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Souvenir d'une audience avec Benoît XVI au Vatican
Souvenir d'une audience avec Benoît XVI au Vatican

| Alexandre de La Cerda 1259 mots

Souvenir d'une audience avec Benoît XVI au Vatican

Notre photo de couverture représente le pape Benoît XVI rendant visite au cardinal Etchegaray (qui était accompagné de sa sœur Maité), convalescent après sa chute lors de l'agression contre le souverain pontife pendant la messe de Noël du 24 décembre 2009 : alors qu'il venait à peine d´entrer en procession dans la basilique Saint-Pierre, comble, une femme surgie du côté gauche de l´allée centrale avait sauté une barrière de sécurité pour se précipiter sur lui, s´accrochant à ses vêtements. Tombé par terre, Benoît XVI s'était promptement relevé pour continuer la cérémonie religieuse alors qu'en agressant le pape, la femme avait indirectement entraîné la chute du cardinal Roger Etchegaray, qui marchait à quelques mètres devant le pape : le vice-doyen du collège des cardinaux s'était cassé le col du fémur en chutant dans la bousculade...

C'est au début de cette même année, en février 2009, que j'avais eu l'occasion d'approcher le Saint Père lors d'un séjour à Rome dans le cadre d'une réunion de l'association des consuls honoraires dont j'étais le délégué pour le sud-ouest de la France. Un programme marathon devait entraîner les participants «aux sources de l’identité européenne» en comprenant sur trois jours de visites diplomatiques, une réception à l'Ambassade de France près le Saint Siège en présence de l'Ambassadeur, à l'époque Stanislas de Laboulaye ; la visite de la basilique Saint-Paul-hors-les-murs ; la messe à la Trinité des Monts avec le Cardinal Philippe Barbarin, puis visite et réception à la Villa Médicis par Frédéric Mitterrand, avant l'audience générale de Benoît XVI : l'excitation gagnait peu à peu l'assistance, alors que la sécurité omniprésente était sur les dents.
Chef du protocole en smoking, huissiers en jaquette et chaînette, gardes suisses en costume Michel Ange mais avec oreillettes, gardes du corps, gendarmerie vaticane… tous ayant la lourde responsabilité de protéger le Saint Père de l'enthousiasme des fidèles !
Standing ovation quand Benoît XVI fit son entrée. Parfaitement polyglotte, le successeur de Jean-Paul II adressa ses premiers mots de bienvenue au collège des cardinaux et aux pèlerins venus de Gaule : « Je suis heureux de saluer la délégation de consuls emmenés par Monseigneur Barbarin ! ». Prières, chants, allocutions se succédèrent avant la remise du cadeau préparé à son intention par l'UCHF. Et le Saint Père de bénir l'assistance, les couples de jeunes mariés, les malades, etc.
Après vingt catéchèses consacrées à l'Apôtre Paul, le Pape reprit pour cette audience la présentation des grands écrivains de l'Eglise d'Orient et d'Occident de l'époque médiévale en s'attachant à la figure de Jean, dit Climaque.

Le soir même, je rendais visite en compagnie de mon épouse au Cardinal Etchegaray, dans ses appartements du Trastevere.

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L'audience papale avec les consuls et des jeunes mariés ©
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Alexandre de La Cerda chez le cardinal Etchegaray ©
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Ce contact "rapproché" avec Benoît XVI m'avait beaucoup marqué et pendant tout son pontificat, je m'attachais à lire ses remarquables prêches, en étant particulièrement sensible, en tant que critique musical à Radio France et dans d'autres médias, aux si fines analyses du Saint-Père.
Je me souviens en particulier de ses commentaires si fins et érudits concernant un concert que lui avait offert en novembre 2011 le gouvernement de la principauté des Asturies en Espagne : l'orchestre symphonique de la Principauté avait interprété des œuvres de Falla, Albéniz, Rueda, Strauss et Rimsky-Korsakov. A la fin du concert, Benoît XVI avait, comme à son habitude, adressé quelques mots aux artistes et aux invités : 
"Ce soir, une partie de l'Espagne s'est transférée, en quelque sorte parmi nous. Nous avons pu entendre la musique de quelques-uns des plus célèbres compositeurs espagnols...et aussi de l'allemand Richard Strauss et du russe Nikolai Rimsky-Korsakov, fascinés par ce que l'on définit comme la manière d'être espagnol, de composer et d'interpréter la musique. 
C'est précisément cet élément qui unit toutes les pièces si différentes que nous venons d'entendre. Elles ont pour caractéristique la capacité de communiquer musicalement des sentiments, émotions, et même, je dirais, le tissu quotidien de la vie. Cela parce que celui qui compose selon cette manière d'être espagnol tend naturellement à mêler harmonieusement les éléments du folklore, de la chanson populaire, provenant de la vie quotidienne, avec ce que nous appelons la musique savante... 
Un autre élément ressort constamment dans ces compositions, c'est l'élément religieux dont est profondément imprégné le peuple d'Espagne. Rimsky-Korsakov, l'avait bien compris dans son magnifique Caprice espagnol qui fait appel à des chants et des danses folkloriques espagnols et inclut quelques mélodies populaires religieuses... Ce sont les merveilles de la musique, ce langage universel qui nous permet de dépasser les barrières et d'entrer dans le monde de l'autre, d'un peuple, d'une culture et qui nous permet aussi... de nous élever au monde de Dieu" !

L'art est comme une porte ouverte vers l'infini

Au cours d'une autre audience, Benoît XVI évoquait cette « voie de la beauté » dont il estimait que « l’homme d’aujourd’hui devrait retrouver la signification la plus profonde » :
« Il vous est sans doute parfois arrivé, devant une sculpture ou un tableau, des vers d’une poésie ou en écoutant un morceau de musique, d’éprouver une émotion intime, un sentiment de joie, c’est-à-dire de ressentir clairement qu’en face de vous, il n’y avait pas seulement une matière, un morceau de marbre ou de bronze, une toile peinte, un ensemble de lettres ou un ensemble de sons, mais quelque chose de plus grand, quelque chose qui «parle», capable de toucher le cœur, de communiquer un message, d’élever l’âme. Une œuvre d’art est le fruit de la capacité créative de l’être humain, qui s’interroge devant la réalité visible, s’efforce d’en découvrir le sens profond et de le communiquer à travers le langage des formes, des couleurs, des sons. L’art est capable d’exprimer et de rendre visible le besoin de l’homme d’aller au-delà de ce qui se voit, il manifeste la soif et la recherche de l’infini. Bien plus, il est comme une porte ouverte vers l’infini, vers une beauté et une vérité qui vont au-delà du quotidien. Et une œuvre d’art peut ouvrir les yeux de l’esprit et du cœur, en nous élevant vers le haut.

Mais il existe des expressions artistiques qui sont de véritables chemins vers Dieu, la Beauté suprême, et qui aident même à croître dans notre relation avec Lui, dans la prière. Il s’agit des œuvres qui naissent de la foi et qui expriment la foi. Nous pouvons en voir un exemple lorsque nous visitons une cathédrale gothique : nous sommes saisis par les lignes verticales qui s’élèvent vers le ciel et qui attirent notre regard et notre esprit vers le haut, tandis que, dans le même temps, nous nous sentons petits, et pourtant avides de plénitude... Ou lorsque nous entrons dans une église romane : nous sommes invités de façon spontanée au recueillement et à la prière. Nous percevons que dans ces splendides édifices, est comme contenue la foi de générations entières. Ou encore, lorsque nous écoutons un morceau de musique sacrée qui fait vibrer les cordes de notre cœur, notre âme est comme dilatée et s’adresse plus facilement à Dieu. [...] Ce qu’a écrit un grand artiste, Marc Chagall, demeure profondément vrai, à savoir que pendant des siècles, les peintres ont trempé leur pinceau dans l’alphabet coloré qu’est la Bible. [...] Paul Claudel, célèbre poète, dramaturge et diplomate français, ressentit la présence de Dieu dans la Basilique Notre-Dame de Paris, en 1886, précisément en écoutant le chant du Magnificat lors de la Messe de Noël. Il n’était pas entré dans l’église poussé par la foi, il y était entré précisément pour chercher des arguments contre les chrétiens, et au lieu de cela, la grâce de Dieu agit dans son cœur ».

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