L'Académie du chocolat inscrira le week-end dernier dans ses tablettes. Les trois jours qu'elle a dédiés à la célébration du noble produit bayonnais ont été un énorme succès populaire. Cela veut dire que le chocolat a vraiment sa place sur le totem des images emblématiques de la ville.
On est sorti de cette timidité qui consistait à assurer le trempage devant les salons et les boutiques pour implanter un chapiteau sur la place de la liberté, faire pousser une forêt amazonienne dans le hall du théâtre et positionner des dizaines de sculptures chocolatées au rez-de-chaussée de la mairie.
La maison commune a embaumé l'odeur du cacao pendant trois jours. Quant aux deux réceptionnistes, derrière leur banque à l'accueil, elles semblaient posées sur une barque flottant au gré des caprices du rio Madeira. Et, force est de reconnaître, qu'entre les appels téléphoniques habituels, les sollicitations administratives et celles, plus inédites, des milliers de visiteurs attirés par les panneaux historiques et les dégustations, elles ont parfois bu la tasse...
Hier, l'événement se concluait par un repas intégralement chocolaté à la brasserie de l'Aviron Bayonnais. J'y représentais la Ville au milieu de tous les professionnels de la partie, les conférenciers et les académiciens du chocolat. Servitudes de la fonction...
Au piano, le chef de Fontarabie Yon Apeztegia Cousso, dont la réputation cacaotée n'est plus à faire, avait rejoint le chef de l'établissement qui fut longtemps, je le rappelle, le pâtissier de l'hôtel du palais. A deux, ils ont très talentueusement fait tomber les préjugés que je pouvais avoir en me rendant à ce déjeuner dont je craignais qu'il fût un peu trop... coulant.
C'est moi qui fus marron. Un délice.
Sur la terrasse baignée de soleil, nous furent servis des amuse-gueules qui n'ont décontenancé que les plus conservateurs de l'Académie. Des langues de saumon mariné sur un craquant de cacao. Ce dernier se faisait respecter en bouche, mais pour mieux souligner le moelleux du poisson.
Nous avons ensuite pris nos positions à table. J'ai eu la chance de me trouver à côté de la présidente de l'Académie française du chocolat déclamant entre chaque plat des odes à ce petit trésor de la gourmandise mondiale.
Le feu fut ouvert par des noix de Saint-Jacques en croûte de noisette et cacao, sur un lit de céleri rémoulade, Granny Smith et vinaigrette de betterave. Le sommet fut atteint par la cuisse et le suprême de pintade, choux rouge, marrons et oignons grelots et sa marmelade de fruits, sauce "Mole Poblano". Un choc fabuleux pour moi qui découvrais ce nappage résultant de la rencontre entre ce que faisaient déjà les Aztèques de la graine de cacao et la créativité savante que les religieux de la Nouvelle Espagne (actuel Mexique à quelque chose près) ont ajoutée au produit en lui incluant les épices de cette nouvelle terre conquise. Ma docte et déclamante voisine de table, Katherine Khodorowsky m'a raconté que cette "mole" était en fait, à l'origine, un de ces innombrables avatars culinaires, devenus cultes, comme Tatin ou ganache.
Je résume l'académicienne : des religieuses espagnoles de l'Etat de Puebla reçoivent leur évêque qui se présente à l'impromptu au couvent. Elles foncent sur le garde à manger et jettent dans un fond pâteux de cacao tous les ingrédients, compatibles à leur goût, qui se présentent à elles. Et ça donne ce "mole poblano" qui grandit la saveur d'une vieille poule qui passait par là...
En dessert, la tartine fromagère en trempette, sauce chocolat, m'a permis d'aborder l'exercice des mouillettes à un niveau gustatif .très supérieur à mes habituels œufs coque. Et, enfin, sont arrivés des gnocchis ou ce que je croyais en être. En fait, il s'agissait de petits churros fourrés de chocolat. Chauds, il a fallu me les retirer...
Le lendemain matin, au lever, dans ma cuisine, j'avoue avoir fait le coup du mépris à ma boîte de Nesquik...