Il semble que le Pays Basque de Bayonne à Hasparren et Tolosa, ainsi que la Gascogne, furent liés de tout temps aux jeux de taureaux, au moins depuis l’arrivée des Romains, et peut-être auparavant grâce à l’existence des « Betizos », antique race locale à l’origine de la vache blonde pyrénéenne. Il devait s’agir primitivement d’un lâché de bovidés à demi-sauvages dans les rues et sur les places des villes et villages, converti ensuite en « taureau à la corde » qui a survécu jusqu’à nos jours sous le nom de « Sokamuturra » dans la province basque voisine de Guipuzcoa. Ne garde-t-on pas la trace de trois taureaux lidiés en 1160 à l'occasion du passage du roi Sanche le Sage de Navarre dans une de ses bourgades ?
Les interdits n’y firent rien: à Bayonne, dès1289 un texte menaçait d’amende les bouchers lâchant pour les faire courir taureaux et bœufs dans les rues. A Azpeitia, malgré l’excommunication brandie précédemment par le pape Pie V, des « toros » furent offerts pour la canonisation de Saint Ignace de Loyola en 1662!
En fait, la corrida ou « course à l’espagnole », fut très tôt présente à Bayonne. En janvier 1701, lors du passage du Duc d’Anjou - le petit-fils de Louis XIV allait prendre possession du trône d’Espagne sous le nom de Philippe V - la place Grammont (actuelle place de la Liberté) dont la forme rectangulaire se prêtait à ce genre de fêtes avait été garnie sur trois côtés d’estrades pour 5000 spectateurs tandis que le quatrième était occupé par les loges d’artistes – en l’occurrence, les taureaux!
Mais les premières arènes ne seront construites qu’en 1851 au faubourg Saint-Esprit (provisoirement séparé de Bayonne par la Révolution). Elles étaient en bois et attiraient déjà des milliers de spectateurs grâce à une dérogation à la loi Grammont sur les animaux obtenue par l’impératrice Eugénie. Des déconvenues financières les firent émigrer en divers endroits de la ville jusqu’en 1893 lorsque les architectes Vannetzel et Duprat les construisirent à leur endroit définitif, au quartier de Malledaille. Parmi les premiers à en profiter, l’écrivain russe Tchekhov qui séjournait à Biarritz en 1897: « Les picadors espagnols luttaient avec les vaches. Celles-ci, excitées et assez adroites, poursuivaient tels des chiens les picadors dans l'arène. Le public était enragé ». L’artiste bayonnais Henri Zo, élève de Bonnat, se fit une spécialité de la peinture tauromachique.
Après l'incendie en 1919 de la partie haute de ces arènes par des aficionados mis en colère par l’absence des derniers taureaux d’une corrida, l’entrepreneur Alfred Boulant les reprit et les reconstruisit, pour attirer la clientèle espagnole dans les casinos et les hôtels qu’il possédait à Biarritz.
Depuis lors, Bayonne est devenue une des premières places de France et jusqu’à maintenant, les célébrités du moment sont nombreuses parmi les 10 000 aficionados et les membres des penas de la ville qui se pressent dans les tribunes à chaque corrida afin de voir toréer les plus grands noms de l’arène.