Ce lundi de Pentecôte, la marche des grimpeurs a emprunté le chemin de crête d’Ainhoa pour ce jour du souvenir.
En 2019, on y célébra la restauration de la vieille chapelle traversée de gouttières et aux murs laminés par la pluie et les vents et deux années durant, ce fut le Covid et ses aléas sanitaires qui empêchèrent le rassemblement habituel en ce jour.
La chapelle éclairée, aux murs rafraîchis et disposant de l’eau, est un bijou de réhabilitation réussie par les artisans du pays : maçons, ébénistes, menuisiers, peintres et tailleurs de pierre respectant le profil patrimonial ancien du lieu.
Les portes en bois à même le matériau dans son modèle originel, point de serrure, une languette et un fil permettant d’ouvrir et de fermer l’ensemble, l’ermitage ancien respectueux de son caractère spartiate, un escalier en bois d’un style sans fioriture, et des fenêtres proches des anciennes ouvertures primitives.
Superbe dans cette restauration à l’ancienne que l’on retrouve sur les deux versants des Pyrénées, des fermes et des habitations historiques datées des siècles passés.
Dans la chapelle on découvre des œuvres d’art ajoutées et offertes par les familles des villages alentour, et un aménagement sobre, sans emphase ni exagération gardant à l’espace son naturel fermier, de bergerie montagnarde, et de refuge des pasteurs.
Nostalgie pour les uns, ohiduren plazera pour d’autres, et l’assemblée emprunte un répertoire chanté récent et calqué sur un modèle ancien :
“Mendez mende beilariak hemen ziren biltzen, gaur gu ere ama ona zure ganat heltzen.
Ainitz gira zuri ama, fidantza emanik, ezin erran zer ez dugun ukan zure ganik.
Zorigaitzez girelarik hasten kalapitan, har gaitzazu eta goxa zure besoetan.
Jesus jauna emaguzu zinesko fedea bat eginik har dezagun zeruko bidea”.
Le décor alentour s’est enrichi de la plantation de hêtres, de chênes, de platanes, non loin du massif de l’aubépine qui résiste aux assauts des emprunts de visiteurs quand à la floraison la tentation vient d’en arracher quelques branches, des tables de pierres massives, et du mobilier ajouté pour permettre le pique nique des passants, le cadre bucolique de ce lieu est attrayant.
On y observe toute l’année le passage des montagnards des plus aguerris aux amateurs du dimanche, empruntant ce chemin escarpé de cailloux préservé à ce jour du bitume, et qui résiste encore à la modernité de circonstance.
Le rachat par la commune des lopins de terre alentour donne à l’ensemble son unité charmille, chapelle, ermitage ou refuge des bergers, au milieu de poneys sauvages, de brebis et de la féérie de oiseaux qui assurent le site de ses harmoniques.
Les véhicules tous terrains existent mais ne semblent totalement bienvenus, exception sans doute pour permettre ce jour aux plus âgés de parvenir sur le site, motorisés par leurs proches.
L’abreuvoir géant aménagé depuis peu pour les troupeaux et chevaux en liberté ajoute au charme vert de cet endroit sa singularité.
Le débit court de l’eau qui sort des entrailles de la terre montrait le risque de sécheresse de saison que d’aucuns redoutent pour les mois prochains.
Le clergé paroissial de Cambo-Ainhoa assura le culte habitué de ce jour annuel cher aux habitants des versants de Dancharinea qui aiment s’y retrouver par souvenir et affection d’une histoire passée toujours active dans leurs mémoires (*).
Michel Etcheverry, présent au pèlerinage, ajouta quelques bertsus ci-dessous qui alimentaient son répertoire attaché à la terre, aux traditions, à la langue locale, aux coutumes des populations :
ATSULAI TONTOR GAINEAN
BILDU GIRA OTOITZEAN
ESKA DEZAGUN SOKORRI
ARRANTZEKO BIRJINARI
MUNDUA KEZKAN DABILA
HORTXET GOSE TA HAN GERLA
JUSTIZIA NAUZI DADIN
DENEK DUGUN OTOITZ EGIN
URTEAK JIN URTEAK JOAN
IZAN DITZAGUN GOGOAN
LUR HUNTARIK JOAN DIRENAK
GOZA DITZAN JAINKO ONAK
JAINKO JAUNA OTOI ENTZUN
ZEREN BAITUGU NORTASUN
AINHOA BEIRA DEZAZUN
BETI EUSKALDUN FEDEDUN !
(*) L’endroit est proche de la frontière… Mais ce n’est évidemment pas pour cela que l’on y a établi une chapelle. En fait, c’est parce que la tradition y place une apparition de la Vierge à un jeune berger au-dessus près d'une source qui jaillit sous un buisson d’aubépine ; une tradition en tous points semblable à celle qui prévaut pour le sanctuaire d'Aranzazu, au-dessus de l’université d’Oñate en Guipuzcoa, lieu de pèlerinage célèbre depuis le XVème siècle. Selon la coutume, le lundi de Pentecôte, une procession part de l’église Notre-Dame de l’Assomption au bourg pour se diriger vers la chapelle N.-D. d'Arantza dont l’histoire mouvementée a connu hélas plusieurs saccages : soustraite à l’ermite ainhoar Jean-Baptiste Beherecoche et brûlée pendant la Révolution française, elle avait été démolie en 1814 sous Napoléon Ier afin d’y installer une batterie de canons pointée vers l’Espagne. Il est possible que lors des guerres napoléoniennes, puis carlistes, les pèlerins du Pays Basque Nord aient été empêchés de franchir la frontière « franco-espagnole » (sauf évidemment les contrebandiers) alors qu’avant le XVIIIe siècle, de grandes foules de chez nous allaient faire leurs dévotions au sanctuaire guipuzcoan d'Aranzazu. Peut-être, les villageois avaient-ils déjà restauré la chapelle dans ce but au milieu du XIXème siècle. Alexandre de La Cerda