Jeudi 8 avril à 16h : la proposition de loi « Protection patrimoniale et promotion des langues régionales » vient d'être votée à l'Assemblée nationale ! « C'est une victoire collective, avec des soutiens venus de l'ensemble des groupes parlementaires. Le tissu associatif s'est grandement mobilisé, il s'agit aussi de leur victoire », se réjouit le député breton Paul Molac, porteur de la proposition de loi.
Certains analystes considèrent ce vote comme un revers pour le gouvernement dont certains membres – entre autres Jean-Michel Blanquer et le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti – avaient nettement marqué leur opposition, tout comme une bonne partie de la majorité présidentielle LREM ainsi que la « France Insoumise » par les interventions pour le moins véhémentes des députés Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière.
En effet, ce jeudi matin, les députés avaient examiné en deuxième lecture la proposition de loi sur les langues régionales. Un des principaux articles instaurant l'enseignement immersif faisait l'objet d'un amendement du gouvernement visant à le supprimer, et le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer d’enfourcher la monture des « hussards noirs de la république » pourfendeurs de patois / voyez mon article https://baskulture.com/article/langues-rgionales-quand-la-rvolution-sengageait-anantir-le-patois-3836 sous prétexte d'être « républicain et constitutionnaliste » : mais cet amendement sera rejeté.
- 11h40 : l'amendement gouvernemental visant à supprimer l'article 2 ter qui ouvre la voie à l'enseignement immersif en langue régionale dans l'enseignement public est rejeté par les députés, par 188 voix. Cet article-phare de la proposition de loi autorise pour la première fois l'enseignement immersif dans les écoles, collèges et lycées publics. Il était jusqu'ici réservé aux établissements privés.
- 12h30 : les députés débattent de l'instauration du forfait scolaire, versé par les communes de résidence des élèves aux établissements privés situés sur d'autres communes. C'est un enjeu financier de taille pour les écoles immersives, telles que les ikastolas basques, les calandretas gasconnes ou les diwan bretonnes. Il avait fait l'objet d'un amendement pour le supprimer en commission des lois une semaine auparavant. Et le ministre de l'Education nationale de rappeler « l'hostilité des maires » à cette mesure qui impose selon lui « un poids financier » aux communes en évoquant « une rupture d'égalité » et une « double peine pour les écoles publiques qui perdraient des élèves, et qui se verraient en plus contraintes de payer un forfait aux communes voisines ». Il demande le rejet du rétablissement de l'article.
- 13h05 : l'amendement rétablissant l'instauration du forfait scolaire pour les écoles associatives est adopté par l'Assemblée nationale. Une décision saluée par le député Paul Molac, à l'origine de cette proposition de loi.
Après reprise des débats l'après-midi, à 16h, la loi sur les langues régionales, qui a pour double objectif de protéger et de promouvoir « le patrimoine immatériel », a été adoptée par l'hémicycle, avec 247 voix contre 76 voix.
Vincent Bru, artisan actif du succès de la loi
Après le travail de « restauration » de la loi au Sénat grâce à Max Brisson, le succès de son adoption par une majorité conséquente à l’Assemblée Nationale est incontestablement dû en grande partie au député de la côte basque Vincent Bru qui est activement intervenu dans les débats pour défendre l’enseignement en immersion dans l’enseignement public. Son amendement visant à rétablir le forfait communal a été adopté. Le texte présenté ce jeudi avait permis, après la navette parlementaire, de réintroduire certaines dispositions supprimées en première lecture à l’Assemblée Nationale et ce vote conforme avec 247 voix pour, 76 voix contre, conclut ainsi les débats sur un texte qui fera date, le premier consacré aux langues régionales sous la Vème République. La proposition de loi ainsi adoptée, valide la reconnaissance officielle de l’enseignement immersif qui n’est à ce jour pratiqué qu’à titre expérimental dans les écoles publiques. Il permettra une plus large diffusion des langues régionales et il faut l’espérer, une meilleure garantie des moyens alloués pour cet enseignement.
« Les langues régionales constituent une part de notre patrimoine. Malheureusement, elles ne sont plus transmises par la famille, et certaines connaissent une baisse significative de locuteurs. Il appartient donc à l’Éducation Nationale de préserver cette richesse nationale, en reconnaissant officiellement l’enseignement immersif dans les écoles publiques » a déclaré Vincent Bru.
Aujourd’hui, 41 % des élèves des écoles maternelles et élémentaires ont des cours en langue basque, soit 3 700 enfants sur l’ensemble du territoire. Le financement de cet enseignement entre communes ne bénéficiait pas d’un cadre juridique explicite. L’amendement présenté par Vincent Bru sur le rétablissement du forfait communal permet ainsi de clarifier la prise en charge des élèves issus de communes où il n’y a pas d’enseignement immersif. Il s’agit d’une garantie financière essentielle pour les ikastola et les écoles catholiques sous contrat qui accueillent des élèves d’autres communes que celles où elles sont implantées.
Voté au sénat, l’article a été adopté à l’Assemblée Nationale par 127 voix contre 105.
Une loi essentielle pour l’identité de nos territoires
Vincent Bru avait également rappelé que « les langues régionales constituaient une part importante du patrimoine immatériel de la France. Si au Pays basque nous avons reconnu depuis des années l’importance de cette richesse nationale, il n’en va de même pour les quelques soixante-quinze langues régionales parlées sur le territoire français, en métropole et outre-mer. Certaines langues régionales sont en situation de quasi-extinction quand d’autres, dont la langue basque, sont considérées comme « vulnérables ».
La proposition de loi examinée ce jeudi en seconde lecture à l’Assemblée Nationale relève donc d’une nécessité impérieuse. Certains aspects de la proposition de loi confortent des dispositions que notre territoire a déjà mis en œuvre comme la signalétique en langue régionale dans les espaces et les bâtiments publics. Nous bénéficions également de la bienveillance du parquet et du juge pour l’usage des signes diacritiques comme le tilde, dans les actes d’état civil.
Nous disposons également au Pays Basque, avec l’Office de la langue basque, d’une instance essentielle pour promouvoir notre idiome et établir un dialogue constructif et exigeant avec l’État et les collectivités territoriales. Cette proposition de loi vient cependant renforcer la protection patrimoniale et la promotion des langues régionales dans trois domaines essentiels :
- Elle permet la reconnaissance officielle de l’enseignement immersif qui n’est à ce jour pratiqué qu’à titre expérimental dans les écoles publiques
- Elle autorise la signature de convention entre l’état et les régions dans le but de proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves.
- Elle vient clarifier l’effectivité de la participation financière des communes à la scolarisation des élèves dans des écoles privées sous contrat dispensant un enseignement de langue régionale.
- De plus, la proposition de loi promeut l'affichage bilingue sur les bâtiments publics, les panneaux de signalisation, dans la communication institutionnelle, dans les régions qui le souhaitent.
- Enfin, le nouveau texte de loi vise à mettre fin aux difficultés rencontrées par les parents qui choisissent des prénoms traditionnels régionaux ».
A part Vincent Bru, parmi ceux qui ont voté pour cette loi, on notera Florence Lasserre (députée MoDem d’Anglet/Bayonne), Jean Lassalle, député du Pays Basque intérieur et du Béarn « montagne », et David Habib (socialiste béarnais), sans oublier Charles de Courson, élu de la Marne pour le Groupe Libertés et Territoires, dont la famille compte parmi ses proches ascendants le Dr Pierre Broussain, maire et conseiller général d’Hasparren, et un des fondateurs de l’Académie de la langue basque Euskaltzaindia… En revanche, le députés MoDem est-béarnais Jean-Paul Mattéi s’est abstenu, alors que Josy Poueyto (MoDem Béarn), comptabilisée comme ayant voté pour, fit savoir qu'elle avait voulu « s'abstenir volontairement » !
Pour sa part, le parti basque EAJ-PNB salue les avancées obtenues en faveur de l‘euskara et du gascon, soulignant « qu’en Pays Basque nord, cela signifie avant tout, la création de classes immersives publiques, sans avoir recours à l’expérimentation ou le renforcement de l’offre d’enseignement en euskara et en gascon ainsi qu’une non remise en cause par les tribunaux des signalétiques bilingues ou plurilingues.
La maîtrise de la langue française n’est pas menacée. Bien au contraire. Une évaluation de l’Education nationale montre clairement une meilleure compétence en basque et en français des élèves issus de l’enseignement immersif, par exemple. Ces avancées vont dans le sens du bilinguisme et du plurilinguisme des jeunes élèves. Cela leur permettre de connaître et d’aimer leur territoire et d’aller à la découverte d’autres réalités culturelles.
Au-delà de ces premières avancées légales, un territoire en pointe comme le Pays Basque nord doit bénéficier d’un statut de l’euskara, pour fournir d’autres garanties juridiques en expérimentant des mesures non encore reconnues et pour généraliser progressivement le bilinguisme dans l’espace public pour favoriser l’utilisation des langues dites régionales ».