Beat Wampfler, vétérinaire et fromager, élève son emmenthal en musique. Sa théorie, dont l'application est suivie de près par des musicologues avertis, consiste à produire des sons à des fréquences différentes pour provoquer des maturations diverses de la croûte de ses fromages. "Sans mentir, si votre ramage se rapporte à votre plumage"...
Je suis convaincu que cette recherche doit déjà faire phosphorer chez Ossau-Iraty, Etorki, Saint Michel ou Agur. Il n'y a aucune raison pour que ce qui vaut au pied des Alpes ne vaille pas chez les Basques, "ce petit peuple qui chante et danse au pied des Pyrénées", aurait dit Voltaire.
Comment un pays dont le chant et la musique font autant partie de la culture resterait-il sourd à cette démarche ? Des premiers conseils me sont venus en tête en regardant le reportage télévisé hier soir sur ce petit Suisse qui deviendra grand, à l'attention des grandes maisons fromagères du Pays Basque.
Elles me reprocheront peut-être de faire tout un fromage d'un coup plus médiatique que véritablement fondé sur la réalité de leur métier. Mais, sans passer pour le mouton noir, je leur suggère tout de même quelques propositions d'expériences dont ils feront ce que bon leur semble, mais qui devraient ouvrir des champs de réflexion dans leurs services "recherche et développement".
Pourquoi, par exemple, ne pas installer dans leurs séchoirs une ou deux étagères diffusant "Fandango du Pays Basque" de Luis Mariano. Un fromage qui reposera sur cette musique va forcément être traversé d'ondes festives et tendre vers une pâte "simple et fantasque".
Sans aller jusqu'au "Maréchal nous voilà !" d'André Dassary qui risque de figer le lait dans l'instant, il y a fort heureusement d'autres titres dans la discographie de l'autre grand ténor basque, tel "L'anneau d'or" qui devrait donner une belle couleur ensoleillée au produit. Son "Ramuntcho" pour les fromages mieux lotis, serait idéal.
Un rayonnage Oldarra pour des tommes moelleuses à choeur ? Une berceuse basque pour les brebis à fort caractère ? Un Pan y Toros pour les plus vaches ? La Baiona Banda plein pot pour les croûtes trop molles ou pas trop fêtes ?
Quelques fromages posés sur "Le dimanche à 15 heures" de David Olaizola devraient aussi ravir le palais, pour peu qu'on les serve avec de la confiture de cerise d'Itxassou bien sûr !
Un rayon Michel Etcheverry diffusant "Allez-y les petits !" devrait favoriser l'accélération de la maturation des fromages les plus frais. Une autre partie du même rayon pourrait envoyer son "Aupa BO " pour éloigner les souris et éviter les cris de la femme à son compagnon, un jour de visite de la fromagerie, du style "Ah Guy ! les rats !"...
Les fromages de l'Abbaye de Bellocq devraient au plus vite être posés sur des baffles proposant l'intégrale des œuvres du Père Donosti. Une méthode susceptible de ridiculiser à jamais la concurrence tapageuse du Chaussée aux Moines.
Une expérience plus rock s'imposerait aussi avec une étagère Niko Etchart, histoire de voir, avec des vibrations beaucoup plus fortes, comment la crème évolue sous le teint.
Ne soyons pas chiens en laissant le véto suisse avancer seul sur ce chemin expérimental. Il est sans aucun doute hardi, soyons gasna !