages. Et le moins que l'on puisse dire c'est que Buzz a fait le buzz. Tous les personnages du film y étaient, jusqu'au local de l'étape, Bayonne, le petit cochon auquel j'ai fait un clin d'œil.

L'atelier du Père Noël de Bayonne Nord est arrivé deuxième. Il fallait oser sortir le personnage par ces chaleurs et cette hardiesse a sans doute fait son effet sur le jury. Choix malin que de mettre en vedette celui qui, à lui tout seul, symbolise tous les jouets du monde et qui a lancé bien avant nous le port de la tenue rouge et blanche. Et sans que ça barbe !

Le Casse-Noisette de la Peña Baiona est troisième. Les moins affutés sur le sujet des jouets n'ont pas manqué immédiatement de faire le procès d'un objet qui n'est pas un jouet. Confusion ! La Peña rappelait hier encore à un concurrent, un peu casse-noisette lui aussi, que Casse-Noisette, dans la tradition allemande, reste le roi de tous les jouets.

Les Légos d'Euskaldun Buruak ont obtenu la quatrième place. J'ai toujours une pensée pour les dames qui, au fond de la grange à jouets, produisent de leurs mains des milliers de fleurs de crépon, quel que soit le sujet choisi. Un très beau travail d'équipe. Le Légo, élaboré par autant de petites mains, dissipe l'égo à coup sûr.

Les Matriochkas de Zumbaiona ont marqué pour l'association un pas vers une autre dimension de leur char. Elles en imposaient de loin, sur le pont Saint Esprit, les poupées emboîtables. A leur pied, les danseurs titulaires, toujours aussi en place, sont passés de l'âme latine à l'âme slave avec une facilité déconcertante. Sur le podium du jury, j'en ai jeté mon verre dans le dos ! Martine Bisauta me le pardonnera.

Puis, les Minions de Secours Assistance. Quelque chose de touchant et de très humain à chaque fois, sur cette plateforme où, dans l'esprit et l'objet de cette association qui annonce la couleur dès son nom, chacun a et doit avoir sa place. La fête ne fait pas la différence entre les secourants et les secourus et ces Minions-là nous l'ont prouvé.

Le Casino de Pottoroak doit être salué. Il vient signer le retour d'un club qui a longtemps touché le jackpot de cet exercice. J'ai trouvé cette façon de revenir par la petite porte d'un corso dont il a longtemps ouvert la grande, élégante et très respectueuse de l'esprit de la fête. Il y a tellement de clubs historiques du corso pour lesquels rien ne va plus... Un exemple à suivre.

L'Entente Castillon recevait les poupées Winx. Un choix plus discret mais non dénué de finesse. Contrepied plus doux et féérique qui avait bien du mérite de défendre sa petite musique dans le brouhaha de ce corso où tout le monde a gonflé le torse. Ces poupées n'en étaient que plus précieuses encore.

Enfin, le dragon Playmobil de Grand Hargous. Un dragon à dimension humaine que tous les enfants avaient envie de caresser. Pas de ces bestioles fumantes et rugissantes qui balaient la moitié des étoiles d'un seul coup de queue. Saint Michel pouvait dormir tranquille.

Cette édition 2019 confirme incontestablement le second souffle du corso et semble faire signe à tous les nostalgiques, parfois un peu trop confortablement blottis dans leurs tours de guet, qu'il est temps de revenir.

Quelques heures plus tard...

Autour de la préparation du char de la Peña Baiona, il est une forte phalange du Rail Bayonnais, cette association perchée sur les hauteurs de la rue Maubec et qui continue à regarder vers Bayonne comme d'autres vers Cythère.

Hier soir, tout le petit monde du corso lumineux se lâchait. Je me suis même laissé dire que certains réalisateurs sont rentrés chez eux sur le coup de trois heures du matin. Comme un sixième jour des Fêtes, pour ces bénévoles qui se mettent, plus que beaucoup d'autres, à leur service.

Lampions éteints, mécaniques repliées, le corso n'est déjà plus qu'un amoncellement de confettis et de rêves évanouis. Après l'effort et l'épreuve de la foule et du jury, le mundillo du corso se recentre. Je me suis même demandé si j'aurais vraiment ma place dans cette soirée des coulisses de l'exploit.

Je m'y suis d'ailleurs présenté à pas comptés et j'ai la faiblesse de penser que je n'ai pas été perçu comme un intrus. Je voulais simplement savoir et comprendre les ressorts exacts de cette drôle de famille où, comme dans les nôtres, les tiraillements et les embrassades se succèdent à une allure vertigineuse. Mais avec ce modus vivendi très palpable et fondé sur un objectif commun: l'émerveillement des grands et des petits dans les rues de la ville.

Dans ma pérégrination au milieu des plateformes curieusement inertes, tout au fond du hangar, j'ai ainsi pu converser avec quelques Spiritains enfin allégés des contraintes du spectacle. Les acteurs ne sont jamais les mêmes avant qu'après le baisser de rideau. Avant, c'est le trac, la concentration et des mots tendus vers ce qui va se jouer. Après, la vraie vie reprend le dessus.

C'était le cas hier soir. Et, parmi les moments les plus savoureux de ces conversations libérées de toutes contingences, la séquence "souvenirs" des sociétaires de Saint Esprit fut un véritable régal. Saint Esprit, c'est comme le Beaujolais, je préfère l'appellation "village". Et là, j'ai été servi. Dans cette évocation tous azimuts, tout y est passé. De la liste exhaustive de tous les bordels, du "Chat qui fume" jusqu'à la Mère "casse bite" de Saint Bernard. Une professionnelle dont j'ai enfin appris hier les raisons buccales de son surnom...

La poissonnière qui hurlait "poissons frais !" en poussant sa charrette à bras, tandis que l'odeur qui la précédait pouvait, certains jours, faire douter de la véracité de l'annonce. La même qui respectait les feux rouges avec son étal mobile et qui montrait son derrière à ceux qui lui reprochaient de respecter le feu rouge.

Et la fontaine de la place de la république que les jeunes garnements, devenus conteurs d'un soir au pied de leur char du corso 2019, bouchaient de papier jusqu'à ce que la pression de l'eau le chasse pour asperger les dames assises sur leur banc public. Celles-ci alertaient le policier en faction à la sortie du pont Saint Esprit, qui se mettait en tête de poursuivre les gosses dans une course autour de la vasque, sans jamais les rattraper.

Et Toto Lévi avec sa badine et ses cols cassés, et cette dame de la rue Sainte-Catherine qui se faisait trois sous en cuisinant des chips dont on ne retrouvera jamais ni le goût ni le craquant...

Etonnante sensation que de se retirer de ce grand garage traversé de hautes silhouettes de carton, avec autant d'images vivantes du passé… Comme quoi, le corso n'a jamais fini d'exercer sa magie…

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