1 – Une frontière mouvante.
La frontière est à nouveau d’actualité dans une histoire pyrénéenne séculaire où l’enjeu militaire prévalait sur toute autre considération du temps passé.
Aujourd’hui s’agit-il de frontière sanitaire anti covid ou de frontière sécuritaire contre les risques et menaces contenues sous le signe d’un virus polymorphe ?
L’histoire passée des Pyrénées connut le destin d’une frontière tardive dans un paysage environnemental peu sécable de l’atlantique à la méditerranée.
Pour se souvenir encore du 7 novembre 1659 du Traité des Pyrénées signé entre le cardinal Mazarin au nom du roi Louis XIV après tant de guerres franco espagnoles qui rappellent les hostilités entre François 1 er Roi de France et Charles Quint.
On évoqua pour la première fois l’idée d’une paix possible après tant de déchirements entre la France et l’Espagne.
Des Celtes, des Carthaginois et leurs éléphants de mémoire historique, les Romains et leurs légions de soldats, les Vandales et leurs hordes sauvages, les Suèves, les Wisigoths, les Maures venus d’Andalousie,les Francs et les Anglais de mémoire récente traversèrent ces sommets peu hospitaliers dans le passé de cette vaste région.
Il n’y avait en ces temps de front militaire ou politique avéré sinon l’ambition hégémonique de ces envahisseurs d’occuper le sol et d’en devenir les maîtres souverains en attendant la suite de l’histoire et des occupations nouvelles, incessantes et guerrières.
Napoléon III et Isabelle II signeront un nouveau Traité dès 1856, ajouté de nouvelles réglementations en 1862 puis en derniere mouture en 1866 suivant les trois régions concernées de l’ouest, du centre et de l’est de la chaîne pyrénéenne aux profils distincts
“Les difficultés régionales” rencontrées tout le long des Pyrénées imposaient de nouvelles mesures administratives susceptibles de contenter les us et coutumes médiévales soumises aux frondes et hostilités des populations autochtones, tentées de contrer leurs entreprises novatrices.
La valeur et la durabilité de ce Traité du XIXème siècle fit ses preuves s’agissant de légiférer en matière d’agriculture, d’élevage, de propriété foncière, de rentes et de successions. La gestion de l’eau et des sources y était importante.
Mais les Fueros, ou leur équivalent provincial en chaque province attisaient les résistances face au pouvoir impérial en France comme en Espagne. On dut se résoudre à nouveau à remettre le métier sur la table, et modifier, amender, corriger ces réglementations et les adapter aux circonstances.
2 - La frontière changeait inéluctablement de physionomie et traversait les Pyrénées.
Le caractère transfrontalier du Traité de 1995 de fraîche mémoire adoptait le principe administratif des pyrénées non comme un obstacle des échanges franco espagnols, mais une garantie nouvelle d’un paysage commun et le bénéfice partagé d’un tel défi pour le futur.
Dès cette époque les Accords signés “par-delà le mur des Pyrénées” n’ont cessé de développer des projets entre les deux pays voisins.Sans vouloir faire l’impasse d’un passé guerrier dont la Guerre civile de 1936 et l’exode forcé de 450 000 espagnols et catalans vers la France, qui rappelle l’utilité d’une frontière, en situation de nécessité et de survie pour un peuple menacé.
“L’exode des juifs français en 1939-45 via l’Espagne vers l’Angleterre, l’Amérique, l’Afrique du nord, n’est pas oubliée par les familles concernées par cette épreuve de survie où le mur des Pyrénées donne en écho l’appel de la liberté retrouvée ailleurs par le passage des Pyrénées..
Les temps contemporains auraient ils modifié la donne ancienne ?
En devenant depuis peu une frontière sanitaire, doit-on renoncer à la frontière administrative assurant la sécurité des biens et des personnes ? La permanence des accords signés aux deux côtés des Pyrénées tout le long du passé bien avant cette pandémie qui perturbe la vie normale des populations préserve des garanties évidentes au bénéfice des populations ..
Il n’est pas jusqu’aux souvenirs d’un passé daté désormais où le droit ecclésiastique faisait valoir ses attributs et ses prébendes provinciales. Valcarlos et la Navarre au nord jusqu’en 1566, la vallée du Baztan, le bassin de la Bidassoa étaient placés sous la gouverne de l’évêque de Bayonne au gré de l’histoire militaire du temps.
L’histoire en changea le profil.
La frontière franco espagnole changea de visage une fois encore, élargissant les perspectives des Etats, au delà des royaumes de la géographie originelle, au fil d’une nouvelle administration dont on perçoit les grandes lignes futures dans les plans de la Commission Internationale des Pyrénées dès 1875.
Contrariés par les guerres successives tenues en Espagne, les Plans structurels ambitionnés pour le futur furent confinés à des jours meilleurs et la dite Commission qui perdit du temps, n’en perdit le crédit et le sens pour le temps à venir.
On vit apparaitre le dix mars 1985 la Communauté de Travail des Pyrénées, le Traité de Bayonne de 1996 revisité, la fondation de l’Eurocité basque Bayonne - Saint Sébastien, puis encore le Consorcio de la Bidassoa /Txingudi, sur la côte basque, enfin l’Euro - Région Aquitaine Euskadi qui n’a cessé de se développer par la suite du côté de la Navarre et de l’Aragon..
L’Agglomération Pays Basque et son chapelet de communes ajoutées ouvrant un nouvel horizon dans ce paysage administratif, la question se posera désormais du lien probable de cette institution avec les réseaux plus anciens déjà existants dans les deux versants pyrénéens ?
Une frontière administrative de moins en moins étanche, perméable aux projets se disposait désormais à des avancées franco espagnoles sur le terrain.
Dans un horizon plus large le GECT Pyrénées Méditerranée embrassait encore d’autres ambitions pour le futur.
Le Traité de Bayonne porte encore ces visions dans la durée, en projetant une coopération transfrontalière élargie entre les Collectivités territoriales, et en France et en Espagne. La pandémie actuelle peut–elle contrarier ces ambitions à long terme ?
La question n’est pas exclue, et s’ajoute aux urgences sanitaires comme une presse économique aux retombées inéluctables.
Le Département 64 des Pyrénées Atlantiques dispose de 28 Communes frontalières avec l’Espagne, et la frontière balisée de 602 bornes en surface du sol longe les 623 kilomètres de distance qui séparent l’ouest et l’est de la chaine pyrénéenne.
A la veille d’élections départementales prochaines, il est permis de s’interroger sur des sujets connexes qui se posent à frais nouveaux, dans un contexte sanitaire aux conséquences imprévisibles !