Introduction / avant propos
Comme des millions d’autres personnes depuis que le monde est monde, Gregorio Barace et Raimunda Arozamena avaient, chacun de son côté, quitté un jour village, famille et proches à la recherche d’une meilleure vie en émigrant aux Amériques au début du XXème siècle. Trop jeune alors que ma grand-mère était encore de ce monde pour lui avoir posé les bonnes questions et percer certains tabous relatifs à ce passé sans aucun doute douloureux, très peu évoqué en famille, et désormais étant le plus âgé de la famille, il me semblait intéressant et nécessaire d’essayer de retrouver des traces datant du début du XXème siècle…
Dans les rares explications-conversations en mélangeant basque-roncalais, espagnol et français elle évoquait un voyage de plusieurs semaines en bateau (sans préciser date et port d’embarquement), une vie difficile dans la Pampa, des attaques d’Indiens (?), les vents violents soufflant en tempêtes et obligeant de rester couché à même le sol à l’intérieur de maisons mal isolées durant des heures, voire davantage…
Toute la famille ayant quitté ce monde, plus personne pour confirmer ou relativiser ces épisodes, ni à Isaba (Roncal), son village d’origine, ou à Biarritz où elle s’était installée à son retour d’Argentine avec son futur mari. Malgré des recherches en Navarre et auprès du CEMLA, organisme officiel argentin, il ne m’a pas été possible de connaître ses dates d’arrivée, destination ou date de retour en Europe… Les archives des migrations en Argentine à partir de 1882 jusqu’à 1932 sont disponibles sur place mais beaucoup de registres sont incomplets, détruits ou perdus. Les registres d’Etat civil (et religieux) espagnols indiquent sa date de naissance en 1889, de son mariage à Biarritz en 1922, de son décès à Bayonne en 1970.
Paradoxalement, des informations relatives à mon grand-père, également migrant et que je n’ai pas connu, bien que succinctes, ont été plus faciles à trouver… dans les archives américaines d’Ellis Island ! Arrivé à New-York à bord de La Provence le 15 mars 1913 au départ du Havre, il était âgé alors de 31 ans, célibataire au teint mat et yeux noirs, de race blanche, avec 49 dollars en poche et avait donné comme contact aux USA son cousin Domingo Ezquer, éleveur.
Etait-il resté dans l’Ouest américain jusqu’à son retour en France ou s’était-il déplacé en Argentine au bout d’un certain temps ? Il était de neuf ans l’aîné de sa future épouse, native du même village. Se connaissaient-ils avant leur départ ? Je crois me souvenir que ma grand-mère avait dit un jour en riant qu’elle pensait que son futur mari était rentré les poches pleines, et que celui-ci pensait la même chose à son propos… Il semble qu’il n’en fut rien et, n’ayant pas fait fortune, ils ne voulurent pas retourner vivre dans leur village. Il est peu probable que l’on connaisse son périple américain un jour avec exactitude. Lui, agriculteur, elle ménagère selon l’acte de mariage célébré à Biarritz en 1922. Il est décédé le 27 mars 1944 lors du bombardement de Biarritz par l’aviation alliée.
Pour ce voyage plus ou moins dans l’inconnu, appel a été fait à l’agence Connaisseurs du Voyage, comme je le fais depuis plusieurs années. Un voyage totalement sur mesure concocté avec son correspondant local.
Revenons à nos moutons, à propos des Basques souvent partis comme bergers, jardiniers ou agriculteurs et, sans avoir aucune information permettant de suivre quelque peu la trace de ma grand-mère, j’ai pris le parti d’effectuer un périple avec comme point d’entrée Buenos Aires, où elle est logiquement passée bien que dans d’autres circonstances, quelques sites relativement proches de la capitale mais présentant une géographie et atmosphère proches de celle de la Pampa (Luján pour son célèbre pèlerinage, séjour dans une « estancia » près de San Antonio de Areco), détour par la ville balnéaire de Mar del Plata, comparée par certains guides de voyage à Biarritz (!) et émerveillement garanti aux chutes d’Iguazú (photo de couverture), un pied en Argentine, l’autre au Brésil.
Départ d'Hendaye
Lundi 30 octobre, le TGV parti d’Hendaye à 10h02 entre bien en gare à Bordeaux à 12h40. Trois heures pour déjeuner dans un restaurant proche d’un arrêt du tram D, quelques stations et changement pour le tram A dont le terminus est l’aéroport de Bordeaux Mérignac. Tout est dans les clous puisque l’enregistrement du vol KLM à destination d’Amsterdam et vol de nuit pour Buenos Aires n’a pas encore débuté. Envol de Bordeaux à 18h05. Arrivée à Amsterdam à 20h00, connexion à 21h20 pour Ezeiza, l’aéroport principal de Buenos Aires où j’espère récupérer ma valise enregistrée à Bordeaux.
Mardi 31 octobre, après 13 heures de vol, arrivée à 7 heures du matin (heure locale, 11 heures en France). Transfert prévu à l’hôtel Amerian où ma chambre a été réservée depuis la veille, ce qui me permet d’en disposer immédiatement et prendre un peu de repos avant de commencer l’aventure.
Située au bord du Rio de la Plata, la capitale de l’Argentine est très étendue, 203 km2, et peuplée de 3 millions d’habitants, essentiellement des descendants de l’immigration européenne arrivés à partir de 1880.
Cette affluence migratoire fait de Buenos Aires une ville cosmopolite, est comme chacun sait le berceau du tango et offre une grande richesse culturelle. Des quartiers très différents, ici on pourrait se croire dans le Paris du baron Haussmann, là les jardins ont adopté le style victorien, plus loin les bâtiments de style colonial rappellent que nous sommes dans un pays autrefois colonisé par l’Espagne.
La capitale fédérale est desservie par deux aéroports, Ezeiza, l’aéroport international à 35 kilomètres de la ville, et l’aéroport Jorge Newberry plus connu sous le nom d’Aeroparque, situé en proche banlieue (le coût d’un taxi est comparable à celui d’une course en ville). Ce dernier opère essentiellement les vols domestiques et quelques vols vers les pays limitrophes.
Formalités de police et douane passées sans encombre. Comme prévu (ouf !) un chauffeur muni d’un panneau d’identification « Eurotur Barace » attend à l’extérieur de l’aérogare. Le transfert à l’hôtel est une formalité bien que le trafic soit dense. L’hôtel Amerian est situé dans le quartier des affaires, près de l’embarcadère des ferrys et du bureau de l’agence de voyages. Il est encore temps pour moi de profiter du petit-déjeuner avant de prendre un peu de repos et mes marques.
Buenos Aires, capitale fédérale du pays est une immense métropole dont la plupart des endroits à connaître sont éparpillés dans des quartiers assez éloignés les uns des autres. Facile pour qui connait le réseau du métro et des omnibus (autobus urbains). Moins cher que le taxi mais pas forcément à conseiller. Au cœur de la ville, Microcentro peut se visiter à pied.
A l’est, Puerto Madero comprend des quais autrefois réservés au transport maritime, où de nombreux restaurants chics occupent depuis les anciens hangars.
A voir le Puente de la Mujer, œuvre de l’architecte Santiago Calatrava. Des couples élégamment habillés dansent dessus des tangos de la meilleure façon, espérant quelques billets des passants.
San Telmo est réputé pour son architecture coloniale. La Boca, plus au sud est prisé par les touristes pour ses maisons colorées aux toits en tôle ondulés et son club de foot Club Atlético Boca Juniors, finaliste malheureux de la Coupe d’Amérique Latine durant mon séjour.
A l’ouest du Microcentro les imposants bâtiments du Congreso nacional, siège de la politique locale. Au nord le Retiro abrite les principales gares routières, ferroviaires et maritimes, ainsi qu’une population très défavorisée… La Recoleta et le Barrio norte sont parsemés de musées, boutiques chics et luxueuses demeures. Plus au nord Palermo compte de beaux parcs, dont profite la classe moyenne qui y a élu domicile. Des communautés chinoises, coréennes et péruviennes ont investi Belgrano et Once.