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Cinéma
Tre piani (119’) - Film italien de Nanni Moretti
Tre piani (119’) - Film italien de Nanni Moretti

| Jean-Louis Requena 799 mots

Tre piani (119’) - Film italien de Nanni Moretti

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Nanni Moretti et l'équipe du film "Tre Piani" ©
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"Tre Piani" ©
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Une nuit, dans un quartier bourgeois d’une ville italienne. Dans son appartement, Monica (Alba Rohrwacher), enceinte, est prise par les douleurs de l’enfantement. Paniquée, elle sort précipitamment de l’immeuble endormi. Une voiture surgit à toute allure, percute une passante et s’encastre au rez-de-chaussée de la bâtisse. Un jeune homme ivre, inanimé, est au volant : Andrea (Alessandro Sperduti), le fils unique de Vittorio (Nanni Moretti) et de Dora (Margherita Buy), tous deux juges logeant au troisième étage de l’immeuble. Andrea a détruit le bureau du couple qui occupe le rez-de-chaussée ainsi que l’appartement du premier étage : Lucio (Riccardo Scamarcio), Sara (Elena Lietti) et Francesca, leur fille de sept ans. Tous les occupants de l’ensemble, brusquement réveillés en pleine nuit, sortent dans la rue, sous le choc. Au matin, les activités journalières reprennent. Lucio et Sara confient, comme souvent, leur fille Francesca au couple âgé, sympathique, Renato (Paolo Graziosi) et Giovanna (Anna Bonaiuto), qui loge au premier étage sur le même palier. Monica est partie dans une clinique pour accoucher. Elle se sent solitaire, désemparée, loin de tout. Son mari, Giorgio, un ingénieur, est souvent absent : il fait de longs séjours à l’étranger.

Dans l’immeuble bourgeois à trois étages et quatre appartements, les occupants forts dissemblables, en âge, en profession, semblent vivre en bon voisinage … L’accident mortel d’Andrea, il a tué la passante, a dérèglé le bon ordonnancement de cette paisible proximité. Les habitants vivent, en quelque sorte, dans leurs couloirs temporels au fil des jours. Seuls Lucio et Sara confient, avec quelque inquiétude, leur fille Francesca à leurs voisins de palier, Renato et Giovanna toujours amicaux, disponibles. Cependant, Renato, vieillard alerte, semble par moments perdre ses repères.

Les citadins de l’immeuble bourgeois cohabiterons encore une décennie ensemble. D’autres histoires naîtront …

Tre piani (119’), le dernier opus de Nanni Moretti (68 ans), son 13ème long métrage de fiction était très attendu car son œuvre précédente Mia Madre (2015) est antérieure de six ans. Le réalisateur italien a été « découvert » par le public français dès son quatrième film : La messe est finie (La messa è finita – 1985). Depuis ses films suivants ont rencontré un large succès en France : Journal Intime (Caro Diaro – 1993), La Chambre du fils (La Stranza del figlio – 2001, Palme d’Or au Festival de Cannes). Nanni Moretti un réalisateur attachant, au parcours singulier (il est son propre producteur), a réussi à survivre à l’effrondrement spectaculaire du cinéma italien après trois décennies glorieuses (1945-1975) ou ce dernier a dominé dans tous les genres cinématographiques (drames, comédies, péplums, westerns, gores, etc.), le cinéma mondial, à la fois quantitativement et qualitativement. L’inventivité cinématographique était transalpine et son marché mondial ! Pour sa part, le réalisateur romain, revendique un « cinéma humaniste » et politique qui met le doigt sur les plaies de la société italienne contemporaine avec une pertinence et un humour teinté d’une douce ironie : Palombella Rossa (1989) water-polo et souvenirs du P.C.I (Parti Communiste Italien) ; Aprile (1998) les élections générales de 1996 ; Le Caiman (Il Caimano – 2006) Silvio Berlusconi au pouvoir.

Pour la première fois, Nanni Moretti a délaissé la rédaction d’un scénario original pour adapter avec l’aide de ses deux complices habituelles, Valia Santella et Federica Pontremoli, le roman de l’israélien Eshkol Nevo Trois Etages (Edition Gallimard - 2018). Le roman racontait trois histoires distinctes dans un immeuble de Tel-Aviv. Les scénaristes italiens ont gardé la structure ternaire de l’habitat collectif mais en faisant en sorte que les parcours physiques, émotionels, des habitants finissent par s’entrelacer les uns aux autres. Cependant, la narration de ce film choral reste d’une grande fluidité : Nanni Moretti nous impose une mise en scène transparente, sans aucun artifice : il enregistre les scènes qui se succèdent, frontalement, avec une grammaire visuelle réduite à l’essentiel : pas de caméra à l’épaule, pas de travelling biscornu, pas d’axes compliqués, juste des champs contre champs lors d’échanges verbaux … et quelques gros plans signifiants. De fait les personnages apparaissent à l’écran dans leur nudité affective, sentimentale, sans apprêt, presque sans secret …

Nanni Moretti a réalisé Tre Piani en 2019 avant que la pandémie de Covid 19 ne s’abatte sur l’Europe. Son film devait être sélectionné au Festival de Cannes 2020 … qui n’a pas eu lieu. De fait, Tre piani a été présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 2021 (décalé du 6 au 17 juillet). A la fin de la projection le film a reçu une ovation de 11 minutes, une des plus longues de mémoire de festivalier. C’était sans compter sur le jury présidé par l’américain Spike Lee.

Tre piani est revenu bredouille de Cannes. C’est fort dommage. Nanni Moretti désappointé fera une saillie humoristique : « c’est un autre film qui gagne, dont le premier rôle tombe enceinte d’une Cadillac (Titane de Julia Ducournau, ,Palme d’Or 2021). Tu vieillis d’un coup. C’est sûr ».

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