Le 8 janvier 1713, décédait à Rome l'un des violonistes et compositeurs les plus influents de l'époque baroque, Arcangelo Corelli.
Corelli illustre en effet mieux que personne l'épanouissement de l'art du violon et toute son œuvre y est consacré.
Né en 1653 à Fusignano en Italie, Arcangelo est le cinquième enfant d'une famille aisée de propriétaires terriens. A l'âge de treize ans, il part à Bologne étudier le violon avec deux célèbres violonistes Leonardo Brugnoli et Giovanni Benvenuti dans la prestigieuse Academia Filarmonica.
Se fixant à Rome dès 1775, il est repéré grâce à ses qualités de violoniste virtuose. Placé sous le patronage de mécènes influents comme la Reine Christine de Suède, Corelli profite d'un mode de vie aisé pour parfaire son écriture musicale et composer.
Si l’influence de Corelli est considérable sur la musique du XVIIIème siècle, sa musique d’une beauté sans égal est un exemple d’équilibre et de pureté. Il fut à la fois l’initiateur et le diffuseur de formes nouvelles, comme la sonate à trois ou le concerto grosso (concerto à plusieurs instruments concertants ou concerto pour orchestre) ainsi qu’un des fondateurs majeurs de la technique de violon “moderne”. Un violon qui chez Corelli ne recherche pas une virtuosité démonstrative comme parfois chez Vivaldi, mais qui requiert excellence et inspiration par ses subtiles techniques d’ornementation.
La production d'Arcangelo Corelli est peu abondante puisque toutes ses compositions se résument en six numéros d'opus comprenant chacun 12 œuvres, mais il porte à l'excellence les jeux de la sonate à trois, dans quatre séries de recueil, publiés entre 1681 et 1694.
Dans ses sonates à trois, Corelli fait dialoguer les deux violons en arabesques souples, dans un registre moyen chaud et expressif, accompagné par un continuo (violoncelle et clavecin). Pour lui, le violon s'impose comme l'équivalent instrumental de la voix humaine dont il ne doit pas dépasser les limites. Il réussit en outre une fusion parfaite de l'ancien style polyphonique encore présent dans la musique d'église de son temps, et du nouveau style de la monodie accompagnée influencée par l'opéra.
Je vous propose d 'écouter la sonate da Chiesa (d 'église) n° 10 op.3 où l'on appréciera la pureté et l'expressivité de la ligne mélodique, la volonté de rester dans les limites de la tessiture vocale avec un souci de simplicité dans l'exploitation des ressources du violon.
https://www.youtube.com/watch?v=s1Ka-eFVfJQ
L'équilibre de l'écriture est tel que ses œuvres ont une répercussion sur toute l'Europe baroque, aussi bien en France, qu'en Angleterre ou en Allemagne. Il en est de même pour le concerto et concerto grosso, formes instrumentales que Corelli fit "dialoguer avec les anges" et que bon nombre de compositeurs tels que Jean- Sébastien Bach, Georg Philipp Teleman ou Benetto Marcello prirent comme modèle.
Bien qu'il n'ait pas inventé le genre, c'est assurément Corelli qui donnera sa forme la plus parfaite au concerto grosso. Cette forme musicale consiste en un dialogue entre, d'une part les instruments solistes regroupés en "concertino", d 'autre part, le "ripieno" (le "remplissage"), c 'est à dire les autres cordes qui interviennent dans les passages "tutti".
Le concerto grosso se divise en deux catégories : le concerto da Chiesa, qui, s'il ne peut être considéré comme de la musique religieuse, était destiné à être joué dans les églises, et le concerto da Camera (de chambre) joué en dehors des églises, écrit comme une suite de danses.
Les concertos grosso de Corelli méritent tous une grande considération. Le plus célèbre est le 8ème intitulé "Pour la Nuit de Noël", mais je vous propose d'écouter un extrait du 4ème concerto op.6, en ré majeur, une tonalité lumineuse ; de quoi nous donner du soleil dans nos cœurs.
https://www.youtube.com/watch?v=RFUFWOx6760
L'influence de Corelli ne s'est pas limitée au domaine des instruments à archet. Pour nous en tenir à la France, c'est le renom de Corelli, le bruit fait autour de sa jeune gloire, qui suscita non seulement la curiosité mais une véritable attirance vers la musique italienne : d'où le pastiche qu'en fit le compositeur François Couperin, pastiche (Sonate en trio qui a pour nom : le parnasse ou l'Apothéose de Corelli) dont le succès déclencha une série d'imitations, et ensuite l'essor d'une école française de violonistes-compositeurs tels que Jean-Marie Leclair, François Francoeur, Louis-Gabriel Guillemain, ou encore Pierre Gaviniès... dignes de supporter la comparaison avec nos clavecinistes, nos organistes et nos luthistes.
Une autre influence bénéfique est à mettre à l'actif de Corelli. Tous les témoignages contemporains s'accordent à mettre en lumière sa personnalité humaine, son rayonnement spirituel, sa culture, son sérieux et son raffinement. Cet ensemble de vertus lui avait valu d'être accepté par l'aristocratie romaine, et sa situation morale était telle que des étrangers de marque, même non musiciens, tenaient à lui être présentés. On put noter un changement notable dans la condition sociale des violonistes, considérés jusqu'alors, en France et en Angleterre, comme des laquais. C'est à Corelli et à la vogue de la sonate, intimement liée à son nom et à sa gloire, que le violon fut admis dans les cercles musicaux mondains.
Ecoutons pour terminer un extrait de Parnasse, ou L'apothéose de Corelli, composé par F. Couperin en 1690.
https://www.youtube.com/watch?v=fnJr8SsPam4
Corelli, charmé de la bonne réception qu'on lui avait fait au Parnasse, en marque sa joie. Il continue avec ceux qui l'accompagnent. Les Esprits Animaux: Tomoe Mihara & Javier Lupiáñez, violins Roberto Alonso, violoncello Patrícia Vintem, harpsichord - www.lesespritsanimaux.com - www.facebook.com/Lesespritsanimaux