Afin de célébrer la mémoire de Polentzi Guezala pour la date anniversaire de sa naissance - le 20 novembre - et pour la fête du Christ Roi, l’église Notre-Dame du Travail (dans le XIVe arrondissement, avec des galeries rappelant les églises basques !) reçoit, comme chaque année, l’ensemble vocal Anaiki – formé de Basques de Paris - dirigé par Jean-Marie Gezala, également directeur de l’espace culturel parisien « Jemmape ». Il s’agit précisément du fils de l’illustre txistulari Polentzi Gezala, pour qui, ainsi que pour leur membre récemment disparu Robert Curutchet, les choristes ont interprété « Euzkel Mezea » de Ruperto Iruarrizaga, accompagnés à l’orgue par Jean-Philippe Navez qui en est le titulaire.
Le nom de Polentzi Guezala, aux sonorités quelque peu étranges pour le petit garçon que j’étais à Biarritz, restera à jamais lié à un merveilleux microsillon 33 t que ma grand-mère me fit un jour écouter dans notre villa Ibañeta, ce devait être l’été 1958. Ce disque enregistré quelques années auparavant marquait la participation du célèbre musicien à « l’épopée » de Philippe Oyhamburu et de son groupe Etorki, témoin d’une volonté de professionnalisation qui constituait pour l’époque un défi peu commun. Ne lisant certes pas « Combat » à cet âge-là, je ne savais pas que le critique du quotidien avait comparé « à du Jean-Sébastien Bach les extraordinaires variations au txistu de Polentzi Guezala sur « Kontrapas d’Intxausti », d’une habileté folle » !
Plus tard, lorsque je créais Radio-Adour-Navarre, c’est un autre disque d’Etorki, ainsi que celui enregistré par Polentzi Guezala pour Columbia à Madrid, peu de temps avant les débuts de la station, qui enchanteront nos auditeurs.
Or, c’est dans une famille originaire de Lezo (entre Irun et Pasajes) où la musique tenait une place primordiale que Polentzi Guezala naquit en 1919. Depuis le grand-père flûtiste, le père - directeur de l’harmonie Municipale -, la mère - adepte des kriskitin (castagnettes) -, jusqu’aux frères qui jouaient d’une multitude d’instruments, saxophone, piano, txistu, atabal (tambour), accordéon, etc. Bénéficiant de l’enseignement des plus grands professeurs du moment, Alejandro Lizaso et Isidro Ansorena, notre futur virtuose du txistu joua même à Radio Saint-Sébastien à l’âge de 8 ans et accompagna dans des tournées en Espagne et à l’étranger les plus grands groupes du moment avant d’être reconnu comme un soliste exceptionnel et parcourir les scènes du monde, du théâtre des Champs-Élysées à Paris au Carnegie Hall de New York.
Et même les écrans : ceux, « petits », de la télévision naissante, aux Pays-Bas comme en France (dans l’émission « Joie de vivre » de l’écrivain Pierre Benoît en 1956) ou les « grands », avec Brigitte Bardot dans le film « La femme et le pantin » de Julien Duvivier (1959). Cependant, le grand bonheur du musicien fut complet lorsqu’il put jouer avec ses fils, et la Chorale Anaiki dirigée par Jean-Marie avec qui il forma un duo txistu et orgue. N’avait-il pas bénéficié des œuvres et arrangements pour orgue écrits pour lui par le compositeur Tomas Garbizu, originaire comme lui de Lezo ?
La couture constitua l’autre grande occupation de Polentzi Guezala, dans le sillage de Balenciaga et pour une clientèle allant des duchesses de La Rochefoucauld aux Rockefeller.
Mais au début de cette passionnante trajectoire, n’avait-il pas connu les affres de la guerre civile en Euskadi et l’exil de sa famille abertzale ? Polentzi Guezala en avait toujours gardé une pointe de regret pour le temps béni où, malgré les tragiques événements, tous les patriotes basque étaient unis autour du président Jose-Antonio Aguirre. La Foi l’avait beaucoup aidé à surmonter ces moments difficiles, en particulier « la Vierge d’Arantzazu et le Saint-Christ de Lezo ».
En 2005, Polentzi joua une fois de plus pour le concert basco-russe de Noël à Paris ; il fit sa dernière apparition artistique le 22 décembre 2007 à Saint-Jean-de-Luz, lors du concert du vingtième anniversaire d’Anaiki, avant de s’éteindre deux mois plus tard.
Alexandre de La Cerda