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L'Esprit Basque
Pete et Félicienne
Pete et Félicienne

| François-Xavier Esponde 1246 mots

Pete et Félicienne

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Berger basque solitaire dans l'Ouest américain ©
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1 – Pete et son choix de la liberté.

Deux prénoms du pays, par leur naissance et l’histoire qui s’en suivit Outre Atlantique, pour ces jeunes gens d’après guerre partis vers l’Ouest américain.
Pete était né à Saint-Etienne de Baigorry en 1924 dans la Maison "Ospitalia", Félicienne du côté de l’Artzamendi, dans la Maison "Lissaraga" sur la route de Pas-de-Roland à Itxassou issue de la Navarre proche, en avril 1925, à la lisière de ce que l’on appelle la frontière dans ce territoire labourdin.

Pete fils de berger connaissait le métier depuis sa tendre enfance, et voyageait avec son troupeau et “quelques brebis itinérantes”, des deux côtés de la dite frontière jusqu’à ce jour où sur dénonciation de ses pairs, une escouade de douaniers et de gendarmes cherchèrent à l’arrêter et à le contraindre aux aveux.
Le risque d’être pris était devenu majeur, il fallut se cacher ici et là, les amis ne manquaient pas, les concurrents non plus, et en 1948 l’heure vint de quitter au plus vite les lieux, et choisir l’exode ou le pays de la liberté de l’Ouest californien.
Aidé en cela par Charles Iriart, connu comme voyagiste expérimenté des premiers transports transatlantiques via le ciel, Pete et quelques complices décident d’endosser l’uniforme du Far West et leur nouvelle chamara de berger californien.

La Californie, terre d’exode et d’accueil est déjà peuplée d’une colonie basque établie.
Les élevages ovins et bovins de ces hommes aguerris aux conditions de travail tout d’abord au pied des Pyrénées et dans l’Ouest américain par suite sont devenus le lot habitué du travail de ces aventuriers du nouveau monde.

Les débuts des jeunes arrivant du pays ont été passés à alterner des emplois d’été et d’hiver entre la Californie et le Ranch Echavé bien implantée en Nevada. Pete et Félicienne sont bientôt considérés comme faisant partie de la famille par ce dernier. Leur relation de travail s’est transformée en une relation d'amitié...pour la vie, même lorsque la Californie est devenue la résidence permanente de Pete & Félicienne.

Le rythme de labeur est plus soutenu ici qu’outre atlantique ; ces jeunes gens loin de la guerre menée en Europe, enfin libres de leurs mouvements y trouvent leur espace de contentement.
Une respiration neuve et inespérée. Dès les année 60, Pete, le jeune berger est choisi pour gérer le secteur ovin de West Lake Farms, ce grand ranch familial et entreprise agricole dans la vallée de San Joaquin en Californie, comprenez un conglomérat d'environ 10 000 têtes d’ovins disséminés en Californie et dans les Etats proches .
Avec le temps, le jeune Pete, entreprenant sans limite, n’hésite plus désormais à créer à la façon américaine son propre business d'environ 5000 têtes.
Entouré des jeunes basques français et espagnols au début et ensuite, de sud américains, ses boys et garçons de ferme, il mène l’exploitation.
On y produit, de la viande et de la laine (NB: les races de moutons en Amérique sont élevées en majorité pour leur viande et leur laine).
Le travail est continu, le soin prodigué aux ovins et à leurs agneaux est méticuleux et continu.

2 – La venue de Félicienne.

Cette histoire serait inachevée si les premiers souvenirs laissés au pays des relations que ses parents entretenaient déjà entre les maisons "Ospitalia" et "Lissaraga" n’avaient conjugué la rencontre providentielle de deux familles et de jeunes gens à marier un jour autour de cet amour de la terre, du métier de l’élevage des ovins, et de la vie familiale.
Lors de ses déplacements du côté Itxassou, Pete avait remarqué une famille de trois jeunes filles, dont Félicienne, l'aînée âgée de six mois de moins, demeurée au pays et qui traversait son esprit californien.

Comment faire pour décider cette jeune fille qui n’avait jamais quitté ses vallons pyrénéens à le rejoindre si loin, et dans un monde autre pour eux deux ?
Lettres, "échanges de courriers ne suffisaient pas"...
Les avis des deux tourtereaux étaient partagés, oui sur le principe de se retrouver, pas encore sur celui de quitter sa famille à Itxassou.

La réputation d’une idylle sentimentale entre les deux versants de l’Atlantique était connue des deux familles.
Il fallait parer à l’usage des bonnes mœurs, selon la pratique basque des jendetazunak. Vint alors l’intention pour Félicienne après un temps de latence, d’emprunter en 1950 l’avion au milieu de ces jeunes gens en transit vers l’Ouest californien et de retrouver Pete qui l’attendait.

Le travail était bien sa seconde nature, selon la tradition basque ancrée dans son éducation, lana eta laneko egintzak. Elle a occupé divers emplois avant mariage avec Pete et la naissance de leurs deux filles.
Indépendante, pourvue d’un riche tempérament, accueillante, joviale, plaisante et de compagnie délicieuse, elle créa son cercle féminin d’amies - des Américaines, mais essentiellement d’autres immigrants européens (allemandes, italiennes, françaises, y compris basques), venue du Vieux Continent, comme elle.

Toutes épouses d’hommes entreprenants, mais engagées elles mêmes dans des projets qu’elles assurent pour leur compte. Deux enfants naîtront de leur union. Deux filles, la première, Lisa-Christian, meurt quelques jours après sa naissance. Elle repose en Californie.
L’épreuve est cruelle pour les parents.

Pour la seconde, Elizabeth/Liz, son amour, son engagement et sa reconnaissance/ gratitude envers ses parents et pour leurs sacrifices n’ont jamais faibli une fois qu’elle a assumé sa propre vie après avoir quitté le nid familial à 18 ans.

En 2000, Pete et Félicienne décident de revenir au pays, après plus de 50 ans de présence continue dans l’Ouest américain, ponctuée de nombreuses visites à la famille dans le Pays Basque tout au long de ces années. La boucle est bouclée.
Quitter le nouveau pour l’ancien, celui de leur terre de naissance.

Après avoir profité de 6-7 ans de vie à la retraite à leur retour, les problèmes de santé de Pete sont devenus plus importants et après 2-3 années difficiles, les ennuis de santé de Pete provoqueront son décès. Liz rejoindra sa mère, ama, désormais seule et pendant 12 ans partageront leur vie commune du côté de Bassussary jusqu’à ce jour de 15 janvier 2022, à l'âge de 96 ans Ama rejoignit son mari, dans la plus grande discrétion.

Grand de taille, de plus d’un mètre 90, surnommé par certains californiens "De Gaulle", le gentleman basque - gizon osoki - avait porté vers la Californie sa passion pour les brebis qu’il chérissait avant tout.
Tout le long d’une vie partagée avec Félicienne, le couple vécut la période basque initiale de leurs deux décennies premières, plus de cinquante années californiennes, et cette retraite « enracinée » dans un appartement partagé sur la côte basque avant le dernier voyage d’ama !
Nous ne sommes pas dans le rêve fleurette, ni le feuilleton version Dallas improbable, mais bien dans un récit basque vécu par deux jeunes gens du pays, ayant choisi l’aventure, le risque et le travail, au sein d’une famille pétrie de traditions basco-américaines.

Ne leur demandez pas s’ils étaient basques, français, américains ?
Les trois à la fois sans hésiter un instant sur le caractère universel d’une basquité trop étroite dans leur première vie, immensément étendue dans la seconde, et réfléchie et intime dans la troisième !

NDLR. : la cérémonie religieuse pour Mme Félicienne Ospital née Saragüeta Usoz, décédée à l'âge de 96 ans, sera célébrée le vendredi 21 janvier à 10 h 30 en la chapelle du funérarium de Biarritz, 17 avenue du Sabaou. Sa famille remercie toute l'équipe soignante de la Maison Basque de Cambo et son médecin traitant, le docteur Le Den-Hazard. R.I.P. / Goian bego. 

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