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La Terre
Pâturages et pacages saisonniers
Pâturages et pacages saisonniers

| François-Xavier Esponde 1313 mots

Pâturages et pacages saisonniers

Le fermier vit en phase avec la terre, ses ensemencements et ses récoltes, la gestion des sols et des prairies, l'alimentation quotidienne de ses troupeaux ovins, bovins, et du poulailler.

L'alimentation fourragère est sa préoccupation et le langage de la pâture, du pacage et de complément végétal lui est nécessaire pour assurer la survie de son cheptel sur pied et dans son élevage.

Le paysan basque pratique le pastoralisme que dans nos fermes familiales nous associions au berger transhumant comme son troupeau dès octobre, venu des hauteurs vers les plaines pour assurer l'alimentation de ses moutons, chèvres, caprins dans leur terme générique.

Les prairies étaient désormais réservées au pasteur et les vaches patientaient en leurs étables en compagnie parfois de ces compagnons de ferme occasionnels ou d'intérim .

Labourage et pâturage disent les prosateurs sont les mamelles de la France, et ajoutons les vraies mines et trésors du Pérou, les nôtres sur les pans des Pyrénées basses 

La Bible et le livre des Rois mentionnent dès 1190 le pâtre et son troupeau, en somme le berger à la tête d'un troupeau, son compagnon de vie et de travail. Une pratique qui s'est perdue dans le transfert en toutes régions des troupeaux en transhumance en quête de nourriture végétale. On parle de Pâture dans le Roman d'Enéas, de pâturages, de pacages, de pâtre, un langage agricole dominant dans une terre agraire pour la grande majorité de ses habitants jusqu'au XIX et XX ème siècle. Le paturon demeurant le chaînon qui permettait d'attacher le cheval et de le fixer.

Les gens des sources vives rappellent que le terme pacage existe aussi en terme piscicole ?

Quant aux pâtis de Jean de la Fontaine appartiennent à son imaginaire jusqu'au XIXème siècle où de telles terres peu cultes ou pauvres servaient d'espaces de pâturages par défaut.

Le paysage agricole et paysan évoque à ce propos de communaux, de friches, de champagnes, de landes, de bruyères sur des surfaces ouvertes dans nos communes auprès de populations qui ne fixèrent les zones de propriétés de fil de fer ou de barrières mais de bornes de pierres transplantées en ces lieux pour en connaitre les limites.

Nos parents fermiers estimaient la pratique de ces terres de rendement modeste mais utiles pour assurer l'alimentation de première nécessité. Apprenant aux jeunes veaux arrachés à la tétée de leurs mères l'apprentissage de se débrouiller seul et de consommer des matières végétales à la place du lait. L'art de brouter par soi même une école de la vie bovine que nous avons un peu perdu en nous éloignant de ce monde de l'enfance des animaux et des hommes.

Les pâtures se confondaient avec les jachères qu'il fallait surveiller pour éviter d'en faire un fouillis incontrôlé de la nature que seul le feu luttant contre les broussailles pouvait contenir. 

Pratiquer les pâtures voulait observer l'état des saisons, hiver et printemps en ajustant la disponibilité des terres de broutage sur des sols de moyennes prairies, puis en altitude pour ceux qui pouvaient le faire. à partir de la saint Jean, en juin bien évidemment en cette saison charnière printemps et l'été.

La culture des herbages ou leur croissance évoluant différemment entre avril jusque juin-juillet, puis bien moins en août et septembre, le paysan fermier savait d'expérience que les lois de la nature étant premières quelques variables selon les années ne modifiaient dans leur ensemble leur pérennité au rythme impératif des saisons.

L'état des herbages donnait le ton ou le sens de leur disponibilité selon les climats ambiants, et le nombre incalculable de proverbes locaux enrichissait en ces temps les baromètre météorologiques que Hil argi bete, Hil argi xuri, Hil argi erdi accordaient à l'état de santé des terres et des troupeaux. 

Pour le paysan l'état du sol, sec, humide, sablonneux, désertique, marécageux signifiait la disponibilité de cet espace variable selon les saisons pour ses troupeaux et ses travaux. La terre forestière ou de prairies bâties par la main de l'homme ne pourrait se comparer aux étangs, aux marais, et aux zones humides herbacées mais d'une alimentation d'une autre nature encore.

Cette alliance intime du fermier, de ses pâturages de toutes intensités, n'a totalement disparu encore aujourd'hui. Elle semble redevenir une loi de réhabilitation de la terre, écologique, traditionnelle et conventionnelle. Curiosité du temps, on évoque les ensilages par nécessité ayant abandonné les fenaisons et les coupes d'herbes de juin, remplacés par les céréales et les végétaux ou plutôt ajoutés aux récoltes anciennes. ?

Une étonnante métamorphose pour le paysan en quête perpétuelle de ses méthodes, de ses moyens et de ses objectifs demandés à la terre. Le mariage paysan, troupeau et pacage dessine une alliance exceptionnelle de conservation et de gestion écologique des paysages auquel le fermier paysan coopère depuis toujours, évitant de laisser aller la végétation sans la contenir, de laisser croitre les herbes sauvages et virales que les troupeaux ne consomment.

On oublie que pendant des millénaires, dans un espace sauvage et mal connu, les troupeaux et les pasteurs sillonnaient nos campagnes, en adoptant les coutumes et les lois en vigueur autour d'eux. La cloture adoptée des propriétés, des champs de broutage et de culture furent de facture récente. On le devine encore en observant en chaque commune les "communs" qui existent encore et ne sont contrôlés que par les services municipaux qui le peuvent.

Le maintien des troupeaux ovin, bovin, caprin en des étables, bergeries, fut d'une pratique récente. Le berger vivait dehors avec son troupeau et son cayolar, cabanon, lui était le seule ressource et seul moyen d'exister et de survivre dans le paysage alentour.

"Le piétinement des sols, le broutage systématique des moutons et des chèvres purifient  et fertilisent, améliorent la qualité de la culture légumineuse des plants, à la fois les pâturages disent les agronomes, et le retour à ces méthodes dites patriarcales, ne sont que la preuve de leur bénéfice encore de nos jours" !

Le droit de pacage existait ,celui du seigneur propriétaire de ses terres communales. Mais la règle demeure. Pacage et métayage ont en commun d'être assujettis à la loi de l'impôt. Un accord partagé en nature par le propriétaire et le berger moyennant la part de viande de laine, de lait et de fromages remis en retour. Les dividendes étant modestes des deux côtés on se contentait d'un tribut vital et de compromis. 

Le libre pacage disparaissant avec l'enclosure des troupeaux et l'augmentation de propriétés privées après la révolution française pour notre compte, Loi du partage du 5 juin 1793, ce paysage du Moyen-Âge évoluera. 

Les pacages associant les landes, les friches, les garrigues, les près communaux et forestiers, seront régis par le droit de pacage plus ou moins tolérants selon les régions pour leurs bénéficiaires.

Le pacage signifiait dans le Littré le terrain agraire non exploité relativement important en raison des forêts et des surfaces encore disponibles. Les remps ont bien changé depuis dans nos campagnes. Peu de surfaces sont abandonnées à ce jour, en attente de fermiers, ou en partage associatif entre des fermages convenus.

Moutons et chèvres, véritables protecteurs des zones environnantes semblent reprendre pied et sol dans les campagnes alentour comme nécessaires pour cette survie. l'ONU crie et rappelle cette nécessité de retrouver les pâturages pour restaurer une appartenance fermière proche des aléas de la campagne. On parle désormais de règles environnementales adaptées aux troupeaux transhumants eux mêmes. L'or des Pyrénées serait contenu dans le réchauffement climatique dominé par la forêt du lieu, de gaz à effet de serre sous vigilance, de corridors ouverts aujourd'hui à l'oxygène naturel encore préservé en nos campagnes dites sauvages des végétations naturelles. On entend cette musique inattendue que de savants agronomes osent chuchoter aux gens de ces terres. Ne laissez pas perdre ce capital de vie et de survie contenu dans ces régions lointaines et si proches de notre avenir !

(photo de couverture : Cayolar Ipaskoa - Fromage à Behorleguy - Brebis Manech Tête Noire)

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