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Histoire
"Valeurs républicaines" (1) : la nuit du 4 août 1789 abolit nos libertés basques & gasconnes
"Valeurs républicaines" (1) : la nuit du 4 août 1789 abolit nos libertés basques & gasconnes

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"Valeurs républicaines" (1) : la nuit du 4 août 1789 abolit nos libertés basques & gasconnes

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Le serment du Jeu de paume (Haut-relief en bronze de Léopold Morice ©
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Cette mémorable nuit du 4 août 1789 fut, nous dit-on, celle durant laquelle « tous les privilèges » et le Régime féodal furent abolis.
Tout avait commencé par l’adoption d’un nouveau règlement de l’Assemblée nationale. Aux séances du matin s'étaient ajoutées celles du soir, poursuivies jusqu’à une heure très tardive afin de démobiliser ceux que l’on ne tenait pas informé des « motifs cachés » des propositions de loi. Dans la foulée, un nouveau Président fut élu qui, selon Camille Desmoulins, « se fit une affaire capitale de réduire ses adversaires à l’inertie en faisant aller la sonnette soir et matin […] ce fut un trait de génie et c’est à cette conduite que nous devons les grands évènements de sa présidence et la nuit du 4 août ». Le parti des abolitionnistes partait avec des atouts en main face à une assemblée qui n’était pas acquise à leurs causes sur ce point.

Avant d’entamer les débats du soir, une opération de "manipulation" (les anglophiles évoqueraient du "lobbying") à l’intention des députés fut organisée sous la forme de grands dîners offerts par les partisans de l’abolition. « Un festin splendide tel que Louis XIV, dans les jours de sa plus grande magnificence, n’en donna pas un semblable. Toutes les sortes de vins y furent servies. L’orgie dura jusqu’à neuf heures du soir », notera Camille Desmoulins dans son journal. Avant de poursuivre : « de tous les députés qui avaient dîné chez les ducs d’Aiguillon ou de Liancourt, il n’y en eut pas un seul qui ne se trouvât en état de complète ivresse. Les Voidel, les Chapelier, les d’Aiguillon avaient tellement bu que le vin leur sortait des yeux en pleine assemblée ».

C'est dans ces conditions qu'en une sorte de vertige, "ce fut à qui proposerait d’immoler un privilège. Après les droits seigneuriaux, la dîme, qui avait cependant pour contrepartie les charges de l’assistance publique ; après la dîme, les privilèges des provinces, des communes, des corporations. Dans cette nuit de panique plutôt que d’enthousiasme, on abolit pêle-mêle, sans discernement, les droits, d’origine historique, qui appartenaient à des Français nobles et à des Français qui ne l’étaient pas, ce qui était caduc et ce qui était digne de durer, toute une organisation de la vie sociale, dont la chute créa un vide auquel, de nos jours, la législation a tenté de remédier pour ne pas laisser les individus isolés et sans protection".

Et pour nous, dans les provinces basques et en Béarn/Gascogne, la nuit du 4 août 1789, qualifiée dans tous les livres d'histoire depuis la IIIème république jusqu'à nos jours d’« événement fondamental de la Révolution française, puisque l'Assemblée constituante proclamait la fin du régime féodal et de ses privilèges », sonna en réalité le glas de tous les us et coutumes propres à chaque province du royaume.

Déportation des Basques sous la terreur
Déportation des Basques sous la Terreur © DR
Déportation des Basques sous la terreur

Le système féodal n’avait-il point été supprimé peu de temps auparavant, entre le 20 juin 1789, date du serment du jeu de paume, et le 27 juin, lorsque les trois états s’étaient réunis en Assemblée nationale ? 
Or, les souverains français avaient coutume de considérer, par opposition au « peuple français » cher aux idéologues révolutionnaires, « les peuples de France », en fonction de la diversité des traditions, des langues et des cultures des provinces de France. Et des « Privilèges », étymologiquement « lex privata », ou lois privées. 
Chaque décision royale devait-elle ainsi être enregistrée par les Parlements provinciaux pour avoir force de loi localement, selon un système prétendant à un certain équilibre malgré d’inévitables abus et la progression d’un certain centralisme dans l’air du temps.

Le 4 août 1789, l’abolition de ces « gardes fous » avec la suppression des parlements, des statuts particuliers, des franchises, libertés et coutumes provinciales infligea à tout le pays les décisions parisiennes : s'ensuivirent, entre autres, l’éradication par la violence des langues régionales – malgré une traduction occasionnelle en basque, du moins au début de la Révolution, des dispositions les plus importantes de la nouvelle législation - et un nouveau découpage administratif faisant fi de l'histoire locale et des bassins de vie...

En prélude, hélas, à la dramatique Terreur qui s'emparera du pays tout entier en étant à l'origine de la déportation en 1792 d'une bonne partie de la population du Pays Basque, femmes, enfants, vieillards et grabataires inclus : voyez mon livre "La déportation des Basques sous la Terreur" qui vient d'être réédité chez Cairn. 

Mais il n'y a pas qu'au Pays Basque, en Béarn ou en Gascogne : l’abolition des privilèges féodaux a eu par exemple des répercussions profondes sur l’autonomie bretonne. La dissolution des États de Bretagne avait entraîné la perte d’un organe représentatif crucial pour la région. De plus, les réformes administratives qui suivirent ont intégré la Bretagne dans un réseau national de départements, réduisant encore son autonomie politique. 
La Révolution française et l’abolition des privilèges accélérèrent le processus de centralisation de l’État, au détriment des particularismes bretons, en particulier linguistiques. Les institutions provinciales furent progressivement affaiblies et les pouvoirs locaux réduits.

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