« Il est un air, pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber »…
Ces vers me revenaient à l’esprit alors que j’écoutais au Musée Historique de Biarritz le Quatuor Equinoxe. Mais je ne suivais guère Gérard de Nerval au gré de sa « Fantaisie » jusqu’à Louis XIII, préférant m’arrêter en chemin, au début du règne d’Alexandre III qui sera si bienfaisant pour la Russie, pour m’abandonner aux charmes secrets du 3ème mouvement du Quatuor n° 2 en ré majeur d’Alexandre Borodine : le sublime Andante notturno, noté si justement « cantabile ed expressivo » ! Certes, au moment de son écriture, Borodine revenait d’un voyage en Allemagne en compagnie de Liszt ; certes, comme le notent les musicologues, « il s’y montre héritier de la première école viennoise, etc. ». Mais il retrouve son épouse et l’on y découvre toutes les ressources de la tendresse - sentiment humain dans son élémentaire simplicité - dont est capable l’âme russe, au-delà même de tout accès de romantisme… Exquise mélodie au parfum authentiquement russe menée par le violoncelle d’Emile Bernard, atmosphère nostalgique et rêveuse comme ressentie dans ces grandes propriétés perdues à l’horizon indéfini d’un Empire sans limites. Le Quatuor Equinoxe a remarquablement su transmettre les couleurs si particulières et la veine mélodique de ce chef-d’œuvre, comme il avait auparavant réjoui l’auditoire avec cette réjouissante pièce de Mozart dans toute la vivacité de son adolescence. Et encore la découverte de ce beau quatuor de Luc Durosoir, bien dans la veine du passage – compliqué par ce terrible conflit de 14-18 – du XIXe au XXe siècle… Mais je cède le « clavier » à une musicologue bien plus experte que votre serviteur pour relater cette très belle soirée musicale.
ALC
Le Musée historique de Biarritz, installé dans l’ancienne église Saint Andrews, rue Broquedis, est un lieu idéal pour la musique de chambre. « Quatuor en Pays Basque » invitait, samedi 14 octobre, le quatuor Équinoxe formé de Jean-Louis Constant et Pauline Dangleterre violons, Loïc Douroux, alto et Émile Bernard, violoncelle. Le programme réunissait Mozart, Borodine et Durosoir pour un vaste parcours à travers l’histoire du genre.
Le Divertimento en ré majeur de Mozart, pièce viennoise par excellence (1772), est l’œuvre d’un jeune homme de seize ans qui fait déjà preuve d’une maîtrise de l’écriture surprenante. Les musiciens d’Équinoxe en ont donné une interprétation à la fois raffinée et vigoureuse, lyrique et virtuose, hautement stylée.
Le 2ème quatuor de Borodine déployait ensuite les splendides mélodies de ses quatre mouvements, encore embellies des sonorités riches et chatoyantes des quatre instrumentistes ; au cœur de l’œuvre, le célèbre « Notturno » touchait profondément les sensibilités.
Le quatuor Équinoxe se confirme le meilleur interprète du 1er quatuor de Lucien Durosoir. Tissée de fils aussi divers que la tendresse, l’enthousiasme ou les plus sombres sentiments, l’œuvre demande une concentration sur chaque note, chaque signe, chaque nuance ; le public était littéralement suspendu à ces phrases musicales amples, notamment dans le 3ème mouvement, Adagio extrêmement sombre. Le Scherzo quant à lui, éclairait l’œuvre d’une touche espiègle et souriante quelque peu inattendue dans ce contexte.
Tandis que la ville s’emplissait peu à peu des rumeurs, puis des cris de victoire des vainqueurs biarrots du derby, le public abandonnait comme à regret l’écrin chaleureux dans lequel les artistes du quatuor Équinoxe leur avaient offert des moments de haute qualité musicale.
Belarria Irekia