Dans une boite de nuit de l’Ohio, un groupe de jeune gens boivent et plaisantent bruyamment. Une jeune femme qu’ils connaissent vaguement, est assise sur une banquette complètement saoule : c’est Cassandra Thomas (Carey Mulligan) surnommée Cassie, une ancienne étudiante en médecine qui a brusquement arrêté, depuis des années, son cursus universitaire. Un des jeunes hommes se décide : il conduit Cassie chez lui en espérant avoir une relation sexuelle avec elle malgré son taux d’alcoolémie. Arrivée dans son appartement, contre toute attente, Cassie interrompt brusquement son entreprise : elle avait feint l’ivresse !
Dépité, le jeune homme s’interroge sur le comportement erratique de Cassie. Elle surjoue un rôle, mais dans quel but ?
Cassie Thomas est une jolie femme de 30 ans. Elle vit encore chez ses parents, Stanley (Clancy Brown) et Susan (Jennifer Coolige) qui tolèrent sans acrimonie cette situation. Cassie est « une jeune femme pleine de promesse » que rien ne semble intéresser hormis sortir le soir dans des bars de nuit. Dans sa chambre, elle remplit secrètement un carnet. Elle travaille sans trop de conviction dans un « coffee shop » tenu par une amie compréhensive devant son peu d’implication. Dans cet établissement, Elle tombe vaguement amoureuse d’un ancien camarade de classe Ryan Cooper (Bo Burnham) qui est devenu médecin. Par son intermédiaire elle pourra ainsi approcher le groupe d’anciens étudiants de médecine qui ont commis un méfait quelques années auparavant …
Cassie au comportement en apparence extravagant (habillement, langage, simulation éthylique, etc.) peaufine sa stratégie d’autant qu’elle a appris qu’Alexander « Al » Monroe (Chris Lowell) le principal instigateur du drame, va se marier incessamment …
Promise Young Woman (108’) est le premier long métrage réalisé par l’actrice britannique Emerald Fennell (35 ans). Le film est un sous-genre très prisé « rape and revenge » (viol et vengeance) lequel a généré une multitude d’œuvres cinématographiques de qualité variable mais dont certaines sont remarquables : La Source (1960) d’Ingmar Bergman (1918/2007), Le Passager de la pluie (1970) de René Clément (1913/1996), La Dernière Maison sur la gauche (1972) de Wes Craven (1939/2015), etc. Pour son premier opus, la jeune réalisatrice également scénariste a su éviter les deux structures banales, courantes, de ce genre de récit cinématographique. Premier type : une première partie (exposition : agression, viol, etc.) suivie d’une deuxième (résolution : vengeance sur le ou les agresseurs) ; deuxième type : une structure éclatée par de nombreux flash-backs qui reconstruisent le drame. Emerald Fennell a choisi une troisième voie peu usitée : elle consiste à ne jamais montrer le drame mais à l’évoquer par bribes (tardivement), « porté » par un personnage étonnant au comportement intrigant : Cassie. Grâce à ses tenues vestimentaires provocantes, ses propos déconcertants, en apparence décousus, elle disperse l’attention de ses interlocuteurs tout en rassemblant les fils de l’histoire entre les personnages hommes ou femmes de la petite ville de l’Ohio. Elle est le vecteur ondoyant, dérangeant, de ce fait divers violent, passé, oublié jusqu'à son inattendu dénouement.
Doté d’un scénario hors des sentiers battus pour ce genre d’œuvre, Promise Young Woman ne souffre d’aucune baisse de tension grâce à deux autres facteurs que la cinéaste nous propose : un univers visuel très affirmé, « flashy » aux couleurs pastel, acidulé par moment ; l’interprétation de Carey Mulligan (Cassie) d’une grande virtuosité qui exprime la complexité de son personnage hanté par la culpabilité. C’est peut-être cela le renommé « female gaze » (le regard féminin au cinéma).
Ce film, qui déjoue les codes du thriller vengeur classique, a moissonné des récompenses au BAFA 2021 (74ème British Academy Film Awards) britannique (meilleur film, meilleur scénario original) et meilleur scénario original aux Oscars 2021.
Promising Young Woman est un film post #MeToo maîtrisé, d’une grande intelligence réalisée par une réalisatrice à l’avenir prometteur : Emerald Fennell (35 ans).