Malgré les grains, le chantier naval Marin à Ciboure était bondé la semaine dernière à l’invitation de l’association « Trois-mâts basque » et de son chantier. Deux semaines après une première réunion publique d’information sur ses projets à l’auditorium Ravel, déjà très bien accueillie, l’association ziburutar organisait un événement qu’on avait plus vu le long de la Nivelle depuis quelques décennies : la pose de la quille d’une embarcation en bois de 14 mètres !
« Alba », tel est son nom, est la réplique d’une chaloupe à vapeur construite en 1907 par le chantier Letamendia. Ce chantier familial cibourien était connu pour proposer sur catalogue quelques modèles de chaloupes sardinières à vapeur en utilisant la technique des membrures ployées. Pour autant, aucun de la cinquantaine de bateaux construits n’a jamais été identique aux autres car chaque pêcheur, chaque armement demandait à personnaliser son unité.
L’association a choisi de reproduire la deuxième des quatre « Alba » construites par ce chantier car elle servait, l’hiver, à pêcher la sardine alors que, l’été, elle emportait des touristes dans la baie luzienne et remontait la Nivelle jusqu’à Ascain et même Saint-Pée-sur-Nivelle. De quoi faire le lien entre l’histoire de la pêche luzienne que l’association souhaite mettre en lumière et le transport de passagers à laquelle la réplique est vouée.
Trois-mâts basque a confié le soin au cabinet d’architecture navale Yacht Concept – qui a suivi les 9 dernières années de construction de l’Hermione à Rochefort – de préparer et d’adapter les plans de la chaloupe pour répondre aux normes actuelles de sécurité et de stabilité. Dans son petit discours, Boris Solin, l’un des deux co-présidents de l’association, a conté l’anecdote de la confrontation amicale des méthodes modernes du cabinet d’architecte à l’expérience de la famille Marin : les calculs des ordinateurs ont donné raison à la tradition ! Ou était-ce l’inverse ?
La construction d’Alba a débuté fin janvier au chantier naval Marin. Après avoir décrit l’histoire du chantier familial créé par son arrière-grand-père en 1937 et dont il a pris la tête il y a quelques années, Julien Marin entouré de son père, ses oncles et l’employé du chantier – premier emploi indirect créé grâce aux projets de l’association – a présenté la quille imposante qui avait été dressée dans la première partie du chantier. Pour mieux se rendre compte de l’enveloppe de la future embarcation, il avait disposé les principaux gabarits des couples (la forme des coupes transversales du bateau) tout au long de la quille dont le minium orange vif était encore frais. L’ensemble n’a pas manqué d’impressionner l’assistance, par sa taille d’abord puisque les 14 mètres et le volume de l’embarcation font réellement sensation mais également par l’aspect massif et imposant de la quille de chêne massif taillée d’un bloc sur près de 12 mètres de long.
Outre la présence du Chœur des marins Adour-Océan venu nombreux animer amicalement la cérémonie, celle-ci a notamment été marquée par l’insertion d’une médaille à la jonction de la quille et de l’étambot comme le faisaient les anciens autrefois. Julien Marin et l’association tenaient à respecter la tradition. C’est donc Eneko, le fils de Julien Marin, qui a été chargé de cette tâche très symbolique. Après que Julien a hissé l’étambot avec un palan dans un cliquetis qui a imposé le silence de l’assistance, l’adolescent a glissé sa main dans l’interstice libéré et déposé avec beaucoup de soin cette médaille en or préalablement bénie par Mikel Epalza, l’aumônier des marins. Puis l’étambot a été emboité à nouveau dans son emplacement et scellé définitivement par des chevilles martelées avec puissance par Julien.
Cet événement marque symboliquement le début de cette construction prévue de durer deux ans. Bien que le chantier ne soit pas ouvert au public, Julien Marin et l’association ont d’ores et déjà décidé de présenter régulièrement l’avancement de la construction sur le site internet de l’association (www.troismatsbasque.org) et plus concrètement lors des prochaines journées du Patrimoine les 21 et 22 septembre.
« Trois-mâts basque » est une association loi 1901 qui a pour objets la construction d’« Alba », la création et l’exploitation d’un espace animé scénographié « Biscaye Etchea », la construction d’un trois-mâts goélette dans le cadre d’un chantier spectacle, réplique de « Biscaye » construite en 1878 à Bilbao et exploitée notamment par l’armement Bayonnais Vidard et Légasse, et enfin les navigations à bord des deux bateaux pour les visiteurs, des stages d’apprentissage à la manœuvre de gréements anciens, des croisières et des actions de bienfaisance. Quant à son co-président Boris Solin, on l’a connu commandant maritime et « vice-roi » de la Bidassoa avant qu’il ne quitte la Marine et s’installe définitivement dans la région où il a fondé à Saint-Jean-de-Luz avec son épouse « Bleu – la galerie » qui organise des expositions artistiques consacrées à la mer. Il est également trésorier de l’Ordre des Corsaires basques ! www.troismatsbasque.org