C'est une assistance infantile - où étudiants et jeunes férus de littérature et de poésie étaient bien présents - qui a suivi près d'une vingtaine d'intéressantes interventions inscrites au programme du colloque intitulé « Rosemonde Gérard, une femme de lettres enfin dans la lumière » organisé par l'université de Pau et des pays de l'Adour ainsi que la villa Arnaga, musée Edmond Rostand, et placé sous la direction d'Hélène Laplace-Claverie, professeur de littérature française à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour et Béatrice Labat, ancienne conservatrice d'Arnaga.
En avant-première s'était tenue une intervention passionnante de Christian Moulié, acteur et défenseur de la culture gasconne, créateur du Conservatoire privé des partitions anciennes, sur les racines agenaises adoptives de Rosemonde Rostand et ses liens avec le poète-perruquier Jasmin. Le conférencier confié à Stéphanie Dudézert, la nouvelle conservatrice du musée Edmond Rostand, une gravure originale représentant "Une nuit à Venise" , pièce de théâtre de Maurice Rostand jouée au Lido à Paris. Quant à Jean Dionis du Séjour, maire d'Agen, il offrit les traditionnels pruneaux d'Agen et un ballon de rugby... L'association "Les amis du poète Jasmin" offrit pour sa part le premier livre de Jacques Clouché, " Jasmin vrai" , et son dernier ouvrage " Jasmin l'enchanteur " , dédicacé par l'auteur, ainsi que des bouteilles de vin blanc, édition Jasmin, et les livres en édition limitée des dessins issus du film " Jasmin, le troubadour de la charité".
"Une ambiance formidable de fête et d'amitié avec une salle comble" , réjouit les participants...
L'adjoint à la Culture de Cambo et président des "Amis d'Arnaga", également collectionneur réputé, passionna l'assistance en dévoilant les lettres d'amour passionnées que Rosemonde Gérard avait écrites au (très) jeune compositeur Tiarko Richepin et qu'il avait acquises lors d'enchères ! Car Rosemonde était tombée follement amoureuse de ce jeune et beau militaire, fils d'un académicien ami d'Edmond Rostand, qui séduisait ses hôtes d'Arnaga lorsque, selon la description de Pierre Espil dans son ouvrage "Edmond Rostand, une vie", "sous ses doigts virtuoses, le piano à queue offert par Massenet à Rosemonde se remettait à résonner de langoureuses mélodies dont il était l'auteur"...
Et lorsqu'au début de la Première Guerre Mondiale Rosemonde apprit que "son" Tiarko avait été blessé sur la ligne de feu, elle quitta Rostand et partit immédiatement le rejoindre.
Et Pierre Espil relate : "Rentré le soir même à Arnaga, Rostand se confia à Paul Faure, avec tristesse mais sans colère. « Pouvait-elle agir autrement ? Ce pauvre diable de Tiarko a besoin, après tout, d'avoir autre chose que d'anonymes infirmières (...) Tout cela est de ma faute et je suis le dernier à avoir le droit de jeter la pierre à ma femme. Je n'ai que ce que je mérite ».
Car Rostand avait ses maîtresses, d'Anna de Noailles à Mary Marquet... Mais Rosemonde rejoignit aussitôt son mari lorsque la grippe espagnole eut raison d'Edmond Rostand !
Rappelons à ce propos la réédition chez Kilika sur l'initiative de Robert Poulou et des "Amis d'Arnaga" du livre que la femme de Lettres avait consacré en 1935 à Edmond Rostand, avec des photos et une très documentée et érudite préface d'Olivier Aubriet, mécène apprécié du musée, qui retrace la vie de Rosemonde Gérard, "aux rendez-vous de l'amour et de la plume" (dans la collection "Classiques" des éditions Kilika, - 212 pages - 18 €).
Parmi les intervenants, encore, Thomas Sertillanges, biographe d’Edmond Rostand et préfacier de l’anthologie « Les Muses françaises » de Rosemonde Gérard (d’où est extrait son poème « Azur au Pays Basque » publié dans mon article sur la Médiathèque de Cambo), avait participé, pour sa part, à la table ronde de conclusion.
Et la conclusion de l'intéressant colloque sur Rosemonde Gérard à la Villa Arnaga se déroula autour d'un verre convivial dans les merveilleux jardins de la demeure d'Edmond Rostand (notre photo de couverture), en présence de l'ancienne conservatrice, initiatrice de l'événement avant de prendre sa retraite... et de la nouvelle, souriante et épanouie, pleine d'allant pour de futurs projets : Stéphanie Dudézert !
C'est par une allusion au succès de "Cyrano" que Rosemonde Gérard débute son ouvrage sur Rostand, avec ces interrogations :
"Pourquoi ce grand rideau rouge ne cesse-t-il de se relever ? Pourquoi ces mains ne cessent-elles d’applaudir ? Pourquoi ces bravos, ces rappels, ces cris ? Pourquoi tous les visages semblent-ils transfigurés par des larmes et des sourires ?… Pourquoi ce jeune nom, qu’une voix triomphante a jeté dans la salle, s’échappe-t-il comme un oiseau de gloire pour aller courir de bouche en bouche, de soir en soir, de pays en pays ? Pourquoi la représentation finit-elle si tard ? Pourquoi, malgré l’heure tardive, tant de groupes se sont-ils formés sur le boulevard, pourquoi tant de gens causent-ils encore autour du théâtre ? Pourquoi tout semble-t-il arrêté : l’heure, la rancune, et même l’amour ? Pourquoi des amis brouillés depuis dix ans se jettent-ils dans les bras l’un de l’autre, tandis que des amoureux oublient de s’embrasser ? Pourquoi les cœurs battent-ils si vite et d’une si belle fièvre ?"
Et la réponse est bien sûr dans l'œuvre et la vie d'Edmond Rostand...