Dans mon article « “Plan 75” de Chie Hayakawa et "Soleil Vert" : l’élimination programmée des personnes âgées » paru le 9 septembre dernier en rubrique Cinéma : https://www.baskulture.com/article/plan-75-de-chie-hayakawa-et-soleil-vert-llimination-programme-des-personnes-ges-5177
j’évoquais le texte relatif à la fin de vie concocté par le gouvernement comme l’avait annoncé le Premier Ministre Elisabeth Borne à l’issue du séminaire gouvernemental de rentrée. En attendant de pouvoir se nourrir d’éléments de synthèse produits à partir du corps de nos anciens (comme dans le film « Soleil Vert »), le gouverneur de Californie Gavin Newsom (qui se dit « catholique irlandais pratiquant »), vient de signer une loi qui permet le compostage des corps des défunts. C’est le cinquième Etat des Etats-Unis, après le Vermont, le Colorado, Washington et l’Oregon, à permettre la « réduction biologique naturelle » des corps, réalisée par l’organisation « Recompose ». Ainsi, la loi californienne n’interdit pas la vente de ce « compost » ni son utilisation pour faire pousser ses légumes. On peut donc vendre à son voisin le corps composté de ses parents pour faire pousser des poireaux.
Face à ces horreurs qui nous sont promises, voici maintenant la réaction des Evêques de France et les commentaires de notre collaborateur François-Xavier Esponde. ALC
Le Conseil permanent de la conférence des Evêques de France réagit à la proposition de loi en faveur de “l’aide active à mourir“ du Conseil Consultatif National d’éthique en projet. Il est constitué, outre du Cardinal Aveline, archevêque de Marseille, de Mgr Ulrich archevêque de Paris, d’experts consultés sur un sujet grave et qui préoccupe l’opinion publique.
“Choisir de servir la dignité du mourant, l’aider à vivre jusqu’à son terme dans un état de relation et de proximité, comme une personne considérée, respectée, accompagnée et non abandonnée”, demeure la perception catholique de ce conseil.
L’attente la plus profonde du plus grand nombre de gens est l’aide active à vivre plutôt que l’aide active à mourir.
En France l’équilibre obtenu entre l’acharnement thérapeutique et la promotion des soins palliatifs permet “une voie à la française qui dit quelque chose du patrimoine éthique de notre pays”. Pendant le Covid un effort national vit le jour pour sauver le maximum de vies humaines exposées, comment comprendre cette évolution selon laquelle la société n’aurait d’autre issue à la fragilité de la fin de vie, que l’aide active à mourir, ou d’un suicide assisté ?
Le traitement démocratique du sujet demeure l’objectif premier du Conseil Permanent de la Conférence des Evêques français !
Aider à mourir selon la CCNE ? Par François-Xavier Esponde
Le sujet demeure grave, car “si le suicide assisté était dépénalisé, il devrait s’accompagner d’un développement des soins palliatifs prescrit par le CCNE - Comité Consultatif National d’éthique".
Le sujet traverse les clivages droite-gauche de l’échiquier national, les opinions sont multiples, les avis divergent.
Le comité dont les recommandations sont suivies scrupuleusement par les autorités du pays a fait une enquête sur la façon dont on meurt aujourd’hui en France.
Il considère que désormais il existe “une voie pour l’application éthique de l’aide active à mourir, répétant qu’il ne serait pas éthique d’envisager une évolution de la législation si les mesures de santé publique recommandées dans le domaine des soins palliatifs ne sont pas prises en compte”.
La France de toutes les institutions, sanitaires, politiques, des religions, des associations favorables au droit de mourir dans la dignité, ou opposées à la législation de l’euthanasie ont été consultées.
De ces études est née une analyse qui met en avant un équilibre à trouver entre devoir de solidarité envers les personnes les plus vulnérables et l’autonomie de la personne à l’heure du choix.
Les conclusions soulignent qu’à ce jour les lois sont insuffisamment connues et insuffisamment appliquées sur tout le territoire.
Il faut rappeler que lors de ces deux dernières décennies, quatre lois ont été votées, formant le socle légal de la fin de vie en France.
La création des soins palliatifs en 1999, la loi Kouchner en 2002 qui rappelle les droits des malades et rend possible l’interruption des traitements, la loi Léonetti en 2005 qui institue les directives anticipées, la personne de confiance et la sédation profonde et continue pour les personnes en souffrance, atteintes d’une maladie grave incurable, et dont le pronostic vital est engagé constituent ce panel législatif actuel.
Malgré ces lois, 26 départements français n’ont toujours pas d’unités de soins palliatifs et trois présentent moins d’un lit en soins palliatifs pour 100 000 habitants.
Alain Clayes de la CCNE rapporte que “ les soins palliatifs et la sédation profonde et continue s’appliquent difficilement dans les Ehpad et moins encore à domicile des patients.”
Si les avis ont évolué sur la fin de vie, en 2021 quatre lois sur le sujet furent proposées à l’Assemblée Nationale.
Cette année là, 93 % des Français se disaient favorables à l’euthanasie selon un sondage réalisé par l’Ifop à la demande de l’association pour le droit à mourir dans la dignité, ADMD.
Un sondage qui reflétait somme toute plus une peur de souffrir qu’une volonté d’interrompre une vie, car l’appréhension de la fin de vie suscite toujours une profonde interrogation ou inquiétude chez les contemporains.
A ce jour, plusieurs pays européens ont légalisé ou dépénalisé l’assistance au suicide, tels la Suisse, l’Autriche, les Pays Bas, l’Espagne, et une dizaine d’Etats aux Etats-Unis.
En Belgique, l’euthanasie est légale depuis vingt ans...
En France, la CCNE persiste sur la nécessité absolue d’imposer les soins palliatifs parmi les priorités des politiques de santé publique.
La CCNE recommande une politique résolument volontariste qui engagerait des mesures permettant d’aboutir dans les meilleurs délais à une intégration des soins palliatifs dans la pratique de tous les professionnels de santé et en tous lieux de soins.
L’aveu de leur absence à ce jour est patent.
Une seconde recommandation était attendue par les parlementaires et les associations.
La possibilité d’un accès légal à une assistance au suicide devrait être ouverte “aux personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables provoquant des souffrances physiques et psychiques réfractaires aux traitements.”
De l’aveu de professionnels, la loi de 2016 ne répond pas à ces situations d’urgence.
La sédation à court et moyen terme est posée à nouveau pour les professionnels de santé.
Qu’est ce que vivre, si vivre c’est vivre pour souffrir, selon le professeur Régis Aubry du CHU de Besançon. ?
Qui serions nous pour décider ce que vaut cette vie ?
Pour ce cas le patient pourrait s’administrer un produit létal après consultation d’un comité de délibération collégial.
Les avis divergent parfois.
Certains membres considèrent que la loi ne doit pas établir d’exception à l’interdit de donner la mort, et souhaitent que les décisions médicales face à des cas exceptionnels soient laissées le cas échéant au juge.
D’autres encore suggèrent que “les patients disposent d’un accès légal à l’euthanasie sous la même condition d’un pronostic vital engagé à un horizon de moyen terme”.
Huit membres du CCNE ont exprimé leur désaccord sur la question de l’aide active à mourir. Il existe une crainte selon eux que par défaut des soins palliatifs, le droit de mourir légalement devienne une réponse de circonstance.
Chacun ayant conscience du pallier engagé par cette loi d’un changement de monde et de qualité vitale.
Dominique Quinio, ancienne directrice du journal La Croix, souligne qu’un tel acte provoquerait des secousses dans la société entière, et chez les soignants, et dans les familles...
Un avis contrarié par l’ADMD l’association pour le droit de mourir dans la dignité qui se réjouit de la complémentarité entre les soins palliatifs et le droit à l’euthanasie, ajoutant que le recours de la Belgique, de la Suisse pour accomplir ce droit de mourir n’est pas satisfaisant aujourd’hui.
La présidente de la Société française d’Accompagnement des soins palliatifs Sfap rapporte le déficit des moyens actuels pour ses services, un tiers des patients seulement y ont accès aujourd’hui.
Sujet grave et pour les professionnels et pour les institutions politiques françaises, chacun mesure la nature des débats et des décisions prochaines, sur un thème qui préoccupe tout un chacun de sa fin de vie, un jour !