On mesure en parcourant le sens de "vicus", ce terme générique en latin, l'influence reçue de l'Empire romain dans la composition de nos communes, nos routes carrossables, l'administration des cités et la vie de leurs habitants.
Définition première, le vicus d'une petite agglomération composée d'habitants logés en des abris en bois jusqu'au 1er siècle après JC.
Vicus sera donc ce lieu d'histoire sur lequel se bâtit le récit et la tradition de l'habitat des populations en des communes qui ne se ressemblent jamais entre elles, et parfois dont le voisinage et la construction même contraste dans leur agencement. Aux unes des surfaces en pente, d'autres en des zones planes, d'autres isolées de toute proximité, selon quelles lois ? Par hasard ou par des lois inconnues, pressenties ou peu convenues aux opinions changeantes du temps mais qui ont influencé tout habitat in situ et les conditions de vie de leurs habitants.
Le vicus ne sera administré pendant quelques siècles avant que la règle commune et la fondation des espaces ne soient contrôlées par une autorité reconnue. La création des communes reste récente dans l'histoire, mais leur agglomérat de population est plus ancienne.
Les archéologues désignent ces vicus d'un terme différent "des villa rustica" ou fermes agricoles qui concentraient beaucoup de main d'œuvre, ouvriers agricoles, employés au jour, ou souvent, intermittents. On imagine peu encore aujourd'hui la mobilité des gens en ces temps antiques comme on le voit encore dans des latitudes du sud de ces déplacements continus de voyageurs.
Dans son sens originel latin, le vicus désignait un quartier urbain, mais il était employé pour un regroupement de population réunie par une fonction partagée. Comment et pour quelles missions nos gens de terre se sont ils ajoutés les uns les autres, pour assoir leur autonomie et protéger leur sécurité domestique ?
Une rangée de maisons composait le vicus et s'accentua avec la composition suivante du bourg pour un nombre limité de voisinages. Ce seront les bases de la collectivité sociale et communale en tous les cas dès leur origine. Les plus grandes n'étant que de petites cités provinciales. Dans l'Empire romain, vicus s'arrimait de fonctions pour la communauté, de cultures agraires sédentaires, de services militaires, de missions administratives et parfois de fonctions religieuses. Les rues de métiers, ceux du bois, des grains et céréales, de vin et de boissons, en somme tous les utilitaires bénéficiaient "du vicus labellisé" pour un usage bénéfique !
Plus les vicus prenaient de l'importance, plus ils comptaient pour les empereurs latins chez nous, en Gaule. N'oublions pas que certains métiers ont pris de l'essor pendant et après ces présences latines et impériales, enrichissant les vicus de matériaux, de routes carrossables pour les transports de biens manufacturés. Ces occupants étaient aussi les meilleurs clients et fournisseurs des échanges avec les autochtones.
Alors vient encore la question du pourquoi certaines communes ont-elles pu bénéficier de ce droit rendu au vicus, autour de quelque grand domaine d'époque où l'on cultivait des grains, dans des agglomérations situées au carrefour des communications, des axes routiers de ce temps, bien placés pour les échanges, des articles d'artisanat particulièrement prisés comme le métal, le cuir, les peaux animales et de tanneries, les animaux eux mêmes, et les produits céréaliers ou de vendanges. Doté d'un marché ancien le point de ralliement régulier était entretenu par ce rendez-vous de gens en déplacement rencontrés au lieu mercantile le plus prisé de tous, résidents ou itinérants.
Ces vicus se doteront bien souvent de lieux de retrouvailles. Les espaces de culte en feront le profit. Ne cherchons pas trace dans nos églises à étages de ces dividendes, mais de toute vraisemblance de ces lieux de culte aux usages profanes et religieux. Lieux de marché, de rencontres et de commerces de toutes espèces. Ces espaces aux utilités immédiates deviendront des espaces ouverts à la nouvelle religion chrétienne venue du monde latin de Constantin et de ses hommes. On devait y adorer avant cet avénement les dieux gaulois de la terre, le taureau et le bouc, les sources vives de la terre, et certains oiseaux du ciel prisés comme des divinités réelles.
Dans les villes, on prévoyait le théâtre, l'amphithéâtre, des thermes et des temples, pour les commodités des gens, des vicus aux dimensions plus populeuses. Dans les campagnes rurales, il faudra attendre le développement du jeu de paume dans notre pays, pour jouir dans nos villages de ces agréments encore à venir de la vie partagée ?
Des jeux d'adresse, de force, de combat physique, de course et de chasse d'origines antérieures emplissant les moments de distraction, par d'autres ressources, dont le chant, et les sons des voix et des instruments. Que sait-on de plus chez nous sur ce sujet ?
On le présume, chaque société du dénommé vicus avait ses goûts et ses propres codes. On dit pour le cas des lieux sacrés celtes qu'ils influencèrent nos pays du sud de la Gaule, qui reçurent avec intérêt ces usages dans des traditions plus anciennes venant pour eux des cultures nordiques du continent européen.
On ne peut qu'être surpris de voir que chez nous, dans les chapelles sur les chemins de pèlerinage vers l'Ibérie, il y ait trace de la croix des chrétiens parmi les signes astrologiques du cosmos, le soleil et la lune, les empreintes latines introduites par des passants attachés au culte de saint Martin à Saragosse ou Jacques à Compostelle via les Pyrénées. Le pèlerin était un excellent messager et convoyeur de culture et d'échange.
A Rome, le vicus était le chaînon de toute vie sociale structurée, comme en son chef-d'œuvre d'empire. Ce modèle influait en Gaule l'administration du lieu qui veillait à enraciner ses fondements par la sécurité des biens et des personnes exposées aux incessantes invasions étrangères. Le chef de sa cité et le magistrat veillant à l'ordre public se donnaient la main. Avant même la conquête romaine sur nos terres, le pouvoir local veillait à ses sécurités. Le vicus ou l'habitat prendra au fil du temps le profil d'un espace surveillé pourvu d'enceintes, de vigies et de fortifications au regard du risque du feu et des vandalismes incessants des voisinages.
De ce vicus, avant d'être une quelconque civitas, on savait l'intérêt de telles agglomérations rurales dans la Gaule profonde, et le pouvoir militaire avait su tracer ses voies de communication à travers les provinces pour faciliter leurs déplacements, leur transport de matériel et repérer les voies utiles pour faciliter leur présence. Ne doutons pas un instant de la décision prise par nos ancêtres pour assurer leur sécurité en sachant évaluer le bienfait d'un itinéraire plutôt que d'un autre, pour leur communication extérieure !
Traverser des régions comme les nôtres, infestées d'envahisseurs potentiels, demandait de la préparation stratégique et militaire pour fixer les camps, garantir les meilleures routes de transmission.
Les historiens de l'Antiquité assurent que dès le 1er siècle après JC, les routes de ces échanges sont entretenues sur ces réseaux bien désignés pour des missions différentes du transport de soldats, de biens ou de marchandises avec les populations autochtones.
En ces routes impériales, les relais de poste ont une importance majeure, souvent situés en ces carrefours de métiers artisanaux, secteurs de marchés ruraux, et de commerces potentiels.
Les auteurs parlent "des mercatores", marchands du lieu et clients venus d'ailleurs, souvent compromis dans des rapines notoires de biens volés sur place, ou laissés après leur passage, revendus à nouveau, parmi des armes confisquées, des chars récupérés, des tonneaux de vin volés pour les besoins de leur route.
Le descriptif de ce vicus des voyageurs indique encore la place des poteries, une véritable industrie de la céramique d'époque, la présence d'une hôtellerie rustique, de cuisines ou de lieux de partage où la soldatesque et les passants venaient trouver le gite et le couvert. Avec pour les chevaux la forge, pour ferrer les sabots, soigner les plaies et "leurs véhicules" sur roue..
Les habitations en bois attendront un siècle de plus pour se fonder de pierre d'argile, de grès ferrugineux, de gravier, de molasse, ou de pierre calcaire. La maison originelle dans sa sobriété avait une forme rectangulaire, sobre en architecture, comme une halle avec quelques remises ou réserves de graines et de nutriments la réserve d'eau et des literies à même le sol dans la plus grande simplicité monastique !
Dans nos régions rurales et agraires, nombre d'habitants vivaient dans les fermes de ce temps, "villas rusticas" parfois reconverties en maison fortifiée pour préserver leur bétail ou leurs provisions des vols courants
Rien de surprenant dès lors que le bourg actuel ancien d'origine de nos villages ait regroupé aotsa, le forgeron maréchal-ferrant, hargina, le maçon, ogi saltzalea, le boulanger fournisseur de pain au quotidien, les bureaux administratifs communs, herriko etxea, jokolarien etxea, les loisirs communaux, sentzaleak, la sécurité, garbitzaleak, la propreté, eskolak, les écoles, lan tokiak, les usines ou manufactures, la liste est inachevée et s'ajoute désormais de vie associative et de solidarité multiple. Ez uste izan oraikoak zirela, gure giza izanak eta izango ! BIZI TEIA - VICUS LATIN devenu chez les Basques etxola eta etxea, l'aménagement du lieu de vie et de confort n'a jamais cessé de modifier ses règles conventionnelles. Nul doute qu'en ces temps de renouveau écologique, les matériaux utilisés, les commodités du chauffage, de l'isolation thermique, l'accès aux énergies vertes, l'éclairage et la lumière naturelle changeront encore nos us et coutumes dites sédentaires et mobiles comme toute autre vie !
Le dire est inouï pour certains, évident pour d'autres ; le penser, apocryphe pour les cuistres, le professer, prometteur pour beaucoup.