Un très grand musicien, un compositeur célébrissime, le chantre du romantisme flamboyant marqua deux étapes dans notre région en 1844. La date exacte est mentionnée sur une plaque commémorative qui se trouvait à l’entrée principale du théâtre de Bayonne avant d’être bizarrement reléguée quelque part à l’entrée des artistes depuis la dernière réfection du bâtiment : « A l’apogée de sa carrière de virtuose, il avait alors 34 ans, Liszt donna sur cette scène deux admirables concerts, lundi 14 octobre 1844 et le vendredi 18 octobre 1844 ».
Pourquoi donc cet interprète déjà adulé et auteur de pièces musicales si célèbres est-il venu donner plusieurs concerts à Pau et à Bayonne ?
En fait, il semble que la première raison de son passage était liée à Beethoven.
Ou plus précisément au monument à Beethoven que la ville de Bonn en Allemagne, où le compositeur était né, désirait lui élever au moyen d’une souscription publique.
Mais comme toujours, l’argent qui est le nerf de la guerre, vint à manquer ! Apprenant au milieu d’une tournée en Italie que la somme réunie n’atteignait pas 500 Francs, Liszt laissa éclater son indignation et proposa une tournée de concerts afin de recueillir des fonds pour ce monument.
Une invitation venue fort opportunément du Liceo Artistico y literario le dirigea vers l’Espagne. Il arriva dès le 22 octobre (soit quatre jours après son deuxième concert bayonnais) à Madrid où il rencontra une pléiade de musiciens basques attachés au conservatoire, tel le pianiste navarrais Juan-Maria Guelbenzu, Hilarion Eslava, également navarrais (maître de la chapelle royale et auteur d’opéras). Et deux Alavais, l’organiste Sebastian Iradier et Pedro Albéniz, lui-même fils d’un compositeur, Mateo Albeniz, auteur de sonates remarquées au XVIIIe siècle, qui accueillit notre musicien dans la capitale des Espagnes.
Le nouveau Théâtre de Bayonne
Certes, Bayonne était le passage obligé vers l’Espagne et son théâtre était déjà connu depuis Victor Hugo et même Stendhal qui avait assisté au début de sa reconstruction en 1838. Le consul Henri Beyle, plus connu sous son nom de plume de Stendhal, n’avait-il pas remarqué à Bayonne « au levant de la place d'armes, un superbe bâtiment carré, composé d'arcades sur toutes les faces et qui n'en est encore qu'au premier étage. Il est difficile de concevoir une position plus heureuse. Si, comme un enfant me l'a dit, c'est une nouvelle Comédie, rien de plus judicieux et de plus joli.
S'il y a des voitures dans la ville, chacun pourra donner rendez-vous à sa voiture à une arcade différente et le chargement sera fait en un instant. Dans les grandes chaleurs et en hiver, on se promènerait sous celle des quatre rangées d'arcades qui serait la plus fraîche ou la plus chaude. Ce plan était celui du théâtre de Moscou que l'armée française vit pendant trente-six heures (au moment de l’incendie de Moscou, ndlr). Il n'y manquerait que le moyen de descendre à couvert »; mais on lui objecta que « personne ici ne venait au spectacle en voiture » (la situation a bien changé depuis).
Il faut cependant préciser que Liszt avait également joué à Pau. Car, l’autre raison, moins connue, de son séjour dans notre région touchait à un amour contrarié - à l’âge de seize ans - pour une de ses élèves, Caroline de Saint-Cricq, que son père, ministre de Charles X, s’empressa de marier à un compatriote béarnais de ses amis en vue d’éviter une « mésalliance ». Cependant, seize années n’avaient aucunement effacé une passion partagée et, avant Bayonne – ultime étape précédant l’Espagne -, Liszt avait donné deux concerts à Pau, les 8 et 11 octobre 1844, devant une jeune femme éplorée, désormais épouse du magistrat palois Dartigaux…
Quant à la tournée de Liszt en Espagne, après Madrid, l’Andalousie et un crochet par Lisbonne via Gibraltar suivi de concerts à Valence et Barcelone, le musicien revint à Bonn où l’inauguration du monument à Beethoven eut lieu le 12 août 1845. Devant toute l’Europe musicale, Liszt dirigera la 5ème Symphonie, le final de « Fidelio » et il joua splendidement le Concerto en mi bémol. Le troisième jour des fêtes fut réservé à la Cantate de Liszt pour l’inauguration du monument à Beethoven à Bonn.