Académiciens, universitaires, écrivains, érudits, artistes, personnalités et grands noms de Gascogne et d'ailleurs se retrouvent dans le Bas-Armagnac, au château de Caumale, pour une journée conviviale de culture et d'histoire. L’occasion d’y dérouler l'épopée des Clouet, une bouffée d'histoire au goût d'aventure et au parfum de tabac et de poudre, des bords de Garonne aux rivages caribéens.
Le château de Caumale à Escalans (près de Gabarret, dans les Landes) accueillera ce samedi 12 octobre le congrès de la Fédération des Académies de Gascogne sur le thème « Cuba et l'Aquitaine, interactions patrimoniales et mémoire » sous la présidence du professeur Jacques de Cauna, Docteur d’État (Sorbonne) et chercheur Cnrs/Ehess/Ciresc. Geneviève Fabre, vice-présidente, et Pierre Fabre, secrétaire perpétuel, accueilleront les participants à partir de 11 h (visite de cette belle demeure liée aux « Îles sucrières » et déjeuner sur réservation aux tél. 07 71 14 11 59 ou 06 37 82 05 93).
Au programme, de 15 h à 17 h, entrée libre :
- Projection du documentaire de Bernard Bonnin et Francis Lambert "De Bordeaux à Cuba. Une aventure oubliée" (27')
- Table ronde, interventions et échanges publics avec les réalisateurs (Cienfuegos), les professeurs Pierre Force (Columbia University, New-York, de La Bastide-Clairence à Cuba) et Jacques de Cauna (ITEM, Université de Pau, Béarnais à Cuba), et les académiciens Alexandre de La Cerda (Académie des Jeux Floraux, Toulouse), et Denis Blanchard-Dignac (Académie du Bassin d'Arcachon), Basques et Gascons à Cuba.
Les Clouet, de cape et d'épée, de vins et de cigares
La cinquantaine tout juste entamée, comme ce cigare de Cienfuegos dont il vient de tirer la première bouffée, Aymeric de Clouet ébauche la stratégie de ses futures ventes de vins aux enchères, parmi les plus belles réalisées au cours de ces dernières années : la Cave de la Tour d’Argent, celle d’Alain Delon, l’Hôtel Matignon, la cave de Lino Ventura, l’ancienne cave du restaurant Drouant, etc. Or l'ombre paternelle parfois se profile encore par-dessus tonneaux et bouteilles de crus mythiques empilés dans maints chais et celliers. Alex de Clouet, hélas trop tôt disparu (en janvier 2018) n'était-il pas l'initiateur en France de ces grandes ventes qui rassemblent les zélateurs de l'élixir bacchique ?
Mais les volutes bleuâtres entraînent Aymeric bien loin de Paris, vers cette exotique baie de Jagua où s'accomplit la fortune de ses aïeux, Alexandre et son fils Louis, ce dernier fondateur à Cuba de la colonie de La Fernandina, plus tard rebaptisée Cienfuegos (*) .
Comment, au Siècle des Lumières, l'héritier de conseillers au Parlement des Flandres installés à Bordeaux fut projeté en Louisiane pour combattre les Anglais, puis passa au service de la Couronne d'Espagne et se retrouva en définitive à Cuba, seul un roman de cape et d'épée pourrait en reconstituer la trame romantique. Indiquons simplement qu'une intrigue amoureuse avec la nièce (Béatrix) du futur ministre Choiseul fit tomber le jeune officier de dragons sous le coup d'une lettre de cachet : enlevé nuitamment de son domicile, on le conduisit à Nantes où l'attendaient un commandement dans les troupes de marine et l'ordre d'embarquement immédiat pour la Louisiane où il accomplit sa carrière militaire. Dans une de ses lettres, il demandait qu’on lui « envoie un chargement d’alcool car il n’arrivait pas à tenir les Indiens » qui constituaient (comme au Canada, ndlr.) le rempart contre les Anglais d’une garnison française peu nombreuse. Et c’est en Louisiane que Louis de Clouet avait fondé Saint-Martin (du nom de son grand-père, Jean-Martin de Clouet, bourgmestre de Catteau-Cambrésis et parlementaire), localité qui sera renommée « Lafayette » et où la famille compte encore quelques cousins...
Une fondation sur l'île sucrière
A la chute de Napoléon, installé à Bordeaux pour sa retraite, Louis de Clouet fut appelé au bout de quelques années à servir la Couronne d’Espagne à Cuba : dès lors, entre leurs terres bordelaises et la lointaine possession espagnole, ce fut un va-et-vient de plusieurs générations de Clouet, jusqu'au retour de leur descendant Aymeric, il y a deux décennies, dans ce port de Cienfuegos qui avait récupéré les cendres de son fondateur quarante ans auparavant. Aymeric de Clouet y trouva une « calle de Clouet », une « casa Clouet » et quelques peintures évoquant la prise de possession de cette péninsule au nom du roi d'Espagne, un 22 avril 1819, par le colonel Louis de Clouet. On y voit une bien curieuse cérémonie : une trentaine de colons originaires de Bordeaux et des environs entourent leur chef pour consacrer le nouvel établissement à Jésus, Marie et Joseph. Ils amènent un couple de pigeons blancs ; la femelle est relâchée mais le mâle est cloué aux ailes sur un crucifix d'occasion apposé sur la porte du fondateur de la cité... Trois ans plus tard, les habitants approchent déjà du millier et en 1825, on y parle vingt-cinq langues !
En revanche, en guise de sacrée incongruité, le récent bicentenaire de Cienfuegos vit partir pour Cuba une délégation nourrie de la municipalité bordelaise et du Conseil départemental girondin (qui avait sollicité de nombreux renseignements d’Aymeric de Clouet et de son cousin Laurent, portrait vivant du fondateur de Cienfuegos et demeurant à Bordeaux) sans qu’aucune invitation ne parvienne à l’un ou à l’autre pour ces festivités, en qualité de descendants du fondateur de la ville cubaine !
(*) Cienfuegos signifie littéralement en espagnol « cent feux ».