C'est Robert Poulou, adjoint à la Culture de la mairie de Cambo et président des "Amis d'Arnaga", qui a remis au nom des "Trois Couronnes" un prix de littérature digitale à son collègue adjoint à la Culture bayonnais, Yves Ugalde !
Je connais deux artistes capables de remplir régulièrement archi-combles nos théâtres : le chef d'orchestre et violoncelliste Yves Bouillier à la Gare du Midi de Biarritz... Et l'écrivain et chansonnier Yves Ugalde au Théâtre de Bayonne !
Et c'est devant les micros de Radio-Adour-Navarre, vous étiez encore tout jeune étudiant, mon cher Yves, que nous nous sommes connus, mais vous aviez préféré obliquer vers la station concurrente, Radio-Bayonne, mise en place à l'époque par le Dr Grenet pour faire pièce à la mienne que ce cher maire bayonnais jugeait trop indépendante... Et de plus, Jean Grenet n'était plus avec une épouse à l'époque très liée à ma tante et marraine Maylis.
Petit clin d'oeil presque familial car vous-même, cher Yves, après avoir oeuvré à la rédaction de Radio Bayonne et assuré des reportages dans divers média, en avoir même créé, comme le célèbre journal un brin moqueur intitulé "La feuille", vous aviez pris la direction du cabinet du fils Grenet, le député-maire bayonnais Jean Grenet, jusqu'à un "dénouement" qui n'avait rien à voir ni avec votre qualité professionnelle ni celle d'une personne qui vous est chère... mais avec les caractères respectifs et très particuliers des premiers magistrats bayonnais de l'époque.
Qu'à cela ne tienne, vous avez poursuivi votre filière au service des Bayonnais en étant élu et réélu au conseil municipal - actuellement adjoint à la Culture, animations, grands événements et jumelages de la Ville, et depuis un lustre, vous avez succédé à Jean-Claude Larronde à la présidence du Syndicat mixte du Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne.
Mais parallèlement à cette action civique, ce sont surtout vos qualités « d'homme de verbe et de verve » - l'expression n'est pas de mon fait, mais elle me paraît très juste, quand on lit chaque jour vos chroniques sur Facebook - certaines ont été publiées du temps d'Atlantica - et quand on se réjouit - pour ne pas dire qu'on rigole, mais de bon cœur - de vous entendre commenter sur scène l'actualité quotidienne revue et corrigée avec talent à la sauce humoristique locale : je pense que certaines oreilles de vos collègues municipaux doivent quelque peu "siffler", mais ce n'est jamais méchant !
Quant à vos chroniques de promeneur bayonnais, elles sont véritablement exquises, et de belle écriture, parfois humoristiques, ou nimbées à l'occasion de gracieuse poésie : un exercice d’observation quotidienne des scènes de rue, un concert, la fermeture d’un magasin, un mariage, le café du matin, la politique, la disparition d’un ami, un vieux couple étrange sur les bords de Nive, parfois vos souvenirs personnels : à Bayonne, la vie déroule son cours et vous en êtes le conteur attentionné.
Yves Ugalde à Arnaga pour recevoir son prix
Ce vendredi soir, je suis arrivé à 18 heures à Arnaga, pour y recevoir, en particulier aux côtés de la poétesse basque Itxaro Borda et de l'historien et ami Jean-Claude Larronde, le prix littéraire des Trois Couronnes, des mains d'Alexandre de la Cerda. Une demi-heure d'avance préméditée pour avoir le plaisir de déambuler dans la maison de Rostand et de Rosemonde Gérard. Ce lieu me chuchote toujours plein de choses à l'oreille.
On y a vraiment l'impression que l'auteur de Cyrano de Bergerac peut revenir à tout moment d'une promenade dans le parc ou d'un rendez-vous moins avouable au moulin Arraga, tout en bas du mont sur lequel il a posé son etxe gigantesque. Cette année consacrée à Rosemonde la rend aussi très présente dans cette maison au bon ordonnancement de laquelle elle a beaucoup veillé.
Avec un groupe, et j'en ai accompagné beaucoup, ce n'est pas pareil. Les confidences avec les objets, les photos, les coins et recoins où on se recentre, ne sont pas possibles. La visite accompagnée est un moment différent. On s'efface devant l'histoire, on guide. Rien d'intime ne s'empare de soi. On est aux autres.
Là, à 18 heures, et alors que les lauréats du prix et leurs proches ne sont pas encore arrivés, j'ai pu me glisser dans la peau d'un des nombreux amis que Rostand a invités dans sa demeure.
Le plancher craque sous mes pas et je n'entends qu'eux, l'intimité des salons rend palpables les moments de réflexion, de rêveries et de création que le dramaturge a vécus à Cambo. Il ne venait pas qu'y prendre du bon air et du bon temps. Son génie littéraire a produit dans ces pièces.
Il y a ce César que Gérard Depardieu a dépêché après son triomphe dans le Cyrano de Rappeneau, mais aussi des photos tendrement dédicacées à un personnel de maison tout acquis à la cause de l'auteur. Et cette odeur boisée qui donne une épaisseur aux présences humaines qui nous ont précédés. J'entends la voix retentissante de Marie Marquet ou de Sarah Bernhardt répétant l'Aiglon.
Quelques alexandrins pour la paix au Pays Basque
Alexandre de la Cerda m'a prié, après avoir reçu mon prix, de dire le poème que j'avais écrit ce matin de 2018 où les artisans de paix en Pays Basque avaient entériné la fin du conflit armé avec ETA. Un texte qu'il a d'ailleurs retrouvé plus vite que moi. J'ai profité de cette arrivée prématurée pour confier à un des clichés de l'académicien la confusion qui était la mienne de m'autoriser cette impertinence. Mes vers de mirliton composés en moins de quarante minutes comme chaque matin, pastiches des alexandrins en or massif de l'académicien, emportés par l'émotion très particulière de cette journée historique entourée de tellement de suspicion où il n'eût pourtant fallu que de la bonne volonté...
Aux artisans de paix.
Arnaga vit ce matin un vrai grand moment.
Un jour à se fendre de quelques alexandrins.
Ne serait-ce que par respect, et plus tendrement,
Pour celui qui l'a bâti avec tant d'entrain.
Je ne peux m'empêcher de penser à l'auteur
De Cyrano, de l'Aiglon et de Chantecler,
Dont l'âme, ce jour, doit planer sur les hauteurs
De la grande etxe sur fond d'un ciel bleu clair.
Rostand, le poète, l'écrivain des beaux théâtres,
A fait dire à ses grands personnages d'histoire
Des mots survolant, de loin, les décors de plâtre
Et les intrigues prétextes à des faits de gloire.
N'aimer Rostand que par la beauté de sa langue,
C'est faire fi du grand souffle de son œuvre.
L'homme au cœur des conflits et lorsque la paix tangue
Lutte contre du sang et de la haine, la pieuvre.
Un certain public et les critiques d'alors
Ont rangé l'écrivain parmi les virtuoses
D'une expression classique déclamée sous les ors
Toisant, mais sans le dire, les manieurs de prose.
Qu'il soit coq pour de vrai et paré de ses plumes,
Ou qu'il le joue en costume avec ses épées,
Sans prendre le risque d'une liberté posthume,
Il parlait sans cesse d'amour et de respect.
Ce sont eux qui à la fin triomphaient toujours,
Malgré les rancœurs et les conflits dépassés.
L'Aiglon et ses guerres qui ne verront pas le jour,
Le coq avec sa domination déplacée.
Ce matin, c'est dans la grande maison basque
D'un auteur bien supérieur à sa renommée
Que des hommes et des femmes, tout sauf fantasques,
Marchent sur ses pas, et sans y être sommés.
Dans les hauts bosquets et derrière les statues,
Il y a sûrement des sceptiques, et de tous côtés.
En attendant, l'histoire, elle, s'écrit, donne un statut
A des mots, il y a peu, encore chuchotés.
Arnaga, etxea, offre tout son prestige
A une paix durable qu'Hugo, sur son autre socle,
Depuis un Hernani qu'une autre guerre fige,
A ces artisans sortis du temps des monocles.
Eux osent la grande lunette qui voit la lune
Sans rien mépriser des vraies douleurs des batailles.
Ils veulent voir plus loin que le sang à la une,
Malgré les voix, plus faibles, qui encore les raillent.