C’est à l’invitation du Lions Club International Saint-Pée/Pays Basque que la Compagnie Théâtrale du Phénix jouera la pièce « Topaze » de Marcel Pagnol. Cette soirée, à but humanitaire, aura lieu ce samedi 21 octobre à 20h30 à l’Espace Culturel Larreko de Saint-Pée-sur-Nivelle. L’argument : professeur émérite, modeste, et rigoureux, Monsieur Topaze sombre insensiblement mais inexorablement, dans l’immoralité et la prévarication : il devient l’homme de paille d’un homme de fer, à la faveur de multiples rebondissements et retournements de situation, bien servis par un verbe d’une exceptionnelle virtuosité… Selon la formule consacrée, « toute ressemblance avec des personnages ou des faits passés, présents ou futurs n’est que pure coïncidence » !
Il y a 90 ans, le 9 octobre 1928 la pièce de Pagnol était créée au Théâtre des Variétés à Paris en remportant immédiatement un grand succès : elle sera jouée pendant trois années de suite et apporte la consécration à son auteur.
Il n’est pas inutile de revenir sur quelques aspects peu connus de l’écrivain, dramaturge et cinéaste provençal, particulièrement attaché à sa terre natale, à sa culture et à sa langue : « ma grand-mère et mon grand-père ne parlaient que le provençal », confiait-il dans une interview en ajoutant à propos de son œuvre : « Si j'avais été peintre, je n'aurais fait que des portraits ». Peintre de la nature humaine, précurseur du portrait psychologique et artisan de la mise en valeur de la culture régionale et provençale, il a légué à la postérité des portraits vivants des personnages de son enfance. « L'accent ne constitue pas, chez Pagnol, un accessoire pittoresque, une note de couleur locale, il est consubstantiel au texte et, par là, aux personnages », notait un de ses critiques.
Marcel Pagnol ? Un acteur talentueux et incontournable des cultures régionales et de la civilisation latine dans ce qu’elle a de plus universelle : « certaine lumière spirituelle » chère à Saint-Exupéry. « La civilisation, disait-il, est un lien invisible, parce qu'elle porte non sur les choses mais sur les invisibles liens qui les nouent l'une à l'autre ». En Provence, ce peut être Mistral ou Campra, comme le déjeuner à la ferme sous les oliviers. Le grand Dante et le chevrier que le petit Marcel Pagnol croisait sur les sentiers du Garlaban. On l’imagine pourfendre certain vandalisme des tenanciers du « Mammouth » de la rue de Grenelle s’employant à tuer « les humanités », comme dans cette interview où l’académicien évoque sa traduction des « Bucoliques » de Virgile et des rapports latin-provençal :
« - On dit que [...] le latin est une triste chose bien inutile, qu'en pensez-vous ?
- Il serait très dangereux de supprimer ce que l'on appelle les humanités". [...] Tous mes camarades qui étaient en latin-sciences sont passés devant ceux qui n'avaient pas fait de latin. [...] Il me semble qu'il y a deux sortent de gens : ceux qui savent le latin et ceux qui ne le savent pas. [...]
- Croyez-vous que les études latines donnent une vision du monde plus large ?
- Plus large, et surtout plus humaine, ce n'est pas pour rien qu'on les appelait les humanités. Le latin, c'est la base de la culture générale, surtout pour nous autres, latins. Je pense que ce qui a fait la supériorité et le renom de l'Italie, de la France, de l'Espagne, c'est parce que c'étaient des peuples latins et on connaissait le latin encore beaucoup mieux autrefois grâce à l'énorme influence de l'Eglise.
- En supposant qu'on diminue le nombre d'heures du latin, vous croyez que l'esprit même de notre civilisation basculera ?
- Sans aucun doute » !
Sur sa tombe, en guise d'épitaphe, Pagnol fit inscrire une citation de Virgile : « Fontes amicos uxorem dilexit » (Il a aimé les sources, ses amis, sa femme)…
« Topaze » de Marcel Pagnol à Saint-Pée-sur-Nivelle le samedi 21 octobre à 20h30
Alexandre de La Cerda