On ne saurait oublier la foi de ces résistants lors de la Seconde guerre mondiale qui ont donné à la France une force d’âme remarquable. Se posant hier comme aujourd’hui la question troublante Que peut donner d’être chrétien à tout citoyen d’autre que la droiture morale de sa vie ?
Le chrétien serait-il un citoyen double tourmenté par son état, et partagé aux sollicitations opportunes de l’histoire présente ?
Le biologiste médical JG Xerri avait posé la question sans précaution de langage, A quoi sert un chrétien, dans un essai de 2014.
Les circonstances actuelles d’une guerre en Terre Sainte de l’ancienne Palestine posent à frais nouveaux la question et l’objet d’une enquête Après la nuit menée chez Calmann-Lévy par Jérôme Cordelier, interroge les croyants.
L’humain porté par l’espérance chrétienne fut au cœur de la reconstruction de la France après la seconde guerre mondiale..
Et les figures d’époque s’appelaient De Gaulle qui ne cachait au delà de la bravoure militaire de ses engagements, une foi personnelle et publique à la Charles Péguy.
Pour des religieux exercés comme l’Abbé Pierre, Henri Grouès de son nom à l’état civil, la réponse pouvait sembler plus acquise bien que de son engagement public il ait admis la part de témérité gagnée pendant la résistance qui le confortait dans ses convictions humaines et chrétiennes.
Robert Schuman cité comme un prochain Bienheureux par l’Eglise dut sans doute accéder à un choix personnel singulier en acceptant le Ministère des Affaires étrangères ou par la suite les missions suivantes au service du projet européen qui suivrait.
Etait-il perçu comme un haut fonctionnaire auréolé de prestige de résistant ou habité d’un idéal de bien commun promis à la communauté des peuples de la vieille Europe ?
Il y fallait en ces années préliminaires une audace et un sang froid que tous autour de lui ne partagèrent comptant ses détracteurs et non des moindres eux mêmes parmi les résistants de la guerre.
Le Ministère des Armées fut attribué à Edmond Michelet admiré à Brive en ses terres comme un résistant discret, s’affichant chrétien sans complexe. Il obtint toutes reconnaissances de son vivant et après sa mort, lorsque les langues les plus liées purent témoigner de l’espérance de l’homme dans l’adversité de la guerre que rien n’avait détourné de ses convictions personnelles.
Le prêtre résistant Jean Augustin Meydieu compte encore comme quelques autres dont Mgr Vansteenberghe à Bayonne, mort pendant la guerre des sévices de l’occupation, il y a 90 ans ne pourraient être oubliés au passé de la mémoire, dans cette floraison de résistants et résistantes inconnues ou restées anonymes . Ils refondèrent la France !
Une fois n’est pas coutume, le livre de Jérôme Cordelier ne plie guère sous les bons usages ou les conventions opportunes de l’histoire passée, en rappelant que les volets politiques, les relais de l’Etat, l’Eglise, l’action sociale et scolaire, la spiritualité, furent irriguées par la foi de ces hommes sans ambition autre que de servir le bien commun de la France. “L’espérance est un risque à courir“, dira l’auteur jusque dans l’Eglise qui ne brilla en ce temps de pasteurs téméraires et audacieux, et furent par trop compromis avec le politique et le pouvoir de l’occupant.
Cependant, la résistance chrétienne naissait dans l’institution ecclésiale et dans les ordres religieux eux mêmes, notamment à Lyon foyer ardent des résistants dès 1941 autour des Cahiers du Témoignage chrétien de Pierre Chaillet, jésuite téméraire et déterminé.
Il faisait imprimer ses feuillets de la protestation et du soutien fervent aux juifs sans crainte de dénonciation et de compromissions, toutes réunies en ces temps troublés lorsqu’il fallait faire choir l’opposant, le faire taire ou le supprimer !
Maurice Schumann, juif d’origine et porte voix de Radio Londres, prononça ces paroles écrites dans le marbre : "mon Père vous avez été notre 18 juin spirituel", à propos du jésuite !
Se posait-on en ces années là la question de savoir si le jésuite lyonnais ou le journaliste de radio de l’exil étaient croyant, rompus à la laïcité et neutralité des opportuns ou des hommes courageux conscients d’avoir une mission publique et du bien public pour sauver la France ?
Ces chrétiens d’un autre temps comptent dans l’histoire de France comme acteurs de la réconciliation et de la question sociale française, autour du Général de Gaulle, tels Georges Bidault l’un des fondateurs du Mouvement Républicain Populaire- MRP.
A l'époque, ce parti pouvait résister au parti communiste influant et puissant, et par la diversité intellectuelle et spirituelle de leur engagement apporter les ajustements idéologiques nécessaires pour ne sombrer dans les règlements de compte, les outrances et ignominies de toutes guerres.
Le projet européen visait à rendre la guerre improbable sur le continent européen. Du moins, le pensait-on !
Le moine soldat de l’Europe Maurice Schuman rayonna entre l’Allemagne et la France pour œuvrer à ce projet démesuré pour l’époque, d’un homme de foi objet de commentaire sur ses convictions religieuses, trop catho pour les uns, pas assez laique pour d’autres, somme toute aux deux visages pour l’opinion des tièdes de chaque camp.
De telles figures chrétiennes pourraient-elles resurgir aujourd’hui dans un espace politique européen “à la guerre toute“ ?
De toute évidence sans doute là où ne les attendrait plus.
Les partis politiques ?
Les associations patriotes et citoyennes ?
Les mouvements écologiques dégagés de contraintes idéologiques corsetées et sélectives ?
La foi chrétienne ne fit à quiconque défaut de s’en inspirer mais le prix de l’engagement fut bien souvent d’une cruauté inouie.
Pour les engagés, l’objet d’une incompréhension, pour les détracteurs une mise en cause continue des résultats probants de ces objectifs, pris en étau entre l’idéal recherché et les promesses engagées
Geneviève Anthonioz de Gaulle, résistante elle aussi auprès du père Wresinski, l’Abbé Pierre, le pasteur Schultz à Taizé, Mgr Rhodain au Secours Catholique, ont dérangé lourdement les institutionnels de leur vivant.
Ils eurent pour nombre d’entre eux un passé de résistant à l’occupation française, un goût de liberté inachevée de la guerre qu’il fallait développer dans les rangs de la vie publique, et religieuse.
Yves Congar et Henri de Lubac, religieux distincts acteurs du Concile Vatican II ne se privèrent de secouer le mammouth ecclésial de leur temps.
Par les jours que nous connaissons, on appelle cela du messianisme peu ou pas goûté par le plus grand nombre...
Mais les circonstances d’hier devenues celles d’aujourd’hui laissaient-elles le choix ou le devoir de les assumer comme citoyen chrétien ou chrétien citoyen français, sans autre vue que les devoirs de la conscience ?
On ne saurait oublier encore la figure de Georges Hourdin homme de presse fondateur de la Vie Catholique devenue La Vie, qui livrait une presse catholique dénuée de complexe ou de supériorité d’ esprit inappropriée.
En ces années 45 de fin du tragique de l’histoire et de la reconstruction de la Nation France, il fallait entreprendre dans l’esprit de la résistance acquise la confiance nationale sérieusement ébranlée par la duplicité et les compromissions publiques des hommes de pouvoir.
Point de comparatif anachronique de l’histoire passée avec le présent, mais prudence encore à ne penser l’avenir sans ce témoignage passé aux enseignements actuels pour nous !