Difficile pour un artiste d’investir les salles de l’Espace Bellevue en succédant à Zigor, basque et biarrot d’adoption, le dernier artiste invité l’an passé. D’autant moins facile lorsqu’on est femme et artiste. Avec une grande satisfaction supplémentaire, celle d’être la première artiste féminine à exposer en solo dans ce haut lieu de la Culture à Biarritz. A peine pénétré dans la pénombre dans laquelle baignent les œuvres, un message prévient « Quand on est née femme, être artiste, le prouver et y avoir accès, produire, montrer, continuer à le demeurer est un combat permanent, dangereux, épuisant physiquement, intellectuellement et psychiquement », citant Laure Adler & Camille Viéville.
L’artiste peintre Kardesch s’installe ce printemps à l’espace Bellevue pour une exposition personnelle retraçant trente années de recherches autour de l’abstraction.
Cette rétrospective, sans céder à une présentation chronologique, invite le public à découvrir les temps forts de son parcours, « 30 ans d’abstraction », au travers d’un accrochage sensible, privilégiant les résonances et correspondances entre les œuvres. Au-delà des séries les plus célèbres – Chemins de vie - Portes - Equilibres – déjà présentées à la Crypte Sainte-Eugénie, Kardesch dévoile ses derniers travaux – Noirs miroirs - fruits de son questionnement incessant sur la couleur et la matière qui l’amène aujourd’hui vers l’exigence du noir. Elle met ainsi en scène une vingtaine d’œuvres de grand format qui interrogent la réversibilité du noir, du gris, de l’or, dans un dialogue incessant avec des œuvres plus anciennes.
Artiste plasticienne originaire de Biarritz, elle y habite et travaille. Ancienne étudiante à l’école du Louvre et à l’école des Beaux-Arts, elle s’immerge très tôt dans l’art abstrait, y puisant un mode d’expression personnel pour interpréter le monde qui l’environne, et traduire ses déchirures intimes et sa sensibilité artistique. Utilisant tour à tour la peinture à l’huile, le fusain, la poudre d’or, et plus récemment le chrome, elle n’a de cesse de rechercher un vocabulaire plastique autonome qui repousse les contraintes de l’imaginaire et libère progressivement l’enfermement du geste. Kardesch aime à sortir de ses zones de confort et à s’affranchir du cadre. Elle diversifie ses techniques, du dessin au collage, pour revenir sur la peinture à l’huile. Toujours attentive aux interactions qui peuvent surgir de sa peinture vers les autres disciplines telles que la haute couture, la photographie ou l’architecture, elle provoque les rencontres avec les artistes et les lieux qui lui font écho. Elle a ainsi collaboré avec Stéphane Rolland, créateur français de haute couture, pour une de ses collections en 2021.
Kardesch propose une rétrospective conçue comme un dialogue entre les œuvres exposées - une soixantaine au total - une déambulation à travers des espaces dévoilant une peinture qui parle à notre sensibilité. Trois thèmes principaux présentés en autant d’espaces, Chemins de vie, Noirs miroirs, Cercle, Portes, autant d’univers qui permettent au visiteur d’appréhender son travail sur l’ombre et la lumière, le rythme et les compositions, la matière et la couleur. Délaissant durant quelques semaines son propre atelier, elle a bénéficié du calme et de la solitude de la Crypte Sainte-Eugénie pour y créer certains tableaux, présentés pour la première fois à Biarritz, parmi lesquels Noir précieux, sa dernière création, un grand triptyque à l’huile et à la poudre d’or. Un film retraçant la genèse de cette œuvre est projeté à cette occasion dans une des salles d’exposition.
Marie-Christine Rivière, qui connaît bien le travail de l’artiste et a écrit les textes accompagnant l’exposition dévoile le concept scénographique : « Cette rétrospective, sans céder à une présentation chronologique, invite le public à découvrir les temps forts de sa démarche au travers d’un accrochage sensible, volontairement non linéaire, privilégiant résonances et correspondances entre les œuvres. Ses premiers Chemins de vie qui irriguent son travail, fils d’or et de lumières, boursouflés, simplifiés, qui s’étirent, s’effacent ou se rompent brutalement sur des aplats foncés, torturés ou blanchis, souvent craquelés, ouvrent l’exposition pour donner le ton à l’expression du temps et témoigner de ce parcours de vie traversé par l’émotion et l’abstraction.
Toujours présent dans ses toiles, le noir s’y fait de plus en plus profond, trait rapide, déchiré et violent. Puis, plus instantané et affranchi, il s’affirme en épaisseur et en brillance, comme un noir lumineux qui aide à vivre. Ces dernières œuvres imposent l’effet noir-miroir sans autre gravité que celle de s’y refléter, plus gaie et légère que précédemment. Et parce que le cercle revient inlassablement au cœur de son œuvre, la résonance des cercles - terre brune et striée, miroirs argentés, puzzles démultipliés, - ponctue l’itinérance comme une respiration intime, pour rassembler ce qui semble s’effacer, comme pour atténuer la césure du temps et en contredire la fragilité. La dernière salle, introduite par la série Portes, comme autant de témoins d’un passage plus intime et spirituel, se structure autour de son dernier triptyque - créé spécialement pour l’exposition au Bellevue. Elle y ose à nouveau la poudre d’or, celle qui avait inspiré ses tous premiers tableaux, et plus tard ses premiers chemins de vie. »
Kardesch, 30 ans d’abstraction. Le Bellevue. Exposition ouverte tous les jours jusqu’au 4 mai 2022 de 11 heures à 18 heures. Entrée libre.