Au moment où se déroule à Paris le Salon International de l’Agriculture et où se profile une mode du « vegan » qui voudrait exclure de la nourriture humaine tout apport de viande animale, il nous a paru intéressant de publier cette étude de François-Xavier Esponde sur les relations homme-animal :
1 – Homme et animal issus de la création divine.
Notre époque a bien changé dans son regard sur le chapitre premier de la Genèse et sa mention « Faisons l’homme à notre image selon notre ressemblance et qu’il domine sur les
poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel selon leur espèce, et tous les reptiles du sol selon leur espèce ».
Nos contemporains qualifient la religion chrétienne de la plus anthropocentrique qui soit. Cette attitude légitimerait-elle un usage prédateur du vivant ? Des auteurs relatent la rupture ontologique présente dans ce rapport entre les hommes et les animaux jusqu’au Livre de la Sagesse cependant qui établit une hiérarchie du vivant et se développe autour de l’immortalité de l’âme exclusive de l’homme et absente de la vie animale.
Dans le Nouveau Testament, soulignent les commentaires, le narrateur ne tranche pas, s’agissant de Matthieu ou de Marc, et suggère que « l’évangélisation soit promise à toutes les créatures sans distinction ».
Une forme d’ambivalence de la part de Paul qui parle de la création « qui aspire à la révélation des fils de Dieu et toute la Création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement ». Mais pour l’auteur du Nouveau Testament, l’homme domine le reste de la création et de toutes les créatures évoquées de la Genèse du monde.
Les philosophies grecque et latine, adoptant ce principe de la priorité de l’homme appelé à dominer la Création, inspireront encore le philosophe Descartes pour qui l’animal machine
n’éprouve rien et ne peut faire l’objet d’une quelconque considération. Il est vrai que les pratiques de panthéisme des uns et de totémismes pour d’autres menacent l’intégrité de la foi chrétienne, chahutée par des croyances anciennes, récurrentes et toujours actives dans les esprits des populations.
Curieusement, François d’Assise fera exception dès le XIIIème siècle, à la différence de Thomas d’Aquin dont la doctrine domine dans l’église, ses enseignements et ses
interprétations en fonction de la hiérarchie des êtres, ceux qui sont imparfaits - les animaux -créés pour ceux qui sont parfaits – les humains -...
Mais les divergences viendront de la part des protestants en Angleterre comme les quakers, pour qui les animaux ont une âme immortelle et des facultés qui n’autorisent aucune violence à leur endroit.
Oxford développera un centre d’éthique animale qui aura un impact considérable au fil du temps sur les églises chrétiennes, anglicane, protestante et catholique.
« Pour une écologie chrétienne » se fait jour bien avant les années 2000, lorsque pour la première fois, un pape catholique en la personne de François, adoptera cette préoccupation dans sa Lettre encyclique Laudato si. « Nous sommes appelés à reconnaître que les autres êtres vivants ont une valeur propre devant Dieu », dit-il, reconnaissant une théologie de l’animal qui n’existe pas encore, n’est pas commencée et sera la tâche des chrétiens du temps qui vient..
2 - Quand le bestiaire animal évangélisait les hommes au Moyen-Âge.
Dans des espaces proches de la nature, où les animaux partagent la vie commune des hommes jusqu’aux lieux de culte où ils déambulent librement, les histoires de saints font leur place aux animaux de compagnie habitués des hommes.
Saint Roch est sauvé par un animal qui lui apporte de la nourriture, et les animaux figurent dans les vitraux des églises cathédrales dans le bestiaire partagé des hommes et de leurs compagnons.
François d’Assise est familier de l’âne et du bœuf de la crèche les illustrations ne manquent pas qui le représentent dans un panthéon environnemental n’ayant rien à envier à tous ceux qui l’évoquent aujourd’hui.
L’animal accompagne son maître chez lui, à l’église, jusqu’à la sépulture. Il n’était donc pas interdit de lui laisser sa place pendant le temps du deuil qui prolongeait celui de l’au-revoir en ces cimetières où se rassemblaient les cortèges funèbres pour les mises en terre, les retrouvailles et les festivités mortuaires. Ils ont disparu du paysage contemporain. La pire des punitions imposées aux animaux étant « leur excommunication » de l’église, on châtiait donc ces animaux errants, néfastes et dangereux pour la sécurité des humains par des procès instruits par le juge, défendus par un avocat et faisant l’objet d’une procédure judiciaire.
Mais au terme de cet échange entre hommes et animaux, la vie éternelle n’étant pas promise au règne animal, le paradis dans ses illustrations d’époque relèvera des anges, des esprits et des êtres de lumière, faute de donner aux animaux familiers d’une vie, une place parmi d’autres créatures dans le monde invisible.
Que diront les générations prochaines de ces interprétations datées de la Genèse de la Création ? Il semble probable qu’elles infléchiront certaines postures et les rendront accordables avec le royaume des vivants où hommes et animaux cultivèrent un rapport salutaire pour leur propre bénéfice partagé.