Le 20 janvier, les villes de Donostia/Saint-Sébastien et d'Azpeitia célèbrent la festivité de leur patron, Saint Sébastien, au rythme des tonneaux et des tambours.
Dans la capitale du Guipuzcoa, la fête commencera le dimanche 19 en fin d'après-midi avec les groupes de musique qui animent les rues. À minuit aura lieu le hissage du drapeau par la Société Gaztelubide sur la Place de la Constitución. À partir de ce moment-là, le son des tambours et des tonneaux inondera la ville tout au long de la journée du lundi 20 janvier. Les compagnies défileront avec leurs beaux uniformes de cuisinier et de soldat de l'époque. Les hymnes de Sarriegi résonnent dans tous les quartiers jusqu'à ce que la "tamborrada" (défilé de tambours) de l'Unión Artesana mette un point final à la fête avec la descente du drapeau à minuit. Durant la journée seront également décernés le Tambour d'Or (équipes féminines de hockey et de football de la Real Sociedad) et les Médailles du Mérite citoyen Les enfants ont leur propre "tamborrada" où participent plus de 8 000 écoliers.
La « Union Artesana » (Union artisanale) célèbre cette année son 150ème anniversaire et les événements commémoratifs qui auront lieu en 2020 débuteront ainsi lors de la fête de Saint-Sébastien.
Des racines anciennes
L’origine de la Tamborrada est sans doute bien antérieure à l’époque napoléonienne et à la destruction de Saint-Sébastien par l’armée anglo-espagnole de Wellington : elle remonterait à l’an 1597, quand une épidémie de peste fit processionner les Donostiar le 20 janvier avec les reliques – aujourd’hui perdues - de Saint Sébastien entre l’église de Santa María et celle placée sous l’invocation du Saint qui se trouvait au quartier de l’Antiguo. Cette procession aurait cessé lors de la destruction de la cité par l’armée anglo-espagnole de Wellington. On lui substitua des cérémonies à l’intérieur des églises mais en souvenir de cette procession, une autre forme de défilé fut institué quelques années plus tard.
Quant à la destruction de Saint-Sébastien par l’armée anglo-espagnole de Wellington, il convient de rappeler qu’en 1813, malgré leur défaite à Vitoria qui les avait obligés à quitter l’Espagne, les Français occupaient toujours deux places fortes importantes, Pampelune et Saint-Sébastien, que Wellington décida d’assiéger. Le siège de Saint-Sébastien (en réalité, il y en eut deux) durera du 7 juillet au 8 septembre 1813 ; un siège très dur. Toutes les attaques violentes sur la ville échoueront, causant des pertes énormes chez les assaillants. De surcroît, les marins basques parvenaient à ravitailler la ville depuis la mer, en apportant des vivres, des secours et en évacuant les blessés.
Le siège de Saint-Sébastien se termina tragiquement par la destruction totale de la ville et le massacre de la population par les armées anglo-espagnoles pendant une semaine pour culminer le 31 août. Les Espagnols considéraient les Basques, surtout les Guipuzcoans, comme alliés des Français, « afrancesados » (peut-être, entre autres, à cause des promesses que Napoléon fit à Garat en 1811 d’unifier les deux parties du Pays Basque, de France et d’Espagne).
Réminiscences napoléoniennes
Pour en revenir à la Tamborrada, son défilé pourrait avoir été influencé par les armées napoléoniennes qui organisaient, dans toutes les villes qu’elles occupaient, de fréquentes parades avec ses costumes légendaires et de la musique pour impressionner les populations. Cela dit, il conviendrait de ne pas tout ramener à Napoléon : il y avait déjà un précédent de défilé militaires, avec les bataillons guipuzcoans, sorte de milice - comme en Labourd - créés en 1703 par le nouveau roi de la dynastie Bourbon, Philippe V. Cependant, l’origine précise des barils ou petits tonneaux sur lesquels frappent les participants au défilé de la Tamborrada proviendrait d’une tradition liée aux boulangers et aux porteurs d’eau du début du XIXe siècle.
Il est ainsi question de deux fontaines publiques évoquées par les historiens, Kanoieta et San Vicente, où les artisans de la cité - et plus particulièrement les boulangers très nombreux à l’époque (38 en 1841) -, avaient l’habitude de venir se servir en eau. Se trouvant là à l’aube dans l’attente de leur tour, ils s’amusaient en frappant sur leurs barils, à imiter les “rataplan” des tambours de la troupe. En 1836, le 20 janvier, jour de la Saint Sébastien, ils décidèrent de parcourir les rues de la ville au son de leurs barils et instaurèrent ainsi cette tradition, tous les ans, à la même date.
Mais il existe également une autre version qui semble réunir le plus grand nombre d’historiens : les soldats de la garnison entendirent un matin un grand vacarme autour de la fontaine. Ils y descendirent, dans la crainte de quelque danger, et n’y trouvèrent en fait que des marins en train de tambouriner sur leurs barils à sardines. Ils furent alors tellement soulagés par cette découverte qu’ils se mirent à accompagner les marins dans leur divertissement en promettant ensuite de se retrouver à la même date l’année suivante : la Tamborrada serait née.
Cependant, les armées napoléoniennes ne seraient quand même pas totalement étrangères à cette tradition : lors du siège de St Sébastien par Wellington, les Français voulaient « faire peur » à l’ennemi en provoquant beaucoup de bruit. Dans les principales musiques impériales, on trouve une utilisation importante des tambours et même des tambourinades, exécutées uniquement par les tambours, en alternant frappes des tambours et des baguettes ! D’ailleurs, dans l’armée française, le chef de la clique s’appelle le Tambour-major ! On prétend même que les premières tamborradas utilisèrent des uniformes et des tambours retrouvés dans le fort de la ville. A cela, on peut encore ajouter quelques réminiscences carnavalesques, lorsque des amis se réunissaient pour monter des animations.
Tambours, musique et gastronomie
Actuellement, la Tamborrada donostiar commence en réalité la veille de la fête de son saint patron, c’est à dire le 19 janvier, à minuit, en ouverture sur la populaire « Consti » - la place de la Constitution - où confluent toutes les tamborradas des différentes « sociedades » de la Ville qui constituent les bases du défilé. Les Donostiar sont regroupés en « sociedades », des associations entre hommes qui se réunissent de manière informelle à l’occasion d’un anniversaire, d’une bonne partie de chasse, ou plus régulièrement, par exemple le vendredi. Très répandues dans toutes les cités du Pays Basque Sud, ces « Sociedades » sont à l’origine, en particulier, d’événements gastronomiques, culturels, festifs, d’ochotes (octuors vocaux) ou de groupes musicaux – txistulariak, etc. Ils semblent avoir remplacé en ville les anciennes cidreries qui ont émigrés vers les périphéries, au XIXe siècle.
Jusque très récemment encore, il était formellement interdit aux femmes d’y pénétrer. Aujourd’hui, l’évolution de quelques « Sociedades » les y a fait admettre. Mis à part une poignée de « Sociedades » totalement mixtes, elles proposent l’accès de leurs locaux aux femmes à des jours et à des occasions bien précises.
Par ailleurs, à Azpeitia, près de 20 groupes de "tamborrada" défilent à partir de 22h pour se réunir à minuit sur la place et jouer ensemble. Outre la Marche de Saint Sébastien sonnent, entre autres, des oeuvres de Franzesena. D'autre part, quelques 500 enfants composent la "tamborrada-txiki" lors d'une journée qui se complète par la procession, "sokamuturra" (taureau encordé) ainsi que d'autres activités.