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Anglet Jazz Festival (II) : du saxophoniste Eric Séva au Bokale Brass Band
Anglet Jazz Festival (II) : du saxophoniste Eric Séva au Bokale Brass Band

| Philippe Vincent 1012 mots

Anglet Jazz Festival (II) : du saxophoniste Eric Séva au Bokale Brass Band

Michel d’Arcangues me passant le relais, j’en profite pour dire moi aussi combien les soirées du jeudi et du vendredi furent de haut niveau. Et celle du samedi combla encore un public qui était venu un peu plus nombreux, remplissant largement la partie basse du Théâtre Quintaou.

A 20 h 30 le saxophoniste Eric Séva entra sur scène avec ses deux musiciens, le solide contrebassiste Bruno Schorp et l’étonnant batteur brésilien Zaza Desiderio. J’avais déjà vu Séva à deux reprises cet été en duo avec le tromboniste Daniel Zimmermann pour deux prestations délectables et c’était une fois de plus sans aucun instrument harmonique à ses côtés qu’il se présentait à nous.

Mais le saxophoniste a un tel sens mélodique et de tels moyens qu’on allait oublier bien vite sa solitude aux côtés de la paire rythmique. Son répertoire fut essentiellement constitué de morceaux de sa composition, certains figurants sur son disque en trio “Résonances” (Les Roots d’Alicante en hommage à ses lointaines racines espagnoles ou Le Village d’Aoyha) et d’autres qu’il a enregistrés sur des albums antérieurs. 
Parmi eux, Trains Clandestins évoquant l’exode des afro-américains du sud esclavagiste vers le nord industriel et Pipas, nom que donnent les brésiliens aux cerfs-volants qu’ils font planer au-dessus de certaines favelas de la banlieue de Rio. Il ne joua pas de ténor, se concentrant sur le soprano (quelle belle sonorité sur les ballades ! ) et sur le baryton qu’il semble de plus en plus affectionner pour notre plus grand plaisir. 
Nourri de deux cultures, l’une savante (conservatoire, etc) et l’autre populaire (il commença à jouer avec son père dans les bals), Eric Séva réussit une fois de plus à cacher la sophistication de la musique qu’il joue derrière une apparente simplicité qui fait adhérer le public à son projet avec enthousiasme. Pas d’esbroufe technique ou racoleuse, rien que du beau. La marque des meilleurs !

Pour la deuxième partie de soirée, Marc Tambourindeguy, fidèle à sa politique affichant toujours un éclectisme de qualité, avait choisi de programmer Robin McKelle. Doit-on le rappeler, certains gardiens du temple jazzistique font parfois la fine bouche quand on parle de cette chanteuse américaine, trouvant que son répertoire flirte trop souvent avec le blues et la soul music et qu’il est trop populaire. 
Pour notre part, nous avons toujours pensé que les penchants de cette native de Rochester pour la soul et la pop n’obéraient en rien ses grandes qualités vocales et ce n’est pas la première à vouloir élargir le champ du jazz à des musiques cousines. Ce qu’elle fait avec talent, d’autant plus que la légère raucité de sa voix convient à merveille au répertoire qu’elle choisit. Elle reprit donc une partie de son dernier disque dédié à de grandes dames de l’art vocal. Parmi elles Amy Winehouse (Back To Black), Janis Joplin (Mercedes Benz), Dolly Parton (Jolene) et un émouvant You’ve Got A Friend (Carole King) où la chanteuse s’installa seule au piano. 
Mais les classiques du jazz ne furent pas oubliés avec, entre autres, Joy Spring, Soulville ou Misty. A ce propos, la chanteuse nous annonça que son prochain album, prévu pour le début de l’année prochaine, serait un hommage à Ella Fitzgerald en compagnie de Kenny Barron, Peter et Kenny Washington. Excusez du peu ! Pour l’heure, Laurent Coulondre était dans le rôle du remplaçant de luxe aux côtés de Amen Saleem et Jason Brown et il fut au four et au moulin entre l’orgue et le piano, montrant que lui aussi avait le groove qui coulait dans ses veines. Il fut parfait derrière Robin McKelle qui ne tarda pas à mettre la salle dans sa poche, terminant devant un public debout qui se mit à danser. Les ankylosés du popotin et autres bégueules auraient pu voir combien la scène est son royaume, mais il n’y en avait pas ce soir-là si l’on en juge par le triomphe que le public lui réserva.

Le beau temps du dimanche permit de retrouver le parc de Baroja pour la journée Jazz sur l’herbe qui donna son nom au festival les premières années. Pour la premières fois, et pour limiter le déficit qui solde souvent les comptes de ce festival, l’entrée n’était pas gratuite mais on devait débourser cinq euros pour les trois orchestres programmés. 
Eh bien, croyez-le si vous voulez, il y eut des râleurs qui trouvèrent scandaleux de devoir payer cette obole. A croire que les musiciens et les techniciens doivent vivre d’amour et d’eau fraîche. D’accord pour payer ses achats au supermarché ou sa bière au bistrot mais la musique doit être gratuite pour ces tristes sires qui n’ont que mépris pour tous les bénévoles qui étaient là à leur service. Passons …

Si je suis arrivé trop tard pour écouter tout le concert du groupe Holocène, les derniers morceaux m’ont permis d’entendre un très bon flûtiste à la tête d’un groupe homogène qui offrait au public une musique pleine de finesse dans cette atmosphère champêtre. 
Suivait le quintet de Marie Carrié, une chanteuse qui était déjà là quelques années auparavant sous les frondaisons de Baroja. Son nouvel orchestre, sans point faible, semble mieux convenir à la jolie métisse et au répertoire de standards qu’elle a choisi. Yann Pénichou (bien connu dans le Sud-Ouest) est à la guitare, Guillaume Nouaux (qu’on ne présente plus) à la batterie, Laurent Vanhée à la contrebasse et Alex Golino au saxophone ténor pour répondre élégamment à la voix de Marie Carrié. Un quintet qui est devenu une valeur sûre.

Enfin, l’après-midi se terminait dans l’allégresse avec le Bokale Brass Band, sorte de fanfare un peu déjantée qui s’inspire des orchestres de la Nouvelle Orléans en adaptant avec goût et talent des morceaux venus d’horizons différents.

La quinzième édition de cet Anglet Jazz Festival se terminait sous le soleil et nous faisait dire que ce fut peut-être la meilleure de l’histoire de la manifestation. Souhaitons que les questions de budget n’entravent pas la mise sur pied de la seizième édition car, depuis trois ou quatre ans, ce festival a gagné sa place dans le peloton de tête de ceux de l’hexagone. Bravo !

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