A propos de la conférence que donnera M. Vincent Haegele, Conservateur des Bibliothèques de Versailles, vendredi 7 décembre à 18h au Musée Basque et de l'histoire de Bayonne, sur « Napoléon et les siens. Un système de famille » (entrée est libre), il nous a semblé intéressant de relater quelques épisodes du séjour de Napoléon à Bayonne, qui s’est prolongé pendant quelques mois…
L’empereur arrive effectivement à Bayonne le soir du 14 avril 1808 et y restera quatre-vingt-quinze jours, jusqu’au 21 juillet 1808.
L'Empereur des Français arrive à Bayonne le jeudi 14 avril 1808, vers 21 h 30., tout auréolé de sa gloire, de ses victoires… L’enthousiasme de la foule est tel que les huit chevaux de la berline impériale sont dételés et que la voiture est tirée à bout de bras jusqu’au pont Mayou où Napoléon arrive dans ce curieux équipage et où le Maire de Bayonne l'accueille...
D’ailleurs, pendant tout le parcours, de Bordeaux à Bayonne, il faut lire les mémoires des témoins de cette époque pour saisir la chaleur de l’accueil des populations sur son passage.
J’ai trouvé par exemple une extraordinaire gravure anglaise intitulée : the singular guard of honour formed for Bonaparte by the peasantry near Bayonne soit : la singulière garde d’honneur formée pour Bonaparte par la paysannerie près de Bayonne : on y voit le carrosse impérial suivi des troupes en ordre de marche accueilli par des échassiers et… des échassières dont certaines trouvent encore moyen de garder leur équilibre sur leurs échasses tout en portant sur la tête un énorme panier rempli de victuailles, légumes, fruits ou que sais-je !
D’ailleurs, l’Impératrice Joséphine qui rejoignit Napoléon à Bayonne deux semaines plus tard, eut droit, elle aussi, à cette escorte d’échassiers.
Ces étapes landaises n’ont pas manqué de couleur : sur toute la route, les populations accouraient de loin pour voir ce héros dont le nom et les exploits se trouvaient sur toutes les lèvres, depuis dix ans, dans tous les coins de l'Europe. Et c’est un écrivain anglais qui le note : « Sur toute la route de Bordeaux à Bazas, à Mont-de-Marsan, à Bayonne, partout on avait élevé des arcs de triomphe, avec des inscriptions élogieuses. Celui de Dax se faisait remarquer par ce seul mot : MAXIMO. Napoléon en parut content; il voyait rarement des démonstrations semblables, d'une simplicité si expressive.
A l'extrémité de l'étang d'Orx, près du pont de Boudigau, on avait placé, sur une colonne, une statue colossale de Napoléon, le bras étendu du côté d'un vaste étang qu'on voulait dessécher et d'où le jeune et tout-puissant héros semblait ordonner aux eaux de se retirer, pour rendre à l'agriculture quatre mille arpents d'excellentes
terres. Sur cette colonne, on lisait l'inscription-suivante : Rex patriœ jubet, atque undae mutantur in arva. Napoléon ordonne, et d'immenses marais Enrichis de moissons nourriront ses sujets.
Mais c'est son neveu, Napoléon III, qui va mener à bien l'assèchement des marais d'Orx et, plus généralement, assainir, vivifier et civiliser cette contrée déshéritée qu’étaient les Landes jusqu’à cette époque.
La présence de Napoléon dans notre région était liée à l’affaire d’Espagne : méfiant à l’égard des Bourbons espagnols qui se montrent des alliés très incertains et fluctuants dans sa politique de blocus destiné à asphyxier l’économie anglaise, il va tirer habilement profit de la mésentente qui régnait alors entre le roi d’Espagne Charles IV et son fils, le futur Ferdinand VII. D’ailleurs, lors de ses promenades le long de la côte basque, il songera même à monter depuis Bayonne une expédition conjointe avec les Russes, alors ses alliés, pour attaquer les Anglais à revers, dans leurs possessions aux Indes.
A Bayonne, Napoléon logera au château de Marracq, dont il fait l'acquisition.
L’empereur sera extrêmement actif dans tous les domaines : diplomatique, avec les affaires espagnoles, le gouvernement de l’empire - il prendra plusieurs décisions très importantes -. Il se souciera également du développement de la région, de l’amélioration de son économie en concertation avec la chambre de commerce de Bayonne, et même de l’embellissement de la ville à qui il fera cadeau de bâtiments et de terrains appartenant à l’Etat. Car, les guerres napoléoniennes contre l'Espagne transforment bientôt Bayonne en plate-forme de ravitaillement : près d'un demi-million d'hommes y passent entre 1807 et 1810.
A Cambo, Napoléon décida de créer un hôpital, comme à Barèges, pour y recevoir les soldats blessés ou convalescents, mais il ne put mener à bien ce projet.
Napoléon trouvera même le temps de se distraire : il est au mieux de sa forme, Il excursionne, prend plaisir à naviguer sur sa péniche : le 16 mai 1808, déjeuna dans l'île de Bérenx sur l'Adour, en face d'Urt, le fermier de l'île lui servit paraît-il une corbeille de cerises de Guiche particulièrement appréciées par l'Empereur qui demanda qu'on lui en apporta au château de Marracq ».
Il va au théâtre de Bayonne, car il aime la tragédie et admire le comédien Talma. Il lit et se constitue une importante bibliothèque ambulante.
Et, surtout, il goûte aux bains de mer, à Biarritz et à la Chambre d'Amour.
Ainsi, dès son arrivée, à peine .l'inspection de ses troupes terminée, l'Empereur part au grand galop avec un groupe de cavaliers sur la route d'Espagne pour déboucher à Biarritz sur la place de l'Église Saint-Martin puis poursuivre vers l’Atalaye où des batteries avaient été installées contre les frégates anglaises croisant au large.
L'Empereur alla visiter le lac Harausta (actuel lac Mouriscot au quartier La Négresse). Il prit plusieurs bains à la Chambre d'Amour en présence des Généraux Bertrand et Duroc. L'Impératrice Joséphine s'y rendit à deux reprises en cacolet le 2 juin et le 3 juillet pour excursionner avec l'Empereur sur le cheval de la petite Marie Dalbarade après avoir appris que c'est elle qui conduisait sa fille. Rappelons que Hortense de Beauharnais était venue l'année précédente afin d’essayer de se consoler de la perte de son jeune fils (légende Hortensias ?).
Mais revenons à l'Empereur. Voulant taquiner Joséphine, il la poussa dans l'eau toute chaussée et lui fit prendre un bain de pieds forcé. Joséphine poussait des cris et Napoléon riait aux éclats en marchant main dans la main le long de la plage.
Car, avec Joséphine, il renoue des relations de complicité qui avaient présidé aux débuts de leur liaison. Á Marracq, l'étiquette est nécessairement mise de côté : on est à l'étroit, la cour est réduite, l'ambiance quasiment familiale, l'atmosphère détendue.
Pour sa part, le général de Brandt relate dans ses « Souvenirs » que, passant peu après à Bayonne avec le 2e de la Vistule, il visita les fameuses Chambres d’Amour qu'ont chantées tant de poètes. « L'Empereur avait pris quelques bains de mer sur cette plage: on me raconta que chacun de ces bains était accompagné d'une reconnaissance aquatique, pour prévenir quelque surprise anglaise. Pendant tout le temps que Napoléon restait dans l'eau, un détachement de cavaliers de la garde éclairait la ruer, en s'y avançant aussi loin qu'il était possible de le faire sans trop de péril ».
Car les orages ne vont pas tarder à s’amonceler pendant ce séjour bayonnais…
Mais ceci est une autre histoire.
Il y a une anecdote que je ne résiste pas à vous raconter : l’Empereur visita plusieurs demeures nobles de la région. Entre autres, le château d’Urtubie et celui d’Arcangues où il eut sans doute l’occasion de coucher. On montre encore au château d’Arcangues le « lit deNapoléon » dans lequel coucha également Wellington en 1813, lors de la retraite de l’armée française à la suite des désastres en Espagne. Une autre personnalité voulut s’inviter dans ce fameux lit : il s’agit de Hitler au moment de la rencontre avec Franco à la gare d’Hendaye en 1940. Fort heureusement, le Führer fut tellement déçu par le Caudillo qui n’avait pas autorisé l’armée allemande à traverser l’Espagne jusqu’à la Méditerranée (ce qui sauva le futur gouvernement de la France Libre à Alger), qu’il repartit furieux en oubliant de s’arrêter à Arcangues. Ainsi, Hitler ne coucha pas dans le lit de Napoléon et de Wellington !
Napoléon et les siens, vendredi 7 décembre à 18h au Musée Basque