L’Hôtel des Pyrénées, Saint-Jean-Pied-de-Port et le monde de la gastronomie sont en deuil après le décès à l’âge de 70 ans du chef Firmin Arrambide. Cela fait trois bons quarts de siècle que trois générations d’Arrambide tiennent bon, dans leur relais gourmand des « Pyrénées », cet ancien relais de diligences aménagé et décoré avec beaucoup de goût et d’élégance au pied du col de Roncevaux et, à l’image de leurs compatriotes garaztar, résistent avec succès à toutes les invasions et aux vicissitudes des temps.
En dehors des deux étoiles Michelin – la deuxième ayant plusieurs fois « oscillé » -, innombrables sont les récompenses obtenues, depuis le prix Euskadi attribué il y a vingt ans par le gouvernement basque, le Prix « Navarra de Gastronomía », les trophées Relais & Châteaux « Grand Chef » 2009 avec Taittinger décernés conjointement à Vienne à Firmin Arrambide et à son fils Philippe, jusqu’au regretté Club des Fourchettes de la côte basque qui lui avait attribué son diplôme à plusieurs reprises en vingt ans. Je me souviens, en particulier, de la troisième fois : c’était en 2001, au cours d’un dîner mémorable par la qualité « tranquille » et la décoration soignée des plats présentés, le goût indémodable des alliances de saveur et, par-dessus tout, « la vérité du produit » qui achève la perfection dans sa simplicité de la cuisine basque. Langoustines, asperges vertes et huîtres « Gillardeau » annonçaient un pot au feu de foie gras qui représenta à lui seul une cime dans l’art d’apprêter les mets avec exactitude… A l’époque, le service était déjà efficace et soigné, et le décor de bon goût sur lesquels veillaient l’etxekandrea, Anne-Marie Arrambide et, en manière de relève déjà prête, sa fille Sandrine nantie d’un BTS de tourisme.
J’y revins plus d’une fois, particulièrement lorsque Firmin, avec son fils Philippe, avaient récupéré leur deuxième macaron perdu en 2000, après l’avoir gardé pendant une bonne quinzaine d’années. Devant la bibliothèque vitrée abritant les « Michelin » - les plus anciens à la couverture légèrement madérisée - sagement alignés jusqu’à l’an 1999, Firmin m’avait alors commenté, mi-sourire : « Lorsque nous avions perdu la deuxième étoile en 2000, la collection avait failli s’arrêter »… Certes, la vitrine suivante contenait bien les exemplaires du nouveau millénaire mais, s’était-il hâté de préciser, « il n’y a pas que le Michelin, on ne travaille pas pour le guide, je veux faire plaisir à mes clients, mon entreprise tourne, j’ai pu investir beaucoup dans l’hôtel, les chambres ; or le guide tient compte non seulement de ce qui est dans l’assiette, mais aussi de l’environnement. L’an dernier, j’ai été averti qu’un inspecteur tournait dans la région (le téléphone arabe marche entre les copains), mais je préfère ne pas savoir, ça fiche la pression supplémentaire… Or, notre métier, c’est un travail de régularité et une belle qualité des produits ».
La cuisine des « Pyrénées » avait-elle évolué ? - « Mon fils a 35 ans, j’en ai 30 de plus, lui a d’avantage de motivation. Il est revenu avec la force de la jeunesse. Il fait un peu différemment et on travaille mieux à quatre mains qu’à deux mains » !
Un avis qui avait alors été confirmé par son fils : « Je suis remotivé, et content pour mon père ! », s’exclamait Philippe Arrambide dont le retour au terme d’un périple professionnel chez Dominique Toulousy, au Carré des Feuillants d'Alain Dutournier, chez les frères Pourcel et, en pâtisserie, chez Fauchon et Pierre Hermé, avait assuré une transition en douceur aux fourneaux des « Pyrénées ». Un remarquable tournant, reconnu d’ailleurs dès l’arrivée du jeune chef par un 2e diplôme des Fourchettes (qui leur avaient déjà attribué l’un des deux « super-diplômes » jamais accordés en 40 ans d‘existence du Club). Avec le second, Bruno Dubois, qui l’avait précédé d’un an, Philippe Arrambide apprêtait déjà « des sauces plus légères et mousseuses en vertu d’une technique qui a évolué ». De nouveaux plats étaient apparus : l'assiette de langoustines aux quatre façons, en raviole avec du caviar d’Aquitaine, en beignet à la sauce curry-ananas, dans un bol avec vinaigrette façon gazpacho et avec de la crème de céleri truffée - mousse cacahuète ; le printemps réintégrait sur la carte la soupe mousseuse d'asperge à l’œuf poché avec son croustillant de foie gras et je me rappelle ce saumon sauvage de l'Adour grillé, un des fondamentaux d’origine, comme la terrine chaude de cèpes (ou l’admirable pied de porc truffé, que les amateurs devaient commander à l’avance). « J'ai le même état d'esprit que mon père, même si j'ai une autre approche », précisait récemment Philippe qui a désormais repris le flambeau. « J'ai modernisé la cuisine traditionnelle qu'il faisait mais le produit reste pour moi, comme c'était pour lui, le maître de l'assiette. J'ai du mal à mélanger trop de choses, je n'aime pas les juxtapositions ».
Et ceux qui aiment la tradition se régaleront actuellement d’un lièvre à la royale, purée de châtaignes, coing, pâtes « Zita » aux cèpes et poire au vin rouge…
En dehors de la carte, les prix des menus s'étagent à partir de 42 € (le Terroir») ; au déjeuner, du lundi au vendredi (sauf fériés), entrée et plat du jour à 32 € ou plat et dessert du jour à 28 €.
Les Pyrénées, 19, place Charles de Gaulle à Saint-Jean-Pied-de-Port, tél. : 05.59.37.01.01 (fermé lundi soir et mardi, et du 5 janvier au 6 février).
Alexandre de La Cerda
Philippe, Firmin et leurs « Michelin »