Provenant de plusieurs régions hispaniques, du Prado à Madrid, de la Fondation Ibercaja à Saragosse, de collections privées aragonaises ainsi que de l’île de Porto Rico dans les Grandes-Antilles, près de 96 œuvres ont été réunies au musée Bellas Artes de Bilbao, dans une rétrospective exceptionnelle des toiles et cartons restaurés, correspondances, de Francisco Goya, peintre de Cour sous Charles III et Charles IV, auxquels s’ajoute un éclairage particulier concernant les portraits de proches ou notables basques rappelant les origines familiales du peintre. Ce même musée avait présenté, il y a quelques années, une exposition des quatre séries de gravures de Goya : les caprices, les désastres, la tauromachie et les absurdités… Autour des tableaux de Francisco Goya, plusieurs portraits de peintres de renom - Luis Paret, Mariano Maella, José del Castillo, Luis Melendez, Lorenzo Antonio Carnicero ou Tiepolo - viennent compléter cette fresque artistique du XVIIIème siècle.
Originaire d’une famille de Guipúzcoa venue en Aragon pour y chercher du travail, Francisco Goya, dont le père était maître-doreur, et le grand-père notaire, est né à Fuendetodos où il fit la connaissance du riche commerçant Martin Zapater, aux idées issues de la philosophie des Lumières, un ami avec qui il correspondit « intimement »tout au long de sa vie et dont il réalisa le portrait en 1787. Admis à l'Académie de Dessin à Saragosse, Francisco Goya débuta progressivement une carrière d’artiste à Madrid. L’artiste travailla à la décoration du Palais Royal de Madrid avec Francisco Bayeu, son futur beau-frère, et réalisa avec Raphaël Mengs des cartons pour des tapisseries destinés à la Cour. Afin de parfaire son style, il partit en Italie où il découvrit le néo-classicisme et le style rococo d’un Tiepolo dont il s'inpira. Parmi ses premiers cartons figurent des thèmes populaires pittoresques, « électriques » et satiriques, à l’image du « pantin » (1791) de facture surréaliste : cette œuvre s’apparente à un Chagall révèlant une personnalité qui s’émancipe des conventions. De même, le carton intitulé « la Novillada » (1780), future tapisserie destinée à l’antichambre de l’appartement des princes des Asturies au Prado, Francisco Goya dévoile avec spontanéité son autoportrait incarné par le personnage principal, entre ombres et lumières.
Adhérant aux idées libérales de la philosophie des Lumières malgré l’esprit conservateur marqué en Espagne par l'Inquisition, le roi Charles III, fils de Philippe V et arrière-petit-fils de Louis XIV, s’intéressa à l’œuvre atypique de Goya.
En 1780, ce dernier fut décoré du Mérite de l’Académie de San Fernando, et nommé six ans plus tard, en 1786, peintre officiel de la Cour.
Personnage à multiples facettes, également académique, Goya s’inspira également des effets magiques et des techniques picturales de Vélasquez. Suite à de nombreuses commandes, l'artiste réalisa plusieurs portraits en pied de Charles III, dont celui du chasseur (1787) à la personnalité austère et magnanime, et d’autres personnalités de la Cour, tel l’infant Louis Antoine de Bourbon, où ce dernier figure en famille (1784), et encore ceux de ses mécènes : les ducs d’Osuna. En 1788, désigné « Peintre de la Chambre du Roi » avec l’arrivée au pouvoir de Charles IV, Goya devint le principal peintre de la Cour espagnole. En 1800, il peignit le roi et sa famille d’une touche impressionniste mise en scène dans la salle du palais.
Lors de la révolution française de 1789, des amis tel que le financier bayonnais François Cabarrus dont la sœur était mariée à un Haraneder, propriétaire de la « Maison de l’Infante » à Saint-Jean-de-Luz, et dont le secrétaire, Leandro Fernandez de Moratin, expert ès-sorcellerie, furent arrêtés ou exilés. L’artiste dut se tenir à l’écart de la Cour.
Parmi les autres portraits basques , Goya peignit d’autres acteurs de la vie politique et commerciale, dont Bernardo de Iriarte, le marquis de Villar de Ladron, Juana et Martin de Goicoechea et Pantaleon Perez de Nenin, Leocadia Zorrilla…. Et le général José de Urrutia, originaire de Zalla en Biscaye, qui excella lors des campagnes militaires. Sur son portrait (1798), il arbore fièrement l’ordre de Saint-Georges octroyé par Catherine II de Russie lors de la guerre de Crimée (voyez l’article « Au temps de Goya : des militaires hispaniques dans les troupes russes » d’Alexandre de La Cerda).
Au retour d’exil de Ferdinand VII - qui s’opposait pourtant aux projets de monarchie constitutionnelle et libérale auxquels adhérait Goya et rétablissait l’Inquisition - l'artiste néanmoins conserve sa place de Premier peintre de la Chambre. Mais en 1824, très malade, il se réfugie à Bordeaux(lavilla la plus monaschiste de France), lieu d’exil de beaucoup d’« Afrancesados » (libéraux espagnols). Il y résidera jusqu'à sa mort en 1828.[ Inhumé d’abord au cimetière de la Chartreuse, ses restes sont transférés en 1899 dans la chapelle San Antonio de la Florida à Madrid. Située entre place du Chapelet entre la cour Mably et l'église Notre Dame, une statue de bronze (1902) sculptée par Mariano Benllure en
porte la mémoire . Elle fut offerte par Madrid à la ville de Bordeaux dans le cadre du jumelage.
Une exposition très riche qui réunit un ensemble de portraits exceptionnels du plus grand peintre espagnol après Vélasquez ! Et pour une pause-déjeuner en face du musée, Baskulture vous recommande la louvine grillée ou la morue au Pil-Pil du restaurant Casilda (c/ Maximo Aguirre, 1), fraîcheur assurée à des prix défiant toute concurrence.
A partir jusqu’au 28 mai, exposition de Francisco de Goya dans le contexte de l'art de la Cour sous Charles III et Charles IV d’Espagne au Musée Bellas Artes de Bilbao. Tous les jours sauf le mardi de 10h à 20h. Entrée 9 €. Gratuit le mercredi de 10h à 15h et le dimanche de 15h à 20h. Pass Bono Artean combiné avec le musée Guggenheim : 16 €.
A signaler : les Amis d’Arnaga organisent une visite de l’exposition Goya le samedi 17 mars, suivie d’un déjeuner au club privé de la Sociedad Bilbaina (85 €, bus, visite et repas inclus, tél. 06 64 79 23 64 ou cle.perret@orange.fr).
Anne de MLC