De retour de Chine en 2018, après y avoir passé une bonne quinzaine d'années, Christian de Laubadère explique son parcours atypique.
La famille Laubadère est originaire du Sud-Ouest : Eauze dans le Gers. Son grand-père Paul de Laubadère, artiste-peintre, se distingua lors du Salon des Indépendants en 1888 à Paris. Il fut primé pour avoir réalisé le tableau de « l’Arène ». Très bon dessinateur, il illustra les pages du Larousse. Et Christian de Laubadère a hérité de sa passion pour l’art pictural dont il a fait mon métier.
Quel a été le début de votre parcours ?
C de L.- En 1966, j’ai tout d’abord étudié pendant deux ans aux Beaux-Arts de Bordeaux et poursuivi ma formation aux Beaux-Arts de Paris où j’ai obtenu mon diplôme en fin d’études. Puis j’ai enseigné à mon tour à l’Ecole d’Art de Bayonne tout en continuant à exposer mes œuvres, dont des paysages landais sombres à la technique « noire de fumée » au musée de Guéthary et dans les galeries du Sud-Ouest.
A cette époque, je me suis installé à Hossegor où j’ai construit ma maison et mon atelier en bois imputrescible, ce qui était assez rare à l’époque.
Puis vous êtes parti en Chine pour un court séjour qui aura duré finalement 15 ans !
C de L.- En 2002, quand je suis parti, je n’avais pas l’intention de rester aussi longtemps mais j’ai été séduit par ce pays qui se métamorphosait. A Shanghaï, ma cousine, archéologue et collectionneuse, avait restauré une belle demeure des années 30 du quartier français pour y organiser des expositions-ventes de tableaux et objets d’art. Cette année-là, elle me proposa de venir exposer mes œuvres. Ce fut un succès.
A cette époque il y avait le virus Sras, une épidémie qui ressemblait au Coronavirus. En 2002, le Sras a affecté, en six mois, une trentaine de pays et infecté près de 10.000 personnes. L'épidémie avait fait 774 morts dans le monde, selon le bilan dressé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La Chine continentale et Hong Kong furent touché (*). N’était-ce pas risqué de s’y installer ?
C de L.- L’épidémie du Sras fut beaucoup moins développée que le Coronavirus. Shanghaï ne fut pas touchée, cependant nous faisions attention. Cette épidémie fut enrayée suite à des mesures drastiques de confinement qui ne nous ont pas concerné.
On me proposa un poste de professeur de dessin au lycée franco-allemand de Shanghai. J’ai donc enseigné pendant trois ans et suis parti de moi-même afin de mieux me consacrer à ma peinture.
Où était situé votre atelier à Shanghaï ?
C de L.- Je découvrais un nouveau pays avec des coutumes si différentes de la France. Cependant, j’ai toujours habité et travaillé dans le quartier de la concession française. J’ai changé trois fois d’endroits pour finalement m’installer dans une ancienne grande usine désaffectée au 876 Jiang Su. Dans ce lieu atypique métamorphosé, je recevais les touristes, les artistes, les attachés culturels, les diplomates. Alain Juppé qui possède une maison près de chez moi à Hossegor avait failli venir voir mon atelier. Transformé en galerie baptisé Art CN, cet endroit accueille aujourd’hui de nombreuses expositions et expose mes œuvres.
Avez-vous visité la Cité Interdite ?
C de L.- Oui j’y suis allée trois fois. J’ai été impressionné par ces grandes murailles bordées avec poésie de jardins entre minérale et eau. Comme dans tous les pays communistes, les nobles et les familles au passé glorieux sont généralement très bien accueillis.
Cependant, contrairement à l’ex-Union Soviétique qui a changé son drapeau et son nom pour retrouver son identité russe et chrétienne, la Chine plus ouverte aux bouddhisme, taoïsme… a gardé sa structure politique communiste avec une économie de marché capitaliste.
En Chine, votre style pictural a-t-il changé ?
C de L.- Inspiré par l’art asiatique, j’ai peint des branches, des éventails, des mappemondes, des plans d'architectures imaginaires très épurés. En observant les femmes asiatiques, j’ai été séduit par la beauté gracile de leurs nuques et leurs cheveux noir de jais. Sur de grandes toiles - parfois de plus d’un mètre de hauteur -, j’ai alors imaginé des séries de nuques aux coiffures architecturées composée d'une natte et de mèches enroulées à la pierre noire et rehaussées de mine de plomb d’après la technique dite de "noir de fumée" que j’ai toujours pratiqué. Pour habiller les épaules dont certains des sujets restent en peinture, j’ai collé de manière abstraite toutes sortes de papier de soie, soieries, broderies et perles provenant de costumes de théâtre, ou encore des morceaux de porcelaine de l’époque des Ming. Le partchwork d’une réminiscence que j’ai découvert dans les marchés ou chez les antiquaires négocié grâce à quelques rudiments de mandarin !
Quelles sont vos œuvres qui furent les plus appréciées ?
C de L.- L’originalité de mes nuques qui furent copiées m’ont fait connaître très rapidement sur la scène artistique chinoise et au-delà. Lors de la célébration des 50 ans de l’amitié franco-chinoise, on me consacra tout un reportage à la télévision d’Etat CCTV.
Puis j’ai été sollicité ailleurs. Aux Etats-Unis, à l’hôtel « Setaï Beach » de Miami, l’architecte Jean-Michel Gathy, spécialisé dans le style asiatique, m’a demandé de participer à la décoration murale. Au Tibet, à l’Hôtel Saint Régis de Lhassa, Jean-Michel Gathy m’a commandé une fresque topographique de 12 mètres sur 6 mètres réalisée à la mine de plomb d’après des plans d’architecte inspirés du temple Potala du Dalai-Lama et des stupas (hôtels votistes). A Shanghai, j’ai réalisé une autre fresque composé de trois dessins pour le Restaurant « La Scala » de l’hotel Sukotaï.
Aujourd’hui à Hossegor, quels sont vos futurs projets ?
C de L.- Si l’épidémie du Coronavirus ne l’empêchera pas, je prépare une exposition à la galerie Red Zone Arts à Francfort, du 23 avril au 27 octobre.
En octobre, à Paris, je prévois d’exposer mes œuvres dans un appartement-galerie au 5, rue Louis Bouilly en face du musée Marmottan, dans le XVIème.
L’année prochaine, je compte organiser en septembre une exposition à la galerie Art CN Gallery à Shanghaï.
(*) « La Chine d’outre-mer en particulier, Hong-Kong et Singapour, ont été mis sous séquestre : la population a été très largement restreinte dans ses mouvements pendant toute une période au printemps 2003 », rapporte François Godement. Des conditions d'hygiène extrêmement strictes avaient été instaurées : interdiction de cracher, port de masque sanitaire, obligation de se laver souvent les mains, de passer sur des paillassons désinfectés avant d'entrer, et ce quel que soit l'endroit. Peu à peu, L'épidémie semble avoir été presque totalement endiguée le 2 juillet 2003, « grâce aux mesures d’isolement et de quarantaine », indiquait l’Institut Pasteur.
Légendes ; 1 Christian de Laubadère - 2 "Nuque" - 3 Atelier en Chine - 4 Plan d'architectures de l'imaginaire