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Histoire
Belzunce : un  évêque basque au secours des pestiférés de Marseille en 1720
Belzunce : un  évêque basque au secours des pestiférés de Marseille en 1720
© DR - « Le dévouement de Mgr de Belsunce » par N.-A. Monsiau (v. 1819, Louvre)

| Alexandre de La Cerda 666 mots

Belzunce : un évêque basque au secours des pestiférés de Marseille en 1720

En parcourant les beaux et riants paysages vallonnés de Basse-Navarre, entre le château des Belzunce – ou Belzuntze – à Ayherre et ceux de Macaye et de Méharin qui leur appartinrent également, on serait certes en peine d’évoquer la terrible peste qui s’abattit sur Marseille en 1720, en prolongement de la vague d’épidémies affectant l’Europe occidentale depuis 1580. Elle fit des dizaines de milliers de morts dans une ville qui comptait une centaine de milliers d’habitants et affecta durablement la démographie marseillaise ainsi que la prospérité commerciale de la ville.
Or, le héros de l’histoire fut bien un Belzunce (ou Belsunce) issu de la célèbre lignée bas-navarraise (voyez notre article en rubrique »histoire »), plus précisément Henri François-Xavier de Belzunce de Castelmoron, évêque de Marseille, qui secourut les malades et ignora le danger. Ce comportement inspira un tableau devenu célèbre au peintre Nicolas-André Monsiau (1754-1837), parmi de nombreuses autres œuvres réalisées par d’autres artistes sur le même sujet (plus d’une cinquantaine, de Jean-François de Troy à Jacques-Louis David, Auguste de Forbin et Jean-Baptiste Duffaud, sans oublier la statue en bronze sculptée par Marius Ramus). 
Monsiau représenta Mgr de Belzunce « en habit sacerdotal, coiffé de sa mitre, tenant de la main gauche un ciboire et donnant la communion aux pestiférés. On y voit l’évêque se pencher sur une mère agonisante dont l’enfant nu a déjà succombé à la maladie. Le chemin que l’homme d’Église a emprunté afin d’arriver jusqu’aux moribonds est jonché de cadavres, mais ce spectacle macabre ne l’a pas arrêté dans l’exercice de son ministère et n’a pas entamé sa détermination : il est à sa place au milieu du troupeau de ses fidèles en souffrance, leur donne les derniers sacrements et ne craint pas la mort pourtant omniprésente autour de lui.
Des capucins et des jésuites, portant crosse, aiguière, torches et croix, presque aussi nombreux que les pestiférés, se dévouent au chevet des malades, prêts à sacrifier leur vie. Un moine pointe du doigt les cieux, indiquant ainsi aux mourants leur dernière demeure. Sur le visage, dans l’attitude et dans les yeux des mourants se lisent l’affolement, la détresse et l’inquiétude qu’une lumière contrastée et un dégradé de couleurs accentuent et dramatisent. L’œuvre oppose ainsi le drame et la tragédie au courage et au dévouement ». L’histoire indique encore que Mgr de Belzunce organisa des processions et consacre la ville au Sacré-Cœur pendant une messe célébrée le 1er novembre 1720 sur le cours qui porte désormais son nom à Marseille où il multiplia les gestes spectaculaires en exorcisant le fléau du haut du clocher des Accoules ; ce fait est rapporté ainsi par Chateaubriand dans ses « Mémoires d’outre-tombe » : « Quand la contagion commença de se ralentir, M. de Belsunce, à la tête de son clergé, se transporta à l’église des Accoules : monté sur une esplanade d’où l’on découvrait Marseille, les campagnes, les ports et la mer, il donna la bénédiction, comme le pape à Rome, bénit la ville et le monde : quelle main plus courageuse et plus pure pouvait faire descendre sur tant de malheurs les bénédictions du ciel ? ».
Mais d’après les historiens d’art, il conviendrait encore de mettre cette toile en relation avec une « Notice sur la vie du peintre » publiée à la suite du décès de l’artiste en 1837 : « Monsiau apprit, alors qu’il avait commencé son tableau, qu’il était atteint de la maladie de la pierre et qu’il devait être opéré de toute urgence. Le peintre décida cependant de braver le danger et ne voulut rien savoir avant d’avoir achevé sa toile, car, déclara-t-il : « Si ce retard m’expose à mourir, mon dernier ouvrage aura du moins été un hommage à la vertu ». Et son biographe de conclure : « La peste de Marseille fut achevée, en effet, et pendant que le public entourait le tableau de ses éloges, le peintre supportait avec un calme inébranlable la plus douloureuse opération de la chirurgie ».
Alexandre de La Cerda

Légende : « Le dévouement de Mgr de Belsunce » par  N.-A. Monsiau (v. 1819, Louvre)

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