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Quand le dernier polar de Jean-Paul Alaux fait perdre la boule à la république !
Quand le dernier polar de Jean-Paul Alaux fait perdre la boule à la république !

| Alexandre de La Cerda 772 mots

Quand le dernier polar de Jean-Paul Alaux fait perdre la boule à la république !

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La boule perdue de la république (et incomplètement reconstituée) ©
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Sous la plume de Jean-Pierre Alaux, qui vient par ailleurs d'être élu maire d'Albas, le tome 7 des aventures de Séraphin Cantarel « Fontaine, je ne boirai pas de ton sang » vient de paraître au Geste Noir : l’intrigue se déroule à Bordeaux, Saint-Estèphe et sur le Bassin d’Arcachon.
Comme toujours passionnant et haut en couleur - avec un parfum d'humour et d'ironie -, érudit devrais-je même dire, tant sont précises et instructives l'analyse des personnages et la description des cadres dans lesquels ils évoluent, avec une prédisposition de l'auteur pour les beaux flacons contenant de bons millésimes "soyeux au palais", car chacun sait que "le vin signe un être civilisé"... Une lecture qui réconforte par ces temps de violence et d'ensauvagement !

Séraphin Cantarel, le célèbre conservateur du patrimoine mué en détective qui avait fait ses premières armes au musée Bonnat à Bayonne, enquête avec son archéologue d'épouse Hélène et son intrépide assistant Théo Trélissac sur un étrange meurtre commis à Bordeaux. On y apprend l’incroyable histoire de la Fontaine des Girondins de la place des Quinconces. Condamnée par les Allemands sous l’Occupation qui voulaient fondre ses 52 tonnes de bronze, elle sera sauvée par les Résistants qui détournront le convoi ferroviaire et cacheront les chevaux et statues de bronze dans une grange abandonnée de la campagne angevine. 

Quand la république perd sa boule…

Or, en faisant l’inventaire des éléments de la fameuse fontaine entreposés pendant des années dans un hangar municipal, Séraphin Cantarel s’aperçoit que la statue de la république - disposée dos-à-dos avec celle de la concorde - avait perdu une boule sur laquelle figuraient à l’origine trois statuettes représentant des vertus. Non seulement, la boule avec ses attributs était introuvable, mais qui plus est, notre héros découvrit une tête sanguinolente emmanchée sur une pique, à la manière des us et coutumes des « chers » révolutionnaires de 1789 ! Qui donc était la victime, qui étaient les coupables ?

Nul besoin de consulter quelque manuel sur Bordeaux : entre les personnages de l’intrigue et le suspense qui captive le lecteur jusqu’à la fin, tout y est pour nous faire pénétrer dans les secrets de la ville… à la fin des « années Chaban » ! On admire les mascarons des beaux immeubles XVIIIème, il est question de Toulouse-Lautrec et on rencontre le patron de presse Jean-François Lemoîne, ainsi que l’entourage du maire… Malgré quelque « cour des miracles » bordelaise croisée autour du bar mal famé des « Deux-Mégots » et contrairement aux policiers chargés de l’enquête qui tardaient à en démêler l’écheveau, le lecteur ne s’abandonnera guère à broyer du noir à la manière du peintre Soulages dont l’auteur nous rappelle – dans une de ses nombreuses notes érudites en bas de page – qu’il usait « des reflets de la couleur noire » appelée par lui « outrenoir ». Mais on s’évade également de la capitale aquitaine vers Saint-Estèphe, avec son clocher rappelant une bouteille... Et un prix littéraire récolté récemment par l'auteur ? On emprunte le bac entre le port de Blaye et Lamarque pour admirer les bords de Garonne « avec leurs immenses carrelets, cabanes de pêcheurs semblables à des mygales géantes, qui défilent », aiguisant l’appétit du lecteur pour les bars, crevettes et autres délicatesses gastronomiques de la contrée, telle « cette poêlée de cèpes persillée, accompagnée des arômes de mûre et de truffe d’un Montrose 75, vin particulièrement soyeux au palais »…

Jean-Pierre Alaux excelle à nous transporter dans cette belle région en automne, lorsque « la vigne commence à s’empourprer par touches impressionnistes »...

La télévision en piste ?

Rappelons que l’éditeur Geste Noir vient de rééditer "Avis de tempête sur Cordouan" (notre "Lettre" du 20 mars), ouvrage qui pourrait faire l’objet d’une adaptation à la télévision, comme les remarquables épisodes diffusés sur FR3 de la série "Le Sang de la vigne" de Jean-Pierre Alaux où le rôle de l'œnologue-détective Benjamin Cooker était magistralement interprété par Pierre Arditi (certains avaient même surpassé TF1 avec près de 16% d'audience). En effet, la série des aventures de Séraphin Cantarel intéresse plusieurs producteurs et cette collection pourrait prochainement être portée à l’écran. A ce propos, la France avait récemment proposé la candidature du phare de Cordouan auprès de l’Unesco pour être reconnu Patrimoine de l’humanité. 
Et en septembre, Jean-Pierre Alaux publiera chez Elytis « David Labarre, l’aventure à perte de vue », la biographie de David Labarre, sportif de haut niveau et champion paralympique (malvoyant ) aux jeux de Londres en 2012, parti à la conquête des hauts sommets.

« Fontaine, je ne boirai pas de ton sang », édition Le Geste noir – 13,90 euros

Légendes : 1. Jean-Pierre Alaux et son nouveau roman (crédit : Marc Faget)
2. La boule perdue de la république (et incomplètement reconstituée) 

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