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Cinéma
“Plan 75” de Chie Hayakawa et "Soleil Vert" : l’élimination programmée des personnes âgées
“Plan 75” de Chie Hayakawa et "Soleil Vert" : l’élimination programmée des personnes âgées

| Alexandre de La Cerda 767 mots

“Plan 75” de Chie Hayakawa et "Soleil Vert" : l’élimination programmée des personnes âgées

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"Plan75", Mention Spéciale Caméra d’Or au Festival de Cannes ©
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Le film d’anticipation japonais “Plan 75”, lauréat du dernier Festival de Cannes, imagine une société qui décide de se débarrasser légalement et de manière industrielle, des plus de 75 ans.
Il paraît d’autant plus d’actualité que la présidente (Renaissance, groupe « macroniste ») de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avait récemment précisé sur France Inter le calendrier de l’Assemblée nationale pour les prochaines semaines. En particulier, elle attend que le Parlement “puisse être saisi rapidement d’un texte relatif à la fin de vie”.
La consultation sur ce sujet promise par le chef de l’Etat pendant la campagne électorale devrait être lancée très prochainement, comme l’a annoncé le Premier Ministre Elisabeth Borne à l’issue du séminaire gouvernemental de rentrée.

"Plan 75" est un film d'anticipation de Chie Hayakawa qui interprète radicalement la tradition japonaise "Ubasute", le suicide des personnes âgées se sentant inutiles à la société, déjà abordée en 1983 par Shohei Imamura dans La balade de Narayama. Dans la sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes 2022 qui lui a attribué la Mention Spéciale Caméra d’Or, "Plan 75" vient de sortir en salles ce mercredi 7 septembre.

Ce film s’ouvre sur un bain de sang : 19 résidents d’un foyer pour handicapés assassinés sauvagement en 2016 par un jeune homme qui voulait débarrasser le Japon de ces personnes “inutiles”. 
La suite du film est beaucoup plus feutrée mais pas moins violente. Dans un futur proche, le gouvernement japonais décide de régler le problème du vieillissement de sa population en votant une loi autorisant l’élimination volontaire des seniors, jugés inutiles et considérés comme une charge pour la société. 
Ce projet baptisé “Plan 75”, vendu comme un “droit à l’euthanasie”, est basé sur le volontariat. Souvent en difficulté financière, isolés, avec de faibles revenus, les personnes âgées se laissent convaincre par des agents dépêchés aux quatre coins du pays pour recruter les candidats au suicide. On leur propose de l’argent et un accompagnement logistique et humain pour mettre fin à leurs jours.
Le film montre comment les anciens sont ostracisés, isolés, et souvent plongés dans la misère, faute de pension de retraite, et comment la honte les empêche de réclamer l’aide sociale.

Un film d’anticipation pour les prochains débats politiques au Parlement en France ?

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"Soleil Vert" ©
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Et il y a encore l'exemple de « Soleil Vert ». Dans ce film de science-fiction tiré d'un roman de Harry Harrison publié en 1966 - « Make room, make room » (en français : « Dégagez, faites de la place ! » -, les personnes ayant atteint un certain âge se faisaient projeter, dans un endroit qui fait penser aux dômes IMAX d'aujourd'hui, des documentaires animaliers, des films sous-marins, des paysages naturels magnifiques, images banales mais qui, après deux heures de plans généraux d'un New York à aspect de bidonville, baignant dans un smog jaunâtre, agité d'émeutes dégagées au bulldozer, prennent une tonalité bouleversante. 
Les spectateurs de ce « paradis perdu » se faisaient ensuite euthanasier, et les protéines ainsi récoltées de leurs cadavres étaient transformées par le géant agro-alimentaire « Soylent Company » pour servir, sous forme de tablettes vitaminées sans goût ni texture, à l'alimentation d’une terre surpeuplée.

Ce film décrit en outre des politiciens corrompus, des capitalistes cyniques, et des scènes d'émeute… De quoi s’interroger sur l’orientation que d’aucuns veulent imprimer à notre monde contemporain !

Rappel : parmi les écrits de Jacques Attali, « gourou » d’une bonne partie de la classe politique (gauche et droite) et appui inconditionnel d’Emmanuel Macron lorsqu’il était candidat aux Présidentielles pour son premier quinquennat , je citerai volontiers ces extraits de « L’homme nomade » (le Livre de Poche, 2005) : « Dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte alors cher à la société ; il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement, plutôt qu’elle ne se détériore progressivement. On pourrait accepter l’idée d’allongement de l’espérance de vie à condition de rendre les vieux solvables et de créer ainsi un marché.

Je crois que dans la logique même du système industriel dans lequel nous nous trouvons, l’allongement de la durée de la vie n’est plus un objectif souhaité par la logique du pouvoir.
L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figure. Dans une logique socialiste, pour commencer, le problème se pose comme suit : la logique socialiste c’est la liberté, et la liberté fondamentale c’est le suicide ; en conséquence, le droit au suicide direct ou indirect est donc une valeur absolue dans ce type de société. L’euthanasie deviendra un instrument essentiel de gouvernement ».   
Jacques Attali

A bon entendeur, salut !

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