A la sortie de Bayonne en direction de Cambo, sur le territoire de Bassussarry, une belle maison de l’époque Directoire dans un îlot de verdure bien en retrait de la route, conserve la tradition d’un patrimoine architectural bien vivant au Pays Basque et soigneusement entretenu par les descendants de ses constructeurs : il s’agit du domaine de Castanche.
C’est en 1790 que Jean-Joseph Ader avait acquis aux enchères publiques cette propriété, une ferme, à l’origine, qui provenait des spoliations des biens du clergé et ressortait des prébendes du chapitre de la cathédrale de Bayonne.
Il y fera construire en 1795 la maison principale qu’il nommera « Ma Fantaisie ». Avec son épouse Jeanne Elissalde, du quartier Arrauntz et héritière de Mentaberri (fermes d’Urrugne), il aura cinq fils et adoptera une fille. Jean Joseph l’ainé, Jean dit Paulin, médecin, Pierre dit Félix, chevalier de la Légion d’Honneur (il dirigera l’hôpital militaire d’Oran et sera victime de l’épidémie de choléra qui décima la ville en 1849), Pierre Alexandre, marin et Pierre-Gentil, (1807-1830) étudiant en médecine, qui décédera sur les barricades parisiennes en Juillet 1830. Un monument en sa mémoire et à celle de ses compatriotes est situé sur la place Montaut à Bayonne et une rue porte son nom. Il est enterré sous la colonne de Juillet, place de la Bastille. Jean Joseph décède en 1842 et son épouse en 1845. Le caveau familial des Ader est à Arrauntz, mais avec le nouveau cadastre Napoléonien, la propriété passe sur le territoire de Bassussarry.
1845 : Leur fils ainé, Jean-Joseph Ader (1796-1859), journaliste, écrivain, dramaturge et historien, hérite de la propriété appelée à cette époque « Château de Bassussarry ». Après des études de médecine puis de droit, il écrira plus de vingt pièces de théâtre qui seront jouées à l’Odéon, au théâtre de la porte Saint-Martin et sur les plus grandes scènes parisiennes. Dans l’opposition à Charles X, ses écrits dans la presse lui vaudront quelques jours de prison. Maire de Bassussarry sous Napoléon III, le chemin d’accès à la propriété porte son nom.
1859 : au décès de Jean Joseph, sa sœur Sabine dite « Chaubadine » (1805-1878) hérite de la propriété, l’agrandit en achetant des terrains du lieu-dit « Castaing » et donne ce nouveau nom à la maison.
1878 : sans descendance, « Chaubadine » lègue « Castaing » a sa nièce Elise Etcheverry (1845-1912) et à son époux Martial Houet (1832-1886). Ils renommeront la propriété « Castanche ».
1902 : Elise lègue « Castanche » a sa fille Berthe Houet (1872-1954) mariée à Edmond Delage (1867-1960), chevalier de la Légion d’Honneur. Fils d’un bottier béarnais, il fit de brillantes études et sera diplômé de Polytechnique avant d’entrer chez Saint-Gobain et prendre la direction des usines. Il participera activement à la création de l’usine de papeterie « La Cellulose du Pin » et la dirigera. Ils entreprennent de gros travaux, agrandissent la maison, installent le chauffage central, l’électricité et l’eau courante avec la première salle de bain. Amoureux des Arts, ils s’inspirent d’Arnaga, la demeure proche d’Edmond Rostand pour la décoration de la maison et le dessin du parc. Castanche conserve encore des fresques de Georges Bergès et des sculptures de Jean Magrou. Ils auront quatre enfants. Leur fils ainé Jean (1896-1917) polytechnicien, Croix de Guerre et Légion d’Honneur décédera à Verdun à l’âge de 21 ans et sera enterré dans le caveau familial de Bassussarry. Marc, polytechnicien, collègue de classe du tennisman Jean Borotra, Yves, président des pétroles d’Algérie qui reprendra la propriété d’Urrugne et y fera construire une grande et belle maison et Edith qui recevra une éducation militaire en faisant le tour du monde sur la « Belle Poule ».
1960 : Edith Delage, Baronne Sautereau du Part, (1905-1994) épouse du Baron Roger Sautereau du Part (1899-1949), Croix de Guerre 14/18, reprend Castanche. Fils aîné du Baron Ernest Félix Sautereau du Part (1859-1943), général d’artillerie, commandeur de la Légion d’Honneur, chevalier de l’ordre de Sainte Anne en Russie, Grand-croix de l’Aigle de Serbie, époux de Madeleine Bethery de la Brosse, cousine germaine de Sébastien le Prestre de Vauban, Maréchal de France. Roger décède dans un accident de voiture en 1948, laissant Edith veuve avec quatre enfants, Yves, Francine, Huguette et Philippe. Elle aura douze petits enfants. Elle décède à Castanche en 1994 et repose dans le caveau familial.
1994 : sa fille Huguette (1936-2011), diplômée d’un doctorat en théologie et mariée à Philippe Jourdan (1929-2012) Docteur ès-sciences et physicien thermonucléaire, membre de l’équipe du CEA qui avait mis au point la première pile atomique « Zoé », reprennent Castanche. Ils ont trois enfants, François, Pascal et Valérie. Huguette sera première adjointe de Bassussarry et très fortement engagée dans la vie religieuse de la paroisse. Elle sera très active dans la création de la première crèche en 1997. Huguette et Philippe décèdent a Castanche et reposent dans le caveau familial.
2013 : après une carrière internationale dans l’industrie, François Jourdan reprend Castanche et lègue la propriété a ses enfants Antoine, Arthur et Aure. Il entreprend de gros travaux de réhabilitation, rénovation de la maison principale, remise en état de la peupleraie, création du parc et classification de l’ensemble en réserve environnementale. La ferme est aménagée en appartements et avec Zéphyrin Bonal, diplômé Penninghen, il a créé un studio d’architecture d’intérieur.
Le fronton est également restauré, « celui-là même où deux des quatre célèbres mousquetaires, Jean Borotra et Jean-René Lacoste, jouèrent quelques parties avec mon grand oncle Marc Delage, amis de la même promotion de Polytechnique avant la seconde guerre mondiale ». François Jourdan vise maintenant à réunir au sein d’une entité les propriétaires de belles demeures de la région...