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Cinéma
Film Plumes (112’) en coproduction (Égypte, France, Pays-Bas, Grèce) d’Omar El Zohairy
Film Plumes (112’) en coproduction (Égypte, France, Pays-Bas, Grèce) d’Omar El Zohairy

| Jean-Louis Requena 665 mots

Film Plumes (112’) en coproduction (Égypte, France, Pays-Bas, Grèce) d’Omar El Zohairy

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5e édition du Festival de la station balnéaire égyptienne : Omar al-Zohairy reçoit le prix El Gouna Golden Star du meilleur long-métrage arabe ©
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"Plumes" d'Omar al-Zohairy ©
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Dans une bourgade poussiéreuse du Moyen-Orient, une femme d’une quarantaine d’année (Demyana Nassar), mutique, vit avec ses deux garçons et un nouveau-né. Leur logement situé au rez-de-chaussée d’un bâtiment délabré, est rustique : il y a peu de commodités et encore moins de mobilier à part une télévision que les enfants regardent continûment. Le mari (Samy Bassouny) travaille dans l’usine polluante située à proximité. Des nuages de fumées, de poussières, pénètrent dans leur logis : ils sont très pauvres. Tous les matins, le mari donne parcimonieusement, quelques billets usagés à sa femme afin qu’elle puisse faire les achats nécessaires aux repas quotidiens. L’homme peu commode, est une sorte de tyran domestique qui opprime sa femme soumise, obéissante aux ordres de son mari.

Le couple prépare une fête pour un de leurs garçonnets. Les invités s’entassent dans la grande pièce de l’appartement : ils s’amusent, rient, dansent sur des musiques égyptiennes. Un magicien douteux propose un tour à l’assistance hilare : le mari doit entrer dans une grande malle en osier avec une poule et il y aura une disparition ! Le tour rate. L’assistance ébahie constate que l’homme a disparu. Il ne reste plus que la poule … Le mari est-il devenu poule ?

La femme reste avec ses trois enfants cernées par une montagne de dettes qu’elle doit rembourser sous peine d’être expulsée de sa sordide demeure. Elle est harcelée par les créanciers, incapable d’honorer les dettes de son mari disparu, mais pas officiellement décédé : il n’est ni mort ni vivant…

Un monde kafkaïen s’ouvre devant elle d’autant qu’elle a gardé le gallinacé chez elle : il s’ébroue en apparence heureux dans la chambre parentale … La femme, flanquée de ses trois enfants, entame un difficile combat pour leur survie.

Plumes est le premier long métrage du jeune réalisateur égyptien Omar El Zohairy (34 ans) succédant à deux courts métrages primés dans de nombreux festivals. Omar El Zohairy a été l’assistant du grand réalisateur égyptien Yousry Nasrallah (70 ans), son mentor. Avec l’aide de son coscénariste Ahmed Amer, il a écrit une sorte de fable absurde (bureaucratie inepte, indifférence sociale au malheur, etc.) sur la survie, dans un environnement hostile, à tous niveaux, de quatre être démunis : une mère et ses trois enfants. Le réalisateur se défend : il n’a pas voulu décrire une vie miséreuse dans son propre pays (en Égypte, il est d’ailleurs attaqué sur ce point), mais raconter « une histoire universelle de lutte pour la survie ».

Omar El Zohairy et son chef opérateur Kamal Samy, ont choisi de narrer la descente aux enfers de la famille par des plans séquences statiques, conçus comme des tableaux avec une gamme de couleurs sans éclat. Ainsi, ils forcent notre attention sur le cadre immobile dont rien ne peut nous distraire par de savants mouvements de caméra : ils « nettoient » notre regard ! Le film devient en quelque sorte organique à la manière de son maître à penser : Robert Bresson (1901/1999) dont il considère le texte Notes sur le cinématographe paru en 1975 (Gallimard) comme sa « Bible ». 

Plumes, conte kafkaïen tiers-mondiste, est interprété par des acteurs non professionnels choisis après un long casting par le réalisateur et son équipe. La mère, une guerrière silencieuse (Demyana Nassar), a un jeu minimaliste, minéral, empreint de dignité quelles que soient les circonstances désastreuses, les péripéties destructrices qu’elle assume sans une plainte. C’est « Mère Courage » ! Dans cet étrange film, hors des sentiers battus, le scénario noue deux concepts en principe antagonistes : une misère sans fin, accablante, glissant par petites touches vers un fantastique du quotidien. Omar El Zohairy ne cherche pas à nous épater, mais bien au contraire, gomme sa maitrise du récit (plans séquences fixes, gamme de couleurs rétrécie, son direct) pour nous donner à voir frontalement, sans esbroufe, tentation qu’auraient eu moult cinéastes et non des moindres.

Plumes a décroché deux récompenses au Festival de Cannes 2021 : Le Grand Prix de la Semaine de la Critique et le Prix FIPRESCI de la critique internationale. A ce jour, le film n’est pas sorti dans son pays d’origine, l’Égypte.

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