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Histoire
Vincent Depaul : l’anniversaire d’un grand saint landais
Vincent Depaul : l’anniversaire d’un grand saint landais
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| Alexandre de La Cerda 1245 mots

Vincent Depaul : l’anniversaire d’un grand saint landais

Les éphémérides nous rappellent que le 24 avril 1581, naissait entre Dax et Pontonx, au village de Pouy qui porte maintenant son nom, et au sein d’une modeste famille de paysans landais, Vincent Depaul, une grande figure spirituelle de notre région dont le buste orne même à Biarritz la façade de la Villa Eugénie devenue l’hôtel du Palais. Et le 25 avril 1830, les reliques de saint Vincent de Paul étaient transférées rue de Sèvres, à Paris, dans la chapelle des Lazaristes.

Ordonné prêtre en 1600 après avoir étudié à Dax et à Toulouse, Vincent Depaul avait été capturé par des pirates maghrébins au cours d’un voyage entre Marseille et Narbonne ; il resta plusieurs années prisonnier comme esclave à Tunis. D’où l’œuvre qu’il a créée dans le but d’adoucir le sort des esclaves et de rétablir un lien avec leurs familles.

On l’ignore généralement mais à cette époque, aux XVIe et XVIIe siècle, les esclaves européens razziés par les barbaresques furent plus nombreux que les Noirs déportés aux Amériques. Montés sur des navires rapides et bien armés, les maghrébins sillonnaient les mers, faisaient la chasse aux embarcations qu'ils rencontraient, les pillaient, massacraient ceux qui tentaient de se défendre et conduisaient les autres en esclavage.

Or, ces événements ne se limitaient pas à la Méditerranée et notre région n’était guère épargnée. Les églises Saint-Martin à Biarritz et Saint-Nicolas à Capbreton rappellent ces sombres épisodes et les rançons payées aux pirates maghrébins pour libérer les marins biarrots réduits en esclavage après leur capture. Dans son livre sur l’église et le cimetière Saint-Martin à Biarritz, Monique Rousseau relate que : « la communauté de Biarritz accordait 200 livres à la femme de Pétriquo pour régler une partie de la rançon de son mari captif en Barbarie, c’est-à-dire en Afrique du Nord. Egalement, divers prêts et le produit des quêtes aux offices contribuèrent au rachat de Pierre de Burgaronne et d’autres Biarrots. En 1787, la veuve de Barthélemy de Gramont lègue 30 livres pour la libération des prisonnier ». Il y eut aussi des Capbretonnais esclaves des barbaresques : on a ainsi gardé la trace d'offices funèbres, en 1676, pour Etienne Balanquer, 28 ans, esclave à Tripoly. En 1679, pour Etienne Batailler, 13 ans, esclave au Maroc. Pour Joseph Dangou, mort « à Marroque en Barbarie ». Il y avait à Capbreton une « Confrérie des Captifs » chargée de récolter les fonds pour libérer les otages. Des récipients destinés à recueillir les dons pour racheter la liberté de ces captifs étaient attachés à des confréries. La plus connue était la Confrérie de Notre-Dame fondée en 1492 en l'honneur de N-D de Pitié, patronne des marins de Capbreton et les prières se faisaient autour de la Piéta actuellement sous le porche. Précisément, sous le porche d’entrée de l’église de Capbreton, on peut encore voir des plaques qui rappellent la destinée d’un moussaillon prisonnier au Maroc et mort à l’âge de 13 ans, et de pas mal d’autres. Sous Louis XIV, les corsaires barbaresques (essentiellement algériens) abordaient nos bateaux, pillaient les marchandises et massacraient ceux qui se révoltaient. Ils prenaient les autres en otages : Etienne Mirambeau, venant de Cadix, tué d'un coup de mousquet par un corsaire d'Alger ; Louis Siquart, racheté pour 39 piastres ; vers 1723, dépenses de 23 livres à un homme venant de Turquie où sa femme était allée le racheter. Le futur saint Vincent de Paul écrivit le 17 octobre 1653 au consul français à Alger : « Je vous prie de me mander ce que vous avez fait pour les esclaves desquels je vous ai envoyé les Rédemptions, savoir pour quatre de Capbreton nommés Beauregard, Desené, Campan et Douslieux »...

Et le sort de ces esclaves biarrots ou capbretonnais n’était pas enviable : avant d’être attelés à des tâches particulièrement dures aux galères ou à l’extraction de pierres, ils avaient subi des coups à l’aide de cordes à nœuds et des humiliations telle que l’obligation de se dénuder et de défiler devant leurs nouveaux maîtres pour être mieux soumis. Dans les oasis, l'esclave était surtout utilisé pour creuser les puits et les canaux d'irrigation. Il travaillait du coucher au lever du soleil et recevait en échange un plat de couscous. A la fin du XVIIIe siècle, la moitié des esclaves chrétiens d’Alger vivaient dans des bagnes publics. Les conditions d’existence y étaient extrêmement dures : il y régnait un climat de violence, notamment sexuelle.

L’espoir de libération pour tous ces prisonniers chrétiens en Afrique du Nord, c’était, entre autres, l’ordre religieux des Trinitaires qui récoltait des aumônes pour le rachat des esclaves européens et se rendait en Afrique du Nord pour s’assurer de leur libération. Les Trinitaires étaient d’ailleurs, pour cette raison, présents à Biarritz comme en d’autres ports de la côte basque. Tout comme l’œuvre créée par saint Vincent de Paul s’efforçait d’adoucir leur sort et de rétablir un lien avec les familles des esclaves.

Après plusieurs années d’esclavage à Tunis, Vincent de Paul réussira à s’évader. De retour en France, il demeura pendant vingt ans prêtre de paroisse et précepteur dans la puissante famille des Gondi qui fournirent plusieurs archevêques de Paris et des généraux des Galères royales. En 1617, il créa la première Confrérie de la charité, composée de dames aisées travaillant pour les pauvres et les malades avant de s’intéresser au sort des esclaves. Devenu aumônier général des galères en 1619, il s'efforça d'apporter tous les soulagements possibles aux esclaves.

Son influence spirituelle auprès d'Anne d'Autriche et surtout le développement de ses œuvres de charité feront de Vincent Depaul le grand saint du XVIIème siècle.

On peut visiter sa maison reconstruite transformée en chapelle dont un des côtés s'appuyait contre la chambre du saint. C'est à proximité qu'il gardait le troupeau, à l'ombre du fameux chêne.

En 1750, une chapelle évocatrice du prestige du Saint fut édifiée à une vingtaine de pas de la maison de Ranquine. En 1851 est posé la première pierre d'une grande chapelle de style romano-byzantin. Elle fut inaugurée en 1864.

Vincent-de-Paul a donné son nom à la DePaul University à Chicago dans l’Illinois aux États-Unis qui est une des dix plus grandes universités privées américaines avec 24.000 étudiants.

On peut encore citer la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul à Tunis où précisément, il a été vendu comme esclave lorsqu’il était jeune prêtre. Et les amateurs de ciné-club se souviendront du « Monsieur Vincent » où Pierre Fresnay tenait le rôle de Saint Vincent de Paul et on y voyait apparaître pour la première fois le jeune Jean Carmet. Ce film avait été tourné en 1947 par Maurice Cloche, pour les amateurs de ciné-club, c'est le réalisateur de « Ces dames aux chapeaux verts »...

L’épisode de l’esclavage de Vincent Depaul n’est pas loin de rappeler celui du célèbre écrivain espagnol Miguel de Cervantès, lui aussi détenu comme esclave entre 1575 et 1580 dans les chiourmes musulmanes après avoir été capturé - devant les Saintes-Maries-de-la-Mer - par des Barbaresques ottomans d’Alger. Tombé aux mains de Hassan Pacha (un renégat italien), il tentera de s’échapper à plusieurs reprises, mais sera repris chaque fois. Et réduit, aux côtés de milliers d’autres esclaves chrétiens à la pire des misères.

Au-delà de la destinée de notre saint landais et des aventures de l’écrivain espagnol, on gardera le témoignage de ce XVIe siècle où la Méditerranée, infestée d’esclavagistes musulmans (qui s’aventuraient jusqu’à nos côtes atlantiques), était devenue un cauchemar pour les chrétiens. On aurait tort de croire que ce que nous racontent Saint Vincent de Paul et Cervantès n’est plus d’actualité...

Alexandre de La Cerda

 

 

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