En haut du plateau de l'Atalaye, une ancre marine rappelle aux promeneurs que le 14 décembre 1907 vers 8h du soir, le Padosa, un trois-mâts suédois, a fait naufrage sur la Grande plage de Biarritz, causant la mort de quatre marins.
Cette ancre avait été découverte et renflouée en 1978 par Henri Chevrat et François Doyhamboure, président de l'association de recherche historique des fonds marins, qui avait, par la suite, rendu hommage à ces marins, ainsi qu'à leurs sauveteurs biarrots, en organisant il y a qqs années une cérémonie du souvenir. François Doyhamboure et Eric Dupré-Moretti ont relaté dans leur livre « Naufrages dans le Golfe de Gascogne », cette catastrophe du Padosa qui constitue l'un des épisodes les plus tragiques de l'histoire maritime de Biarritz.
Le Padosa était un magnifique trois mâts de 60 mètres de long, il avait une coque bois et avait été construit dans un chantier de la mer Adriatique en 1860. Son port d’attache était Fyedors en Suède.
Au début de décembre de 1907, sous le commandement du capitaine Martin Björk, il embarqua un chargement de bois et prit la mer à destination de la Biscaye afin de débarquer les billes à Portugalete près de Bilbao, où, au moment du déchargement, le navire chavire fortement sur un banc de sable. Si bien que les billes de bois viennent frapper avec violence la coque qui en en garda, évidemment quelques traces.
Après une inspection consécutive à l'incident, le Padosa est autorisé à naviguer, mais les doutes demeurent quant aux conséquences de l'accident sur la solidité du bateau. Le 11 décembre, le navire, manœuvré par un équipage de 11 marins, reprend la mer à vide pour charger une cargaison de sel à Sétubal, une ville portuaire du Portugal, située à une cinquantaine de km au sud de Lisbonne.
Or, vers 7 h de soir, une violente tempête se lève brusquement. Le voilier commence à prendre l'eau et les pompes de cale, en raison du sable qui fait fonction de lest, ne remplissent pas leur rôle. Handicapé par cette masse qui remplit ses cales et l'empêche de remonter normalement au vent, le navire commence à dériver vers l'Est dans le Golfe de Gascogne où la tempête se transforme en véritable ouragan comme en connaît parfois le Golfe de Gascogne à cette époque de l'année.
Le bateau continuait à se remplir, menaçant de chavirer à tout moment. Poussé par le vent violent, il dériva plein Est pendant 3 jours. Le seul espoir de l'équipage était alors de parvenir à s'échouer en douceur sur un littoral sablonneux. Dans la soirée du 14 décembre, à la nuit tombée, le Padosa se présente au large de la Grande plage. L'équipage actionne la sirène pour faire connaître son état de détresse. Vers 7 h du soir, la coque heurte la roche plate située à 600 mètres environ de la terre ferme, au milieu du terrible bouillonnement d'une mer déchaînée.
Les signaux du bateau demandant du secours attirèrent une foule énorme sur la Grande Plage.
Les Biarrots allument des feux et installent des machines à fusées destinées à lancer des amarres. Le Padosa n'est atteint qu'au septième tir, trop tard pour venir en aide à l'équipage. Aucun canot n'est disponible pour rejoindre le trois-mâts en détresse. Les conditions de mer sont des plus épouvantables.
De son propre chef, l'un des marins, équipé d'un filin, se jette à l'eau en tente de rejoindre la rive à la nage. Il se noie sous les yeux de ses camarades. Le commandant donne alors l'ordre de mettre une chaloupe à la mer avec deux hommes à bord. Une vague la fracasse sur la coque du navire et les marins sont sauvés de justesse.
Les sauveteurs biarrots entrent en action
Depuis la plage, sous la direction du célèbre Joseph Fourquet, dit Carcabueno, attachés à des filins et munis de bouées, tentent d'approcher le Padosa à la lueur de projecteurs allumés sur la terrasse de l'hôtel du Palais. Un à un, huit membres de l'équipage, dont l'un décède quelques minutes plus tard, s'échouent sur la plage. Jean Léglise, membre du comité de sauvetage, parvint à lui seul à en sauver quatre. Il est d'ailleurs blessé au cours de ce sauvetage. Le commandant du Padosa et six marins sont sauvés. Le 15 décembre, la mer rejette les corps des 4 disparus. Les jours suivant, la Grande plage est recouverte d'innombrables débris du Padosa.
Joseph Fourquet, dit Carcabueno
Le souvenir de sa haute stature, de sa force colossale, son endurance extrême et sa bravoure téméraire sont longtemps restés dans la mémoire des Biarrots. C'est sans doute lui qui eut, avec Jean-Baptiste Lassalle, un autre marin et sauveteur biarrot, le plus grand nombre de sauvetages à son actif.
On ne peut pas les citer tous. Mais quelques-uns marquèrent les esprits : le premier sauvetage officiel de Fourquet, c'est le 16 décembre 1883 qu'il l'accomplit. A la Côte des Basques, il se jette, dans la nuit, malgré le froid et les brisants, pour ramener sain et sauf un homme qui s'était laissé surprendre par la marée à la Roche Blanche. Le 29 mars 1889, par une mer démontée, blessé grièvement par un aviron dans le naufrage de sa barque, il ramène à bord un matelot inanimé. Aveuglé par le sang, il se rejette à l'eau, et malgré ses efforts, ne peut retrouver l'autre matelot sinistré. Le 7 juin 1894 à Bayonne, il saute tout habillé dans la Nive pour repêcher une femme. Le 11 décembre 1896, au plein hiver, il sauve douze matelots accrochés à l'épave de leur barque.
Encore le 27 décembre 1902, avec sa trainière et celle d’un autre marin et sauveteur biarrot, Victor Million, il avait pu recueillir le capitaine et les dix hommes de l’équipage du vapeur de pêche biarrot « L’Union » appartenant aux frères Silhouettes. Bientôt, la réputation de Carcabueno dépassa les frontières.
Parmi les innombrables distinctions que lui valurent ses exploits, notons, en 1897, la Médaille d'or de l'empereur d'Allemagne, qu’il renvoya d’ailleurs au début de la guerre de 14 ; en 1908, la Médaille du roi de Suède après le naufrage du « Padosa » et le prix Carnégie. Mais il ne mourut pas, mourir comme il l'aurait sans doute souhaité, en luttant dans les flots démontés de Océan qui fut toute sa vie. Une embolie, le terrassa, le 13 janvier 1915, au port des Pêcheurs. Mais son fils, Paul Fourquet, continua la tradition familiale en repêchant, dans sa jeunesse, un baigneur qui se noyait au Port des Pêcheurs.
Lui aussi, guide-baigneur, il mourut le 23 juillet 1925, il n’avait pas trente ans, à la Côte des Basques où il portait secours à des baigneuses imprudentes. Il en sauva une mais fut brisé avec l’autre contre les roches de la villa Belza.