Kigali, la vibrante capitale du Rwanda, m’accueille ce soir pour une expérience exceptionnelle. À 19 heures précises, ma table est réservée au restaurant Meza Malonga, où l’art culinaire prend des allures de voyage initiatique. Ce temple de la gastronomie africaine contemporaine est dirigé par un chef aussi passionné que visionnaire : Dieuveil Malonga (photo de couverture : le chef Malonga et le chanceux gourmet).
Arrivé un peu en avance, je franchis la porte, premier hôte de la soirée, accueilli avec chaleur par le chef en personne. Malonga rayonne d’énergie et de créativité. Né au Congo-Brazzaville, il a été adopté en Allemagne à l’âge de 11 ans, un tournant qui scelle son destin. Sa mère adoptive lui fait découvrir la pâtisserie, tandis que sa grand-mère, gardienne d’une cuisine intemporelle, lui enseigne que les meilleures recettes résident dans les souvenirs des anciens. À 14 ans, il sait déjà que sa vie sera dédiée aux fourneaux.
Sa quête commence en France, où il se forme avec rigueur, mais un goût manquant, une nostalgie tenace, le poussent à revenir aux sources. En 2016, il entreprend un périple de deux ans à travers 35 pays d’Afrique, à la recherche des secrets culinaires des villages, des épices oubliées, et des savoir-faire séculaires. De ce voyage naît une cuisine unique, un dialogue entre les traditions et la modernité.
Ce soir, je déguste un menu en dix actes, une symphonie de 17 plats qui évoquent des paysages, des souvenirs, et des saveurs inédites.
Chaque bouchée raconte une histoire : Pain au sorgho blanc rwandais, gaspacho au poivre du Cameroun, crevettes de Mombasa au randel, trésol culinaire du Sahel. Tout est nouveau et tout est sublime...
Original trou normand avec ce magnifique sorbet de « sweat tomato » citronné, azoté au dernier moment pour agrémenter le spectacle visuel.
Le dessert au chocolat, lui, est un hommage au cacao d’exception de Tanzanie, travaillé avec une précision digne des plus grands maîtres.
Avec 85% de cacao, ce fondant cuit lentement au bain-marie révèle une légère pointe d’amertume, dans un équilibre parfait un peu moins sucré mais particulièrement savoureux. Accompagné d'une glace au caramel beurre salé, d'une espuma de café et d'un gâteau alvéolé au miel, nous sommes au paradis des papilles !
Le chef partage volontiers ses inspirations, évoquant le prix mondial culinaire basque, où il fut finaliste en 2018, et son amour pour le mélange des cultures. Ses assiettes, fruits d’un travail d’orfèvre, sont aussi l’œuvre d’une équipe cosmopolite : des chefs venus du Rwanda, de Tanzanie, d’Ouganda et même du Burundi.
Malonga ne se contente pas de cuisiner ; il bâtit des ponts. Son concept d’afro-fusion transcende les frontières, alliant la tradition africaine à des techniques européennes héritées de son passage en Allemagne et en France. Fermentation, boucanage, condiments rares, occupent une place de choix dans son laboratoire, où 447 pots d’épices attendent patiemment de réinventer un plat.
Son regard est tourné vers l’avenir. Aux pieds des volcans des Virunga, à Musanze, il rêve d’un nouveau restaurant, un lieu où les gorilles dos argentés et la nature brute du Rwanda serviront de toile de fond à une gastronomie encore plus ambitieuse.